Interview | Anno 117 : Pax Romana
13 nov. 2025

Entretien avec Stéphane Jankowski

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Avec Anno 117 : Pax Romana, Ubisoft Mainz fait voyager la série culte jusque dans la splendeur de l'Empire romain. Un cadre majestueux, des provinces pleines de caractère et une foule de choix moraux à assumer : la recette promet déjà de belles heures de jeu. Et quand Stéphane Jankowski, producteur exécutif passionnant et passionné, en parle, impossible de ne pas avoir envie d'y poser sa première pierre. (La version vidéo ce cet entretien arrive très bientôt)

"Le cadre semble familier grâce au cinéma ou aux jeux vidéo mais vous allez être surpris."

Si tu devais pitcher Anno 117 en une phrase ?

Stéphane JankowskiC'est le meilleur jeu de construction possible dans l'Empire romain. Vous allez développer vos villes, vos alliances, vos rivalités, bâtir une économie florissante... tout cela dans un cadre familier, qu'on pense connaître par le cinéma ou les jeux vidéo. Mais on compte bien surprendre les joueurs avec des provinces plus exotiques, notamment dans les territoires celtiques, qui offriront un vrai dépaysement.


D'où vient cette envie de plonger la série Anno dans la Rome antique ? Et comment ce concept a-t-il évolué au fil du développement – de la première idée à la vision finale ?

Stéphane JankowskiAnno existe depuis plus de 25 ans, et notre communauté est incroyablement passionnée. Elle nous envoie sans cesse des idées, et la liste des univers potentiels est très longue. Le cadre romain revient depuis plus de vingt ans dans les demandes des fans. Cette fois, on s'est dit que le moment était venu. Nous disposions d'une technologie capable de rendre justice à la beauté de l'Empire romain, alors on a foncé. Nous utilisons cet empire comme un immense bac à sable, composé de provinces très différentes, pour refléter la diversité culturelle de l'époque. On l'oublie souvent, mais c'était sans doute l'un des empires les plus multiculturels de l'histoire, avant la Renaissance. On voulait que cette richesse se ressente dans les villes et les rues du jeu.

"Anno est une expérience qui se savoure dans le temps."

Vous avez sans doute testé des mécaniques, des idées ou des lieux qui n'ont pas survécu à la production. Qu'est-ce que tu aurais aimé garder, mais que vous avez finalement dû laisser sur le bord de la Via Appia ?

Stéphane JankowskiQuand on construit un jeu comme Anno, il faut faire des choix. Certaines choses disparaissent, d'autres sont simplement repoussées. Sur Anno 1800, nous avons continué à développer du contenu pendant cinq ans après la sortie. Et nous avons la même ambition pour Anno 117. Par exemple, le volcan visible au loin dans le jeu devait initialement être une île exploitable dès le lancement. Finalement, ce sera intégré plus tard, dans la première année de contenu additionnel. Ce sont des décisions frustrantes, mais on travaille sur le long terme. Anno est une expérience qui se savoure dans le temps, pour les joueurs comme pour nous.


Justement, le Pass Année 1 promet du lourd niveau extension : une île volcanique, un hippodrome monumental et même une province d'inspiration égyptienne. Quelle est la logique derrière ces extensions ? Vous aviez envie de montrer la diversité de l'Empire ou d'explorer des mécaniques inédites ?

Stéphane JankowskiLes deux. L'Empire romain est un terrain de jeu idéal pour nous. Sa diversité naturelle, de la Bretagne aux rives de la Méditerranée, offre une multitude d'ambiances. Explorer l'Égypte, par exemple, nous permet de jouer avec d'autres traditions, d'autres religions, d'autres architectures. C'est une richesse infinie, et on compte bien s'en amuser. Nous avons choisi une période de paix dans l'Empire, la Pax Romana, pour que le joueur puisse se concentrer sur le développement et la croissance, sans être constamment assailli par des guerres.

"Anno est l'un des rares jeux de gestion à proposer une véritable histoire."

Pour la première fois dans Anno, la campagne nous propose de choisir entre deux héros : Marcus et Marcia. Pourquoi ce double point de vue, et qu'est-ce que cela change dans la façon de raconter l'histoire et de gérer sa province ?

Stéphane JankowskiAnno est l'un des rares jeux de gestion à proposer une véritable histoire. On avait déjà commencé à explorer cela dans Anno 1800. Avec Anno 117, on voulait aller plus loin. On s'est posé une question simple : qui est le joueur, dans un Anno ? On ne l'avait jamais vraiment défini. Ici, vous incarnez un gouverneur nommé par l'empereur, envoyé pour résoudre les problèmes d'une province. De là est née l'idée du choix entre deux personnages, Marcus et Marcia. On voulait refléter la diversité de l'Empire, mais aussi la nôtre : notre équipe est composée de plus de 100 personnes issues de 21 nationalités différentes. Historiquement, il n'y a pas eu de gouverneur femme, mais les femmes avaient une grande influence dans l'Empire romain. On s'est dit : et si ça avait été possible ? C'était une liberté naturelle à prendre, en accord avec nos valeurs.

"Anno a toujours été inspiré par l'Histoire, sans chercher à être un cours d'Histoire."

Recréer l'Empire romain, c'est aussi jongler entre fidélité historique et liberté créative. Où placez-vous le curseur ?

Stéphane JankowskiAnno a toujours été inspiré par l'Histoire, sans chercher à être un cours d'Histoire. Vous ne croiserez pas Néron ou Auguste. On crée nos propres empereurs, gouverneurs et alliés, pour garder une liberté totale de gameplay. Notre priorité, c'est que le jeu soit passionnant à jouer. Si la fidélité historique nous empêche de faire quelque chose d'amusant, alors on s'autorise une entorse. Certains professeurs d'histoire nous le reprocheront peut-être, mais les joueurs, eux, adoreront.

"Pour un Romain, quelqu'un qui porte un pantalon, c'est déjà un extraterrestre !"

Dans les séquences de gameplay, on sent que la gestion urbaine passe désormais aussi par des choix moraux et esthétiques : placer une tannerie près des habitations, c'est efficace mais impopulaire... Vous vouliez que le joueur ressente davantage le poids de ses décisions ?

Stéphane JankowskiOui, tout à fait. Anno 117 : Pax Romana, c'est le jeu de la province. Dès le départ, vous choisissez votre territoire : le Latium, ensoleillé et typiquement romain, ou l'Albion, plus brumeux et froid, peuplé de Celtes – pour un Romain, quelqu'un qui porte un pantalon, c'est déjà un extraterrestre ! Chaque province a sa culture et ses attentes. Vous devrez décider si vous respectez leurs traditions locales ou si vous imposez la romanisation, c'est-à-dire les normes architecturales et culturelles de Rome. Ces choix ont des conséquences concrètes : trop de romanisation peut provoquer des révoltes, surtout chez les peuples proches de la nature. Tout est question d'équilibre entre autorité et harmonie.


On imagine qu'il y a eu des débats épiques en interne pour savoir ce qu'est "une bonne cité romaine" dans Anno. Tu te souviens d'un moment de désaccord particulièrement marquant ?

Stéphane JankowskiOui, la fameuse route diagonale ! Dans un Anno, tout est normalement perpendiculaire. Mais nos recherches ont montré que les routes diagonales étaient essentielles dans les villes romaines pour accélérer le commerce et la circulation. C'était presque un sacrilège au début, mais ça faisait sens historiquement et l'équipe a fini par l'adopter. C'est un bon exemple de débat à la fois technique, esthétique et culturel.

"Cette énergie, cette curiosité, c'est ce qui me motive au quotidien."

Ta carrière chez Ubisoft t'a amené à toucher à des univers très différents. Qu'est-ce qui t'a le plus marqué dans le passage à Anno ?

Stéphane JankowskiJe suis chez Ubisoft depuis 14 ans. J'ai travaillé sur des marques comme Might & Magic, Assassin's Creed ou The Crew. Ce qui rend Anno unique, c'est l'équipe. Certains membres travaillent sur la série depuis 25 ans et gardent une passion intacte. Ils veulent sans cesse pousser la formule plus loin. Cette énergie, cette curiosité, c'est ce qui me motive au quotidien. Bientôt depuis 15 ans chez Ubisoft, je peux te dire que je ne suis pas près d'arrêter.

"Palia est parfait pour souffler après une journée passée à gérer des provinces romaines."

Toi qui passe tes journées à faire prospérer Rome, quel jeu t'aide à décrocher le soir ? Ou au contraire, lequel t'inspire encore aujourd'hui dans ton travail sur Anno ?

Stéphane JankowskiEn dehors d'Anno, je joue à Palia, un MMO free-to-play sans violence. C'est World of Warcraft... mais tout doux. On y cuisine, on plante des tomates, on discute avec les autres joueurs. C'est apaisant, parfait pour souffler après une journée passée à gérer des provinces romaines et des chaînes de production.


Si tu pouvais inviter un empereur romain à tester Anno 117, lequel choisirais-tu – et qu'en penserait-il ?

Stéphane Jankowski(Rires) Ah, ce n'est pas gentil, celle-là ! Disons simplement que je serais curieux de voir sa réaction... mais je ne préfère pas me mouiller !

"Vous passerez des heures sur Anno 117 sans les voir filer et avec le sourire aux lèvres."

Un dernier mot pour conclure ?

Stéphane JankowskiAnno 117 : Pax Romana, c'est le jeu de construction dans l'Empire romain par excellence. Un jeu de paix, de développement et d'optimisation, où chaque joueur trouvera le plaisir de voir sa ville prospérer et son peuple s'épanouir. Vous y passerez des heures sans les voir filer – et avec, je l'espère, le sourire aux lèvres.
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