Test | Two Falls
01 mai 2025

À la rencontre d'un Québec méconnu

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Two Falls

Deux chemins, deux cultures, deux visions du monde... et une seule envie : se perdre dans les bois en bonne compagnie (et sans Wi-Fi). Two Falls : Nishu Takuatshina vous embarque dans un voyage narratif au cœur du Québec du XVIIe siècle, avec son lot de forêts indomptées, de croyances tenaces et d'histoires à confronter. Un périple sensible, pas forcément révolutionnaire côté gameplay, mais porté par une écriture sincère, une ambition pédagogique rare, et une ambiance soignée. Allez, enfilez vos bottes de trappeur : on part explorer !

L'histoire

Le jeu alterne entre deux personnages principaux : Jeanne, une jeune Française, "fille du Roy", envoyée en Nouvelle-France pour contribuer au peuplement de la colonie. À l'époque, cette appellation désignait des femmes soutenues financièrement par le roi Louis XIV pour venir se marier et fonder des familles au sein des colonies naissantes.

Face à elle, Maïkan, un autochtone de la nation innue, profondément connecté à la nature et porteur des traditions de son peuple. Leur destin croisé, ponctué de dialogues à choix impactants, sert de fil conducteur à une histoire où la foi, la survie et l'ouverture à l'autre occupent le devant de la scène. Le contraste entre la ferveur chrétienne de Jeanne et le respect animiste de Maïkan pour la nature est d'une richesse étonnante, et le jeu, en bon conteur, évite les caricatures faciles. Les personnages secondaires sont également très bien écrits, Pierre le trappeur et le Jésuite Augustinen tête.

Le tout est découpé en épisodes, dans un format un peu "série Netflix", bien adapté à l'évolution progressive de leurs deux parcours... et aux cliffhangers subtils qui maintiennent votre attention.
La foi et la nature s'entrechoquent sur les terres sauvages du Québec

Le principe

Réfléchissez bien car les choix effectués par les héros affecteront leur vision du monde.

Two Falls est avant tout un jeu narratif à la première personne, parfois assimilable à un walking simulator. Ne vous attendez pas à des phases de gameplay trépidantes : ici, il s'agit de progresser dans des environnements semi-ouverts, de discuter, de choisir des réponses, et parfois d'agir sur l'environnement de manière discrète.

Les choix de dialogues ou d'actions, s'ils ne bouleversent pas tout l'univers, ont un véritable impact sur la façon dont les personnages perçoivent leur histoire, ce qui donne envie d'explorer plusieurs chemins. En revanche, la progression reste très linéaire, avec quelques séquences offrant un peu plus de liberté de mouvement pour respirer entre deux décisions morales.

Petit bonus qui fait toujours mouche : Jeanne est accompagnée par un chien nommé Capitaine, fidèle allié dans les bois et fournisseur officiel de câlins virtuels. Il est le compagnon idéal pour lui permettre d'encaisser les coups durs durant son périple.
Pas une révolution, mais beaucoup d'intention

L'emballage

Le choix graphique contraste avec les évènements rudes auxquels nos héros sont confrontés.

Visuellement, Two Falls opte pour une direction artistique douce et un peu cartoon, qui rappelle Firewatch ou The Long Dark. Les vastes paysages québécois, enneigés ou verdoyants, sont baignés d'une lumière chaude qui renforce le côté immersif. Ce n'est pas un monstre de détails techniques, mais l'ambiance est là, portée par une bande-son délicate et des voix excellentes qui donnent corps aux personnages.

Le jeu propose également un codex particulièrement intéressant, qui rassemble de nombreux faits historiques sur la faune, la flore, et surtout sur la colonisation du Québec. Ces éléments, parfois édifiants et rarement évoqués ailleurs dans les jeux vidéo, donnent une profondeur culturelle rare à l'expérience. Grâce à eux, et à l'écriture soignée de son scénario, Two Falls propose une vraie page d'Histoire vivante : vous en ressortez avec une meilleure compréhension de cette époque méconnue.
Une direction artistique chaleureuse, entre cartoon et témoignage historique

Pour qui ?

Ce Capitaine est un amour auquel vous allez très vite vous attacher.

Two Falls séduira surtout les amateurs de récits poignants, les amoureux de la nature, et ceux qui apprécient les jeux à rythme lent, comme Firewatch, Journey to the Savage Planet (pour l'exploration semi-guidée) ou encore Life is Strange (pour la gestion des choix). Si votre passion secrète est de discuter foi, culture et survie entre deux promenades dans une forêt enneigée, vous êtes au bon endroit.
Pour les âmes aventurières en quête d'anciennes vérités

L'anecdote

Par l'intermédiaire du Père Augustin, le rôle des jésuites est dépeint sans fioritures.

Le studio Unreliable Narrators, basé à Montréal, a vu grand pour son premier projet avec Two Falls. Leur ambition : offrir un point de vue équilibré et authentique sur la rencontre entre colons et peuples autochtones, en travaillant en étroite collaboration avec des consultants issus des nations représentées.

Le projet porte d'ailleurs une volonté forte de sensibilisation et de pédagogie : en plus de l'intrigue principale, le jeu expose les abus coloniaux, les génocides culturels et leurs conséquences encore visibles aujourd'hui. Cette démarche est matérialisée par un message final touchant, encourageant la coopération, la communication et l'apprentissage entre les cultures.

Dans un médium où l'Histoire est parfois reléguée au second plan, Two Falls fait office de belle exception, en rendant hommage à des récits souvent oubliés, avec respect et sensibilité.
Quand les voix du passé s'invitent dans le présent pour rester dans le futur
Les Plus
  • L'écriture subtile et les dialogues de qualité
  • Un duo de héros vraiment attachant
  • Le destin croisé, source de tension et d'intérêt
  • Une direction artistique chaleureuse à la Firewatch
  • De vrais choix qui influencent les relations
  • Un travail pédagogique remarquable sur la colonisation du Québec
  • Une réflexion fine sur la foi, la nature, et l'altérité
  • De vrais moments d'émotion
  • On voudrait tous avoir un Capitaine dans sa vie
Les Moins
  • Une progression très (trop ?) linéaire
  • Des envies de plus grande liberté parfois frustrées
  • Quelques lourdeurs de rythme inhérentes au genre
  • Pas de révolution dans le gameplay
  • L'envie irrépressible de câliner son écran à cause de Capitaine
Résultat

Sans révolutionner le genre du jeu narratif, Two Falls : Nishu Takuatshina propose une expérience humaine touchante, renforcée par une direction artistique chaleureuse, des dialogues écrits avec soin, et une approche respectueuse de thématiques rarement abordées en jeu vidéo. Le travail pédagogique sur l'histoire du Québec, subtil mais percutant, mérite d'être salué. Quelques lenteurs et une linéarité un peu frustrante n'entachent pas vraiment l'immersion générale. Plus qu'une promenade, c'est une vraie leçon d'écoute, d'Histoire et d'empathie, qui marque bien après avoir quitté les sentiers battus.

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