Test | Brothers : A Tale of Two Sons Remake
10 mai 2025

Fraternité, fjords et joystick

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Brothers Remake
  • Éditeur 505 Games
  • Développeur Avantgarden
  • Sortie initiale 28 févr. 2024
  • Genres Action, Aventure, Plateformes

En 2013, un petit ovni narratif voyait le jour chez Starbreeze Studios, emmené par un certain Josef Fares, alors surtout connu comme réalisateur de cinéma. Son titre ? Brothers : A Tale of Two Sons. Un conte muet, mélancolique et universel qui allait décrocher plusieurs prix grâce à son gameplay audacieux, où chaque stick contrôlait un frère. Dix ans plus tard, voici son remake, entièrement reconstruit à l'Unreal Engine 5 par Avantgarden Games. Ce retour ne doit rien au hasard : aujourd'hui salué pour A Way Out et It Takes Two, Fares semble avoir ici posé les fondations d'un genre à part. Cette relecture moderne a donc une saveur particulière : celle du galop d'essai devenu œuvre fondatrice.

L'histoire

Un père malade, deux frères désemparés, un remède légendaire au sommet d'une montagne lointaine. Voilà pour le pitch. C'est à travers cette quête initiatique que les deux jeunes protagonistes, contraints de s'entraider, vont affronter les épreuves de la vie : la peur, la mort, la guerre, l'absence, le sacrifice... Dans Brothers : A Tale of Two Sons, pas besoin de dialogues interminables : la narration est entièrement visuelle, les échanges sont dans une langue fictive et l'émotion passe par les gestes, les regards et les situations. Le jeu raconte sans vraiment parler, et c'est ce qui le rend si universel et touchant.
Une quête initiatique comme on en fait peu

Le principe

Le contrôle des frères via les sticks analogiques challenge votre dextérité.

Le gameplay de Brothers est aussi original que déroutant. Chaque stick analogique contrôle un frère : le gauche pour l'aîné, le droit pour le cadet. Le résultat donne lieu à un ballet de coordination cérébrale plutôt unique, à la fois intuitif et parfois un brin frustrant. D'autant que la coopération entre les deux frères est au cœur de la progression : l'un grimpe pendant que l'autre l'aide, l'un nage pendant que l'autre s'agrippe, et ainsi de suite. On assiste donc à une sorte de puzzle coopératif... sauf qu'on joue tout seul.

Un système qui, avec le recul, ressemble à un prototype assumé des mécaniques que Josef Fares déploiera plus tard avec brio dans A Way Out, It Takes Two et Split Fiction. Si ces derniers se jouent à deux, Brothers garde cette idée d'unité, de symbiose entre personnages, au cœur même de son gameplay. Une belle leçon de narration interactive, et une signature déjà très lisible à l'époque.
Un gameplay à deux mains pour une aventure à un cœur

L'emballage

Les environnements des géants sont le cadre d'une exploration très variée.

Graphiquement, c'est vraiment très joli. On retrouve les environnements emblématiques du jeu d'origine (le village, les ponts branlants, les grottes sombres ou les champs baignés de lumière), mais cette fois avec un soin du détail qui magnifie chaque instant. Certains panoramas donnent même envie de poser la manette et de juste contempler. Côté sonore, les musiques ont été réorchestrées avec une vraie richesse acoustique, et les bruitages participent grandement à l'ambiance souvent feutrée, parfois oppressante, mais toujours juste.

Mention spéciale aux quelques cinématiques inédites, insérées avec doigté pour enrichir sans alourdir. L'émotion reste intacte, voire même accentuée.
Un écrin visuel et sonore qui fait honneur à la poésie du jeu

Le remake

L'Unreal Engine 5 est passé par là et ça se voit.

Ce remake n'est pas un simple ravalement de façade : c'est un chantier complet, qui a repris chaque asset du jeu pour les transposer dans un univers plus détaillé, plus vivant, plus expressif. L'Unreal Engine 5 fait des merveilles : lumière volumétrique, profondeur de champ, textures affinées, tout a été repensé pour sublimer le voyage sans le trahir. L'animation des personnages a elle aussi été revue, rendant les émotions plus lisibles, notamment sur les visages.

Mais le remake ne se limite pas à l'esthétique. Quelques ajustements subtils ont été intégrés dans le gameplay pour améliorer le confort, notamment dans les déplacements ou la réactivité des interactions. Les scènes clés gagnent également en intensité grâce à une mise en scène légèrement étoffée et à une bande-son retravaillée (et réinterprétée par un orchestre). En somme, tout est dans la fidélité... mais avec un sacré coup de polish.
Le même voyage, mais sublimé par un souffle neuf

Pour qui ?

La relation fraternelle est retranscrite avec subtilité et fait mouche.

Brothers s'adresse à celles et ceux qui aiment les expériences courtes mais marquantes, les récits muets qui parlent fort, et les mécaniques de jeu qui racontent autant que les dialogues. Si vous avez été touché par Journey, Inside, Unravel ou A Short Hike, ce remake a de fortes chances de vous émouvoir. Et si vous avez adoré It Takes Two ou Split Fiction, vous découvrirez ici la toute première ébauche du style Josef Fares : un goût pour la coopération (même solitaire), une narration fluide, et des émotions sincères qui vous cueillent sans prévenir.
Pour les amateurs de récits sensibles, loin des combats mais proches des émotions

L'anecdote

L'atmosphère nordique fait toujours son effet.

Dès les premières minutes de jeu, quelque chose m'a semblé familier. Pas dans le gameplay, ni dans les mécaniques de narration, mais dans l'atmosphère. Cette lumière dorée entre deux saisons, ces maisons aux toits d'herbe, ces montagnes aux formes abruptes, ces forêts aux troncs noueux... Tout ici respire le Nord. Et pour cause : Brothers a été imaginé par Josef Fares, réalisateur suédo-syrien hébergé à l'époque par Starbreeze, un studio basé à Stockholm. Depuis, Fares a fondé Hazelight Studios dans la même ville. L'influence scandinave irrigue le jeu jusque dans ses racines. Le langage inventé utilisé dans les dialogues ? Inspiré du suédois. Les créatures fantastiques, les paysages, les émotions qui passent par le silence et les regards ? On croirait presque traverser un vieux conte nordique qu'on aurait retrouvé entre deux planches de bois gravées au fond d'une cabane. C'est aussi ce parfum culturel singulier, si rare dans le jeu vidéo, qui donne à Brothers : A Tale of Two Sons ce charme à la fois étrange et universel.
Quand les mythes nordiques soufflent sur votre manette
Les Plus
  • Une refonte graphique complète, somptueuse et fidèle à l'esprit du jeu
  • Une mise en scène repensée et enrichie, plus cinématographique
  • Une direction artistique inspirée par les cultures nordiques
  • Une bande-son entièrement réenregistrée avec orchestre
  • Un gameplay toujours aussi original et intuitif à deux sticks
  • Des scènes fortes en émotion, sans un mot
  • Une durée contenue mais parfaitement rythmée
  • Une œuvre fondatrice à replacer dans l'évolution du studio Starbreeze et du style Josef Fares
Les Moins
  • Toujours aussi court (environ 3 heures), même si ça fait partie de sa force
  • Pas de contenu supplémentaire marquant ou d'ajouts de gameplay
  • Le contrôle à deux sticks peut rebuter au début, surtout sur manette
Résultat

Avec Brothers : A Tale of Two Sons Remake, l'œuvre fondatrice de Josef Fares et du studio suédois Hazelight retrouve une nouvelle jeunesse. Recréé avec soin par l'équipe d'Avantgarden, ce remake conserve l'intimité et la puissance émotionnelle du jeu original tout en lui offrant une mise en scène bien plus cinématographique, un enrobage visuel contemporain et un accompagnement sonore magistralement réorchestré. Le voyage est toujours aussi court, certes, mais aussi intense et marquant qu'à l'époque. Et si vous n'avez jamais guidé deux frères avec une seule manette, ce remake est clairement la meilleure porte d'entrée. Quant aux connaisseurs de la première heure, ils y verront sans doute les prémices du style Josef Fares, aujourd'hui devenu culte grâce à A Way Out et It Takes Two. Une œuvre à (re)découvrir comme on relit un conte qu'on pensait connaître, et dont on perçoit enfin toute la poésie en version restaurée.

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