Test | Never Alone
12 mai 2025

Sous la neige, les racines

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Never Alone

À mi-chemin entre le conte ancestral et le jeu de plateforme coopératif, Never Alone (ou Kisima Ingitchuna pour les initiés qui ne trébuchent pas sur les consonnes) propose une aventure intimiste, racontée du point de vue des Iñupiat, un peuple autochtone d'Alaska. Ce n'est ni un documentaire, ni un simple jeu d'aventure : c'est une passerelle de givre entre deux mondes. Développé en collaboration avec des aînés, conteurs et membres de cette communauté, le jeu allie narration traditionnelle et mécaniques modernes pour offrir une expérience atypique. Vous êtes ici pour apprendre, ressentir... et glisser sur la glace.

L'histoire

Un blizzard féroce, une fillette courageuse, et un renard arctique plus utile que la plupart des sidekicks du jeu vidéo : Never Alone pose très vite les bases de son conte initiatique. Nuna, jeune Iñupiat, part à la recherche de l'origine d'une tempête qui menace son village. Accompagnée d'un renard aux pouvoirs spirituels, elle traverse des environnements inspirés de légendes locales : toundras balayées par le vent, cavernes enneigées, ruines mystérieuses... Le récit progresse par fragments, narré en langue Iñupiat avec une sobriété touchante. Alors oui, on est loin d'un scénario hollywoodien à rebondissements, mais ce que l'on perd en twists, on le gagne en chaleur humaine – même par -40°C.
Un conte venu du froid, pour réchauffer les cœurs

Le principe

Invoquer les esprits Iñupiat vous permet de révéler des plateformes salvatrices.

Jouer seul tout en contrôlant deux personnages, ou coopérer à deux en local : ici, la coopération n'est pas une option, c'est une question de survie. Et de logistique. Et de « attends, saute maintenant, pas dans trois secondes ! » Le gameplay repose sur la complémentarité entre Nuna et le renard. Elle peut grimper, tirer, déplacer des objets ; lui saute plus haut, invoque des plateformes magiques, et surtout, évite les pièges les plus retors avec une grâce féline. Si le renard n'avait pas autant de classe et d'agilité, on serait tenté de croire qu'il est là juste pour résoudre des énigmes. Mais non, il est clairement plus compétent que certains coéquipiers humains en ligne.
Deux personnages, une aventure et... quelques chutes dans l'eau gelée

L'emballage

Les aurores boréales vous joueront quelques tours.

Visuellement, Never Alone propose une direction artistique sobre mais évocatrice. L'univers baigne dans des teintes froides, parfois oniriques, et les animations sont volontairement minimalistes. Les esprits et créatures fantastiques qui jalonnent le parcours ajoutent une touche de magie bien dosée. Côté son, la bande-son est discrète mais enveloppante, tandis que les voix en langue Iñupiat ajoutent une authenticité rare. Ce n'est pas un blockbuster, mais une œuvre artisanale, cousue main. Avec des moufles.
La neige n'a jamais été aussi accueillante

Pour qui ?

Contre toute attente sous ces latitudes, il y a aussi des passages aquatiques.

Never Alone s'adresse à un public sensible aux expériences narratives et culturelles, dans la lignée de jeux comme Journey, Spiritfarer ou encore Two Falls. Ce n'est ni long (comptez 3 à 4 heures), ni difficile, mais c'est dense, porteur de sens, et à sa manière, inoubliable. Pour peu que vous soyez curieux, et prêt à découvrir autre chose qu'un monde post-apo envahi de zombies.
Pour les curieux, les rêveurs, et les amateurs de récits rares

L'extension - Foxtales

La relation entre la fillette et le renard ne manquera pas de dégivrer votre cœur.

Foxtales propose une nouvelle aventure inspirée cette fois d'un autre récit traditionnel Iñupiat. L'histoire s'appuie sur la légende de The Two Coastal Brothers, mettant en scène une périlleuse épopée aquatique où l'on retrouve notre duo attachant, toujours aussi soudé. Contrairement au jeu de base majoritairement terrestre et enneigé, Foxtales se déroule dans des environnements marins, avec une mécanique centrale axée sur la navigation en canoë et l'interaction avec les courants. C'est plus court, un peu plus calme, et ça mise davantage sur l'exploration et la résolution d'énigmes environnementales.

Si l'on perd un peu en intensité dramatique, on y gagne en poésie liquide. Surtout, cette extension conserve l'ambition pédagogique de l'original, avec trois nouveaux documentaires sur la culture Iñupiat à débloquer. Une jolie parenthèse pour prolonger le voyage et, au passage, renforcer votre maîtrise du canoë biplace (toujours utile en cas de dégel anticipé).
Quand le conte prend le large

L'anecdote

Une galerie d'une vingtaine de vidéos est disponible pour en apprendre plus sur le peuple Iñupiat.

Je n'imaginais pas qu'un simple jeu de plateforme puisse m'en apprendre autant sur un peuple que je ne connaissais presque pas. Et pourtant, Never Alone m'a donné envie de lire, d'écouter, de comprendre. L'univers du jeu s'inspire de l'imaginaire arctique, entre créatures mythologiques et récits de survie. Ce projet est né à Anchorage, en Alaska, sous l'impulsion de l'Iñupiat Cook Inlet Tribal Council et des studios Upper One Games et E-Line Media. Une première dans l'histoire du jeu vidéo, et un signal fort sur la manière dont ce média peut porter des voix oubliées.
Le jeu vidéo comme passeur de mémoire
Les Plus
  • Une immersion rare dans la culture Iñupiat
  • Une coopération parfaitement intégrée à l'histoire
  • Le renard spirituel : 10/10 en mignonnerie utile
  • Des documentaires bonus instructifs et bien réalisés
  • Une narration en langue d'origine, belle et précieuse
  • Une extension Foxtales charmante qui prolonge l'expérience dans un nouveau cadre aquatique
Les Moins
  • Un peu court (mais intense)
  • Le gameplay parfois un peu rigide en solo
  • Quelques ratés dans la gestion des sauts coopératifs
Résultat

Never Alone est à la fois un jeu, une leçon d'histoire, et un chant venu du nord. Son modeste emballage cache une aventure profondément humaine, qui parvient à faire ressentir, en quelques heures, ce que bien des blockbusters échouent à transmettre en cinquante. C'est aussi un modèle d'intégration culturelle dans le média jeu vidéo. Et s'il arrive à vous faire réfléchir entre deux chutes dans un trou de glace, alors il aura déjà gagné son pari. Avec ce genre de titres, on se dit que l'avenir du jeu vidéo n'est pas que dans la 4K et les mondes ouverts, mais aussi dans les voix anciennes, et les histoires qu'elles murmurent à l'oreille des joueurs.

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