Mise en scène exemplaire
- Éditeur 11 bit studios
- Développeur Odd Meter
- Sortie initiale 2 mai 2024
- Genre Aventure
Odd Meter est un studio assez singulier qui, après avoir fait ses armes avec le jeu de tir en réalité virtuelle SACRALITH : The Archer`s Tale, s'attaque au jeu d'aventure narratif en troisième personne. Un grand écart qui fait ses preuves, les multiples nominations et prix – BAFTA, The Game Awards, Games for Change, etc. – ne le démentent pas. Indika rend curieux et intrigue à travers ses images. Le voyage est bref, mais ne manque vraisemblablement pas d'impact. Sachez que la meilleure façon de le découvrir est de ne lire cet article qu'après y avoir joué.

L'histoire

Le titre d'Odd Meter tranche avec son esthétique unique. Au premier regard, les visuels réalistes mornes aux teintes grisâtres ne semblent pas marquer plus que de raison. Cependant, c'est au fil de l'aventure que la mise en scène d'Indika montre tout son potentiel. La photographie des cinématiques, aux angles de caméra très larges et déformés, démontre toute la psyché habitée de la protagoniste. C'est sans compter les diverses visions absurdes d'humains minuscules sortant des bouches grandes ouvertes de ses camarades ecclésiastes sur fond de musiques électroniques désarticulées. L'intégralité de l'aventure est aussi accompagnée d'une discrète bande-son au décalage dramatique certain. À aucun moment elle ne correspond à l'action en cours, mais appuie sur la pointe de malaise qu'Indika ressent à chaque instant.

Indika, c'est aussi l'utilisation de l'imagerie rétro 16 bits avec une palette colorée pour retranscrire ses flashbacks. S'il n'a jamais été remis en question d'utiliser divers effets pellicule pour certains flashbacks de cinéma, l'artifice est ici original et tout à fait de mise. C'est assez peu commun, mais Odd Meter utilise judicieusement les codes du jeu vidéo pour transmettre son propos. Pour une fois, le choix de l'esthétique réaliste est approprié, existant grâce à sa symbiose avec les séquences rétro. Avec ses différents artifices de mise en scène, le jeu va peu à peu déconstruire la foi d'Indika.
Le principe

Les niveaux d'Indika misent beaucoup sur la verticalité.

Là où l'équipe d'Odd Meter fait fort, c'est dans l'utilisation de la grammaire du jeu vidéo dans sa proposition de mise en scène. Rien qu'au commencement de votre expérience de jeu, vous voilà puni pour avoir réalisé avec succès une première tâche longue et redondante. Jouant ironiquement avec ce qu'Indika vit et ce que vous pouvez vivre au travers du jeu vidéo. Mais là où le jeu est encore plus efficace, c'est dans son traitement de la piété. Indika transcrit la foi – orthodoxe dans ce cas-ci – sous forme vidéoludique. Assez étonnamment aux premiers instants, vous allez découvrir un arbre de compétences qui évolue au fil des niveaux d'Indika, qui eux-mêmes évoluent grâce à un système de points. Vous allez obtenir ces points à chaque action pieuse, trouver une relique, allumer un cierge pour rendre hommage aux défunts. Là où l'intention est opportune, c'est que ces nouvelles compétences ne vous permettent que d'obtenir des points plus vite, montrant le cycle vain des bonnes actions au sein de ce monastère. Évidemment, les péchés mènent instantanément à une punition. Une narration ludique autour de la récompense, du jeu et de la foi maligne.
Pour qui ?

De sacrés gros poissons à éviter si vous ne voulez pas finir au fond du trou !
L'anecdote

L'aventure n'est peut-être pas très longue, mais elle vous fait voyager.
- Odd Meter utilise la grammaire vidéoludique jusqu'à la moelle
- L'esthétique singulière et malaisante
- Le traitement de la piété
- Une fin magistrale
- La mise en scène, et encore la mise en scène !
- Pas très difficile, mais est-ce vraiment un défaut ?
Ce qui est certain, c'est qu'Indika est un jeu très cinéphile, avec ses plans et mouvements très composés et sa façon d'utiliser la grammaire vidéoludique dans sa mise en scène. Le monde est gris et morne, les péchés sont rouges, les flashbacks sont en pixel art coloré, la musique qui accompagne l'aventure est malicieuse. Jusqu'au bout, Odd Meter utilise les outils ludiques qu'il a à sa disposition pour déconstruire les croyances et la foi d'Indika avec justesse. Indika n'est pas mis en scène avec des pincettes, "Dieu merci", pour offrir une expérience de jeu incontournable.