Test | Dark Souls : souffrance extasique
31 oct. 2011

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Dark Souls

Vous êtes un vieux con ? Vous pensez que les jeux étaient bien mieux avant ? Que tout était plus dur et que la nouvelle génération de consoles est faite pour les bébés. Ne vous inquiétez pas, From Software a pensé à vous avec Dark Souls. Ravalez votre fierté, vous allez en baver !

Et in Arcadia ego

Les origines du monde de Dark Souls sont floues, voire carrément sombres. Puis vint le feu originel et avec lui les quatre seigneurs : le roi Gwyn, la sorcière d'Izalith, le premier mort Nito et le furtif Pigmy. Trahis par l'un des leurs, les grands dragons de pierre furent détruit par les seigneurs de la flamme et l'âge du feu débuta. Quelques siècles plus tard, le monde penche plus vers l'âge de la flammèche : les feux s'éteignent un peu partout, les seigneurs originels se sont retirés dans les terres du Nord et une étrange malédiction touche les hommes. Un symbole enflammé condamne les humains à devenir des mort-vivants : incapables de mourir mais qui finissent par perdre tout humanité et se transformer fatalement en carcasses ambulantes. Pas de bol, vous faites parti des morts-vivants : vous voilà donc enfermé illico dans un refuge lointain pour que vous pourrissiez loin des gens de bonne société. Ironie du sort, contrairement à vos camarades d'infortune, vous ne pouvez pas perdre la raison et finissez par vous échapper. Le destin étant décidément taquin, vous vous retrouvez débarqué par un corbeau taille XXL sur la terre des dieux où résident les seigneurs de la flamme. Pour vous point de salut à moins de trouver comment lever cette malédiction et si possible sauver le monde. Le scénario regorge de détails incroyablement noirs et vicieux. Largement inspiré par toutes les franges de la dark fantasy, From Software puise ses idées de Berserk jusqu'à la compagnie noire de Glen Cook. Mais les développeurs ne vous prennent pas par la main, si vous souhaitez comprendre ce qu'il se passe, une seule solution : lire toutes les descriptions d'objets, explorer et encore explorer. Gros point positif par rapport à Dark Souls, chaque environnement est lié aux autres et forme un tout homogène. Seule certitude : vous allez mourir, mourir et encore mourir.

Memento Mori

Hommage à Zelda, The Great Hollow fourmille de Basilisks mortels.

Dark Souls est la suite spirituelle de Demon's Souls, lui-même héritier de la série King's Field qui avait fait sensation en 2009 via un bouche à oreilles du tonnerre de Dieu. Mélangeant habilement environnements nouvelle génération et gameplay ultra vieille école, le jeu avait convaincu les amateurs de sado-masochisme et de jeu de rôle bien ficelé. De prime abord, le jeu se joue exactement comme son prédécesseur à tel point que les défauts de Demon's Souls sont toujours présents, à savoir un ciblage défaillant et une interface un brin vieillotte. Si le gameplay reste identique (et c'est tant mieux) le jeu est très, très loin d'être une pâle copie. Comme un bon vin, la formule s'est bonifiée avec le temps et From Software ne manque pas de nouvelles idées. Ici, point de nexus : la progression s'effectue de point de sauvegarde en point de sauvegarde donc libre à vous de choisir votre destination. Deux nouveaux concepts, l'humanité et les feux de camp, rendent l'expérience de Dark Souls unique vis à vis de son grand frère. Le premier représente l'énergie vitale présente sur les terres du Nord : vous pouvez la trouver sous forme d'objet physique ou sous forme liquide avec un compteur qui augmentera selon vos prouesses en multijoueur. Une fois consommée, cette dernière augmente de facto votre chance de trouver de bons objets et de résister aux différents poisons et autres malédictions. Mais le plus gros avantage consiste à la sacrifier aux différents feux de camp. Ces derniers font office de point de sauvegarde : une fois ad patres, vous serez toujours renvoyé là-bas. En offrant votre humanité, vous pourrez redevenir humain et ainsi accéder aux options multijoueur du titre. Mieux, vous pourrez amplifier la flamme et ainsi obtenir plus de flasques. Ces flasques constituent la seule source non-magique de soins et ne peuvent être remplies qu'aux feux de camp. Comme vous l'aurez compris, l'objectif principal du jeu consiste simplement à atteindre le prochain feu de camp... sans mourir. Ce qui comme nous allons le voir, n'est pas de tout repos.

Quo Vadis ?

Bourré de pièges mortels, la forteresse de Sen vous fera passer un mauvais quart d'heure.

Comme dit précédemment, Dark Souls est un "simple" jeu de rôle/action à la troisième personne : vous créez votre personnage selon diverses classes (voleur, pyromancien, prêtre, etc), explorez des donjons, tuez des monstres, etc. Le problème est que l'architecture générale des niveaux est extrêmement vicieuse, les trois-quarts des monstres vous tueront en deux coups et les "âmes" qui constituent votre argent et votre expérience restent sur votre cadavre. Donc, si vous mourez en allant chercher votre cadavre, adieu veaux, vaches et cochons. Les niveaux sont extrêmement variés et gigantesques. Dès lors, il n'est pas rare d'apercevoir le niveau précédemment franchi du haut d'une montagne. Hélas, From Software n'a pas fait son boulot et le framerate tend à souffrir dans les grandes étendues ouvertes, allant pourrir certaines parties du jeu comme la cauchemardesque BlightTown. Une fois arrivé au bout de votre supplice, vous aurez le plaisir de tomber sur un boss : toujours terrifiant, toujours impressionnant et 100% mortel ! Chaque mort constitue un apprentissage dans la douleur et vous finirez toujours pas les occire. Mais vous n'êtes jamais seul dans Dark Souls et moyennant un peu d'humanité, invoquer un joueur pour vous venir en aide ou envahir le monde d'une proie facile pour lui voler la sienne sera possible. Ce qui rend unique Dark Souls (comme son grand frère avant lui), c'est bien ce sentiment de ne jamais être seul. Vous pouvez à tout moment déposer des messages pré-conçus n'importe où pour orienter les joueurs, offrir des conseils, indiquer un passage secret ou simplement les piéger. L'expérience ne s'arrête pas là car la difficulté écrasante vous forcera à consulter wikis et forums pour partager votre calvaire et découvrir comment les autres âmes en peine s'y sont pris. Dark Souls nous ramène à l'époque lointaine des cours de récré où nous échangions trucs et astuces pour battre le dernier jeu 16-bits à la mode.

Alea jacta est... n00b

Le sanctuaire de Lige-Feu constitue le seul repos des personnages sain d'esprit.

Comme dans la vraie vie, partager ses peines les soulagent et c'est pour cela que le multijoueur est essentiel. Comme expliqué précédemment, en redevenant humain, vous pouvez accéder aux fonctions en ligne du jeu : l'invocation de joueurs. En activant leur signe blanc près d'un feu de camp ou d'un boss, un joueur viendra dans votre monde pour vous aider à occire la vile créature. Si vous réussissez l'exploit tout en gardant votre compagnon éthéré (les flasques marchent pour les deux joueurs), il sera récompensé en humanité brute. La grosse différence avec Demon's Souls réside dans l'intégration du multijoueur dans l'univers et l'histoire du jeu. Neuf factions, une fois trouvées, peuvent librement être rejointes, chacune représentant un personnage ou une organisation plus ou moins bénéfique. Dès votre entrée dans un "covenant" vous obtiendrez certains avantages en multijoueur reflétant la position morale de votre organisation. Ainsi, les gentils disciples de la lumière auront toujours beaucoup plus de facilité à trouver des joueurs à invoquer tandis que les adeptes de Nito pourront piéger les joueurs dans leur monde pour les assassiner. En offrant de l'humanité à votre covenant, divers récompenses vous seront offertes : armes, passages secrets et sorts. Une excellente idée mais une mauvaise exécution. Là où Demon's Souls bénéficiait de serveurs dédiés (toujours en ligne), Dark Souls fonctionne par Peer to Peer ce qui résulte dans un grand n'importe quoi permanent : 75% de vos tentatives d'invocation ou d'invasion se clôtureront par un magnifique "[i]connection failed[i]" ou alors vous finirez avec un joueur japonais avec un ping à tomber par terre.
Les Plus
  • L'architecture esthétique et spatiale des niveaux
  • Le paradoxe de la difficulté juste
  • Les Covenants, les personnages, l'histoire à déchiffrer
  • L'hybridation parfaite entre plaisir solitaire et multijoueur
  • Les adversaires dantesques
  • La grande liberté d'évolution du protagoniste
  • Une ambiance noire et parfaitement cohérente
  • Durée de vie et contenu immenses
Les Moins
  • Le framerate qui tire la tronche
  • Le peer to peer pour l'infrastructure multijoueur
  • Les niveaux post-Anor Londo, un peu en dessous
Résultat

L'esprit de Dark Souls peut être résumé en un seul poncif : "A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire". Dark Souls offre une expérience proche des jeux NES extrêmement difficiles où la simple peur de l'inconnu et l'absence de checkpoints vous menaient la vie dure. Mais en plus d'un gameplay en béton reprenant les meilleurs ficelles de l'action RPG hardcore, From Software s'est permis de fabriquer un univers baroque et vertigineux poussant la console dans ses derniers retranchement. Trois fois plus long que son aïeul, le contenu offert par Dark Souls est simplement gargantuesque mais à un certain prix. Certaines parties (le post Anor-Londo) sentent la mauvaise finition, le lag est présent et l'absence de serveurs dédiés pourrissent l'expérience multijoueur. Mais malgré ses imperfections, Dark Souls reste la grosse production la plus ambitieuse et la plus anticonformiste de cette année. Foncez !

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