Test | Bye Sweet Carole
26 oct. 2025

Lana aux pays des frissons

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Bye Sweet Carole

Vous pensiez que les lapins blancs et les jardins anglais étaient des symboles d'innocence ? Détrompez-vous. Bye Sweet Carole, le dernier né du studio Little Sewing Machine, tire son chapeau à Lewis Carroll... mais lui arrache au passage quelques plumes. Ici, point de merveilles : juste une orpheline, des lapins qui n'ont rien de mignon, et un conte qui vire doucement au cauchemar victorien. Un mélange entre Little Nightmares et un vieux court Disney des années 30 – sauf qu'à la fin, ce n'est pas Mickey qui gagne.

L'histoire

Carole, notre héroïne, a disparu. Et vous incarnez Lana Benton, pensionnaire d'un orphelinat aux murs qui grincent, bien décidée à comprendre ce qu'il est advenu de sa camarade. Plus elle s'enfonce dans les recoins sombres du manoir et du monde qui s'y cache, plus l'histoire se délite pour dévoiler un propos étonnamment mature : la critique du patriarcat, la quête d'émancipation féminine, et même la capacité à tourner la page. Entre deux jumpscares, le jeu vous glisse presque un cours de littérature féministe – se permettant même un dialogue avec un prétendant digne d'Orgueil et Préjugés. Et comme si ça ne suffisait pas, Bye Sweet Carole cite William Shakespeare. Oui, ici vous tremblez, vous fuyez, et vous révisez aussi votre bac de lettres.
Quand la disparition d'une amie devient une leçon de vie

Le principe

M. Kyn n'a de cesse de vous envoyer ses lapins démoniaques, restez sur vos gardes !

Si vous avez survécu à Little Nightmares, vous serez en terrain connu. Chaque pièce est une arène miniature où rôdent des créatures aux allures d'anciens voisins de Dumbo passés du côté obscur. Elles patrouillent, font des rondes, et il faut attendre le bon moment pour se faufiler sans faire de bruit. Un faux pas ? Et c'est la catastrophe : un objet qui tombe lorsque vous courez à proximité attire les ennemis d'une autre salle. Le stress ne vous lâche jamais.


Vous passerez donc une bonne partie de votre temps à vous cacher dans des armoires, à ramper sous des tables et à craquer des allumettes avec la main qui tremble. Mention spéciale à la séquence des lampes à pétrole : allumer la lumière pour repousser une créature photosensible n'a jamais été aussi terrifiant.


Le gameplay à double tranche (Lana peut se transformer en lapin pour effectuer certaines actions) n'est pas dénué de bonnes idées : la séquence de danse, par exemple, surprend par sa mise en scène. Et le personnage de M. Baesie, un compagnon aussi bavard qu'absurde, apporte un vrai grain de folie – surtout quand il se résume à une simple tête capable d'absorber le feu ou l'électricité pour résoudre des énigmes. Un concept bien trouvé, à la fois grotesque et réjouissant.


Mais tout n'est pas rose (ni lapin) : certaines énigmes frôlent l'illogique. On pense par exemple à cette scène de la douche avec un tabouret, qui ferait perdre patience même à un joueur de Monkey Island. Et les allers-retours redondants entre les mêmes pièces finissent par user votre curiosité. Vous tournez en rond avec cette impression d'avoir loupé quelque chose, mais impossible de savoir quoi. Vintage, vous disiez ?
Cache-cache infernal et stress garanti

L'emballage

M. Baesie va vous épauler et vous pouvez même les contrôler, lui et sa tête amovible.

Impossible de ne pas s'arrêter sur la direction artistique, véritable claque rétro : tout ici évoque le Disney des débuts, avec ses visuels vintage et sa 2D soignée. Les animations "cartoon" adoucissent la noirceur de l'histoire, mais sans jamais dissiper la tension. Et même si le jeu se déroule sur un scrolling horizontal, certaines scènes offrent une profondeur de champ magnifique. Dommage que cette technique ne soit exploitée qu'occasionnellement.


La caméra fixe, elle, joue sur les nerfs. On aurait aimé pouvoir décaler le cadre de quelques mètres sur les côtés pour anticiper un danger, mais non : tout est figé. Résultat, chaque couloir devient un piège à tension, chaque porte une invitation à paniquer. Vous vouliez voir ce qui se cache à droite ? Tant pis. Laissez donc l'angoisse faire son travail.
Un style rétro qui ferait pâlir Disney…

Pour qui ?

Le jeu offre quelques confrontations de boss pas piquées des hannetons.

Bye Sweet Carole s'adresse à ceux qui apprécient les contes sombres, les puzzles retors et les ambiances pesantes. Si vous avez aimé Little Nightmares, vous retrouverez ce même mélange de poésie tordue et de panique rampante. Mais attention : ici, pas de main tendue. Le jeu demande de la patience, du calme et un goût certain pour les énigmes pas toujours intuitives. Les amateurs d'action pure passeront leur chemin, les autres y verront une expérience aussi étrange que captivante.
Pour les amateurs de frissons poétiques et de puzzles retors

L'anecdote

Dans son format "tête", M. Baesie peut conduire des éléments comme le feu ou l'électricité.

Derrière Bye Sweet Carole, il y a Chris Darril, fondateur de Little Sewing Machine et déjà reconnu pour la série Remothered. Son nom est mis en avant car il apporte crédibilité et vision artistique : primé pour l'écriture et salué par des figures comme Keiichiro Toyama, il transforme chaque scène en mélange de poésie et de cauchemar. Jouer à ce jeu, c'est donc plonger dans un univers d'auteur où l'horreur rencontre un style rétro soigné – et où chaque frisson porte la signature de Darril.

Chris Darril : le maître d'orchestre de vos frissons
Les Plus
  • Une direction artistique vintage sublime, digne des premiers Disney
  • Un univers sombre et poétique, riche en symboles
  • Le personnage de M. Baesie, irrésistiblement absurde
  • Des séquences de gameplay ingénieuses (lampes à pétrole, danse, etc.)
  • Une tension constante, soutenue par la caméra fixe
  • Des thématiques surprenantes : émancipation, deuil, patriarcat…
Les Moins
  • Des allers-retours parfois laborieux
  • Des actions peu intuitives (le fameux tabouret de la douche)
  • Quelques jumpscares un peu prévisibles
  • Le rythme qui s'essouffle par moments
Résultat

Avec Bye Sweet Carole, Little Sewing Machine signe une œuvre singulière : un conte horrifique délicat, mélange improbable de féminisme, de poésie et de cauchemars. Tout n'est pas parfait – la progression tourne parfois en rond, et certaines mécaniques datent d'un autre temps –, mais l'ensemble fascine par sa cohérence visuelle, sa tension quasi permanente et son humour macabre. Un peu comme si Lewis Carroll avait troqué sa tasse de thé contre un shot d'adrénaline.

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