Test | Persona 5 : Royal
17 mars 2020

Le Roi de Cœur

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Persona 5 : Royal
  • Éditeur Atlus
  • Développeur Atlus
  • Sortie initiale 31 mars 2020
  • Genre Rôle

Si vous aviez raté l'examen d'entrée en avril 2017, Persona 5 : Royal vous offre une généreuse session de rattrapage. Trois ans après sa sortie, Persona 5 revient avec une traduction en français impeccable, de nouveaux personnages, un nouveau quartier, un nouveau Palais, un nouveau semestre, deux nouvelles fins, et plus d'une centaine de nouveautés qui font de cette édition « Director's Cut » la nouvelle référence. L'un des tous meilleurs jeux de rôle de la PlayStation 4 n'a pas fait les choses à moitié avec cette édition copieuse qui a du cœur, beaucoup de cœur – de quoi en perdre son latin, même si vous aviez révisé comme un bachelier cocaïné. Pas de panique, voici une antisèche.

L'histoire

Vous avez 16 ans, et vous êtes en taule – enfin presque. Interrogé par la procureure Sae Niijima, vous lui racontez les derniers mois qui ont fait basculer votre vie de lycéen lambda à Tokyo en criminel molesté par les flics et trahi par un proche. Lequel ? À vous de le découvrir. Le jeu se déroule pendant un long flashback qui commence en début d'année scolaire. Fraîchement accueilli par le Principal, vous vous rendez compte que tout le monde vous fuit comme la peste. Vous avez une réputation de criminel : viré de votre précédent établissement, placé sous la responsabilité d'un tuteur qui ne vous aime pas plus que vos nouveaux camarades de classe, vous galérez pour vous faire de nouveaux amis. Le tout alors que des accidents étranges ébranlent Tokyo, comme ce conducteur de métro possédé qui provoque un déraillement. Oui, on peut dire que l'année commence aussi mal qu'elle finit.

C'est la grande force de Persona 5 : Royal : contrairement à beaucoup de jeux de rôle où vous incarnez un héros caricatural à l'avenir tout tracé, ici vous jouez un lycéen qui rame pour étudier à la bibliothèque entre deux cours, qui se fait sermonner par ses profs, qui subit les brimades de ses camarades (« je parie qu'il a un couteau », « qu'est-ce qu'il fait là, lui ?! », « ne lui parle pas ! » etc), bref, qui vit au jour le jour. Loin, très loin du gentleman cambrioleur plein d'assurance que la procureure interroge des mois plus tard. Tout l'intérêt de l'histoire, un peu lente à démarrer, c'est de jouer sur ces deux registres : l'étudiant solitaire, et l'Arsène Lupin aux pouvoirs surnaturels. C'est qu'outre le bahut, le monde regorge de Palais cachés, matérialisations des pulsions coupables de personnes influentes que vous allez combattre sur les deux plans – dans le monde réel, et dans leurs Palais fantasmés.
Vous jouez un ado qui galère et se métamorphose en Arsène Lupin

Le principe

Les textos peuvent maintenant inclure des selfies.

Deux jeux sont interconnectés dans Persona 5 : le monde réel, et le monde surnaturel. Dans le monde réel, vous allez à l'école, vous suivez des cours, vous vous faites des amis, et parfois (rarement) vous pouvez vous détendre en matant un film, en faisant du billard ou des fléchettes (c'est nouveau), du baseball, etc. Le temps et l'argent deviennent vite un problème. Il faut trouver un job d'étudiant pour payer les factures du monde surnaturel (soins pour les donjons, accessoires, armes) et du monde réel (location de film, resto, engrais pour votre plante). Persona 5 : Royal excelle à retranscrire la vie à Tokyo, le métro, la grande ville anonyme, les quartiers résidentiels, plus Kichijoji (un nouveau quartier) ou encore Shibuya. Pour un joueur occidental, c'est un vrai dépaysement. Le jeu touche aussi du doigt des sujets difficiles traités avec beaucoup d'empathie comme le harcèlement sexuel ou le racisme, malgré quelques dérapages sexistes dont certains LGBT désormais corrigés en occident. On s'attache très vite aux protagonistes à force de passer du temps avec eux, un temps précieux vu le peu de liberté dont on dispose entre deux cours. Même ceux qu'on a envie de baffer initialement comme Ryuji Sakamoto finissent par devenir sympathiques ! Présenté comme un vulgaire vaurien d'abord, il dévoile ses erreurs et ses remords au fur et à mesure qu'on se lie d'amitié avec lui. Même chose avec la gymnaste Kasumi Yoshizawa ajoutée par cette édition. Le jeu n'oublie pas non plus d'être léger, surtout grâce au chat qui parle, Morgana, un personnage touchant et complètement barré.
Des thèmes difficiles traités avec empathie

Le gameplay

Les Palais ont été améliorés avec de nouvelles salles, bonus et ennemis.

Si les passages dans le monde réel ressemblent parfois à un visual novel attachant bourré de dialogues un peu longuets, les donjons fantasmés ressemblent plus à un jeu de rôle classique. Pour neutraliser les « boss » qui commettent des exactions dans le monde réel, il faut infiltrer leurs Palais démoniaques et affronter leurs sbires au tour par tour. Vous disposez d'attaques au corps à corps, d'armes à feu (des jouets achetés dans le monde réel), d'invocations (chaque joueur a sa « Persona ») et d'objets offensifs ou défensifs. Pour espérer survivre, la difficulté par défaut étant parfois brutale, il faut se cacher, attaquer les ennemis dans le dos, apprendre leurs faiblesses – celui-ci est immunisé contre les armes à feu avec sa cuirasse, celui-là craint certains sorts des Personas, etc. Tabasser un ennemi ou le tuer permet de gagner un tour supplémentaire : attaquer une fois de plus, ou passer la main à un autre attaquant avec des bonus. Vous pouvez même négocier avec un ennemi affaibli pour lui extorquer un objet ou de l'argent, le pulvériser en équipe dans un finish de toute beauté, voire le recruter après une joute verbale (à réussir en tenant compte de sa personnalité). Et le gameplay en poupées russes continue, puisque les créatures recrutées peuvent fusionner dans une prison stylisée, à condition de les guillotiner. Oui, c'est baroque. C'est du Persona tout craché.
Tabasser un ennemi donne un tour supplémentaire

Pour qui ?

Un nouveau personnage jouable vous rejoint, Kasumi Yoshizawa.

Vous n'avez jamais joué à Persona 5 ? Pourquoi ? Arrêtez de lire et foncez acheter cette version ultime. Vous avez déjà joué à l'original sans le finir ? Ah, alors une précision s'impose : non, vos sauvegardes ne sont pas importables dans Persona 5 : Royal. Il s'agit d'un tout nouveau jeu qui va repérer votre sauvegarde de Persona 5 et vous donner un bonus de départ (50 000 crédits pour nous, pas mal). Mais sans vous permettre de zapper les chapitres déjà faits. Impossible aussi de changer la difficulté en cours de partie pour passer les premiers Palais en mode facile et arriver plus vite aux vraies nouveautés, notamment la gymnaste Kasumi Yoshizawa qui n'est que teasée au début. Les premières heures sont du coup longues et monotones comme un automne de Verlaine, entre exposition nécessaire et explications des (très nombreux) mécanismes de gameplay. Heureusement qu'on peut accélérer dialogues et combats pour dynamiser un séquençage cours / Palais / dialogues pas toujours optimal au début. Heureusement aussi que les nouveautés significatives, nouveau semestre et Palais en tête, valent vraiment le coup, ajoutant une bonne trentaine d'heures à ce jeu gargantuesque. C'est largement suffisant pour faire replonger les passionnés qui ont fait plusieurs runs et qui y ont laissé un morceau d'âme.
Les nouveautés valent vraiment le coup

L'anecdote

Se balader dans la fourrure de Morgana, c'est possible... Miaou !

Quoi de neuf dans cette version ? Si vous hésitez à casser votre tirelire ou à vendre un Bitcoin, vous vous posez forcément la question. La réponse est... un dictionnaire ! Les nouveautés se partagent entre retouches cosmétiques (le calendrier du jeu montre la pluie et la neige, yay), rééquilibrages (certaines Personas comme Lucifer ont de nouveaux attributs, super), et... changements de fond. Un grappin permet maintenant d'atteindre des zones inédites dans les Palais et est souvent indispensable pour trouver trois objets inédits, bonus bien planqués et généralement bien défendus. Côté protagonistes, outre la mystérieuse gymnaste Kasumi Yoshizawa que vous pouvez recruter, vous allez rencontrer Jose (le garçon en blanc) dans un espace astral que vous pouvez décorer aux couleurs des Palais visités. Musiques, cinématiques, artworks et Personas peuvent y être achetés avec une monnaie qui se gagne en réussissant des défis en jeu. Vous pouvez même y changer d'apparence et déambuler en Morgana, Ryuji ou Ann, si le cœur vous en dit – mais uniquement dans cet espace clos. C'est, avec le quartier de Kichijoji, une des grandes nouveautés du jeu et un rêve pour les collectionneurs.
Persona 5 : Royal ajoute une centaine de nouveautés... souvent cosmétiques
Les Plus
  • L'ambiance incroyable, les musiques, un Tokyo saisissant
  • Les protagonistes complexes et attachants
  • Les combats dynamiques et gorgés de sous-systèmes
  • Une édition ultime généreuse en nouveautés
  • La traduction française vraiment excellente
Les Moins
  • Impossible de récupérer une vieille sauvegarde
  • Le début se traîne un peu
Résultat

Le Roi du jeu de rôle japonais va voler votre cœur ! Impossible de rester de marbre devant ces protagonistes terriblement humains, aux doutes et aux joies si communicatifs. Impossible de résister à ce gameplay aussi profond que ses héros, avec ses systèmes imbriqués les uns dans les autres – les actions dans le monde réel influencent vos performances dans les Palais, les amitiés forgées dans les couloirs de Shujin et les rues de Tokyo donnant un avantage en combat. Et puis cette ambiance. Les rues de Kichijoji. Le métro, écrasant de banalité et de tristesse. La grande ville qui avale les ados et vomit les pires turpitudes. Les Palais baroques. Et la musique, les menus, les cinématiques et les finish stylisés, l'ambiance graphique exceptionnelle qui donne son âme au jeu. Persona 5 : Royal est fou, généreux et classe : un must pour les nouveaux comme pour les passionnés.

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