Test | Agatha Christie – Le Crime de l'Orient-Express
20 oct. 2023

Une enquête qui Poirote !

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Agatha Christie - Murder on the Orient Express

Microids a une marque de fabrique : faire revivre les licences populaires qui ont marqué leur temps. Après Flashback, Astérix & Obélix et bientôt Goldorak, l'éditeur français s'attaque maintenant à l'un des grands classiques de la littérature britannique : Le Crime de l'Orient-Express. Cette « nouvelle » aventure est-elle à la hauteur de la renommée d'Hercule Poirot ou, au contraire, du cinéma de Kenneth Branagh ? Réponse tout de suite !

L'histoire

Monsieur Poirot est un homme raffiné et ayant une haute estime de lui-même. En plus d'avoir une moustache impeccable et d'apprécier les petites pâtisseries en nombre pair, il aime aussi revisiter ses grands succès. C'est pour cette raison qu'il ne rechigne pas à résoudre une fois de plus l'une de ses enquêtes les plus fameuses, Le Crime de l'Orient-Express – chef-d'œuvre d'Agatha Christie sorti en 1934 qui a eu le droit à un nombre incalculable d'adaptations, au cinéma et en jeu vidéo. Cette fois-ci d'ailleurs, le détective privé se retrouve aux mains de Microids.

Si vous avez déjà lu le roman ou regardé une de ses adaptations cinématographiques, vous allez vous retrouver en terrain connu. Hercule Poirot est convié à rejoindre Londres de toute urgence, et pour s'y rendre, il monte à bord de l'Orient-Express. Mais au cours de la deuxième nuit, M. Ratchett, un riche Américain, est retrouvé mort dans sa chambre. Il a reçu 12 coups de couteau. Il n'en fallait pas plus pour que Hercule Poirot y mette son grain de sel. Mais pour mener cette affaire, il va falloir se mélanger aux différents occupants du train, et c'est là que tout se complique... et pas seulement pour notre cher détective.

Dès l'introduction, Le Crime de l'Orient-Express nous déstabilise par sa bêtise. Il propose aux joueurs et aux joueuses d'assister continuellement à des situations aberrantes et à des discussions sans queue ni tête. On peut par exemple passer un bon quart d'heure à parler de la recette d'un gâteau avec M. Bouc, le meilleur ami d'Hercule, qui n'arrive pas à faire la différence entre une framboise et une fraise. Au détour d'un couloir, on peut aussi entendre ce genre de dialogue qui n'a absolument aucun sens : « J'enseigne au Royaume-Uni. – Oh, c'est en Angleterre n'est-ce pas ? ». Ce ne sont bien évidemment que deux exemples parmi tant d'autres. Plus tard dans l'aventure, on découvre aussi que l'un de nos interlocuteurs ne parle pas un mot de français ; pourtant, ce dernier est entièrement doublé dans cette langue. Autrement dit, malgré quelques bien trop courtes fulgurances ici et là, Le Crime de l'Orient-Express est mal écrit, ce qui a le don de casser constamment l'immersion.
Je suis la locomotive, tu n'es qu'un wagon

Le principe

Hercule Poirot fait fonctionner ses petites cellules grises.

Comme tout jeu d'enquête qui se respecte, Le Crime de l'Orient-Express propose une succession de scènes de crime à analyser au peigne fin et d'interrogatoires à mener. Toutefois, le titre ne laisse aucune place à la déduction. Même si vous êtes persuadé d'avoir la réponse, vous êtes obligé de trouver tous les indices – même insignifiants – sur le lieu des différents crimes ou de poser toutes les questions possibles lors d'un interrogatoire pour pouvoir passer à la séquence suivante. Séquence suivante qui bien souvent nous propose de reconstituer la scène de crime en classant des petites vignettes mal dessinées dans l'ordre, ce qui, vous vous en doutez, n'a aucun intérêt ludique, surtout que le jeu n'est jamais pénalisant. 

Heureusement, de petits casse-têtes plus élaborés viennent ponctuer le récit. Microids a eu la bonne idée de casser la monotonie des déambulations dans l'Orient-Express en nous proposant de partager le point de vue d'un personnage inédit, Johanna Locke, une enquêtrice qui se retrouve malgré elle à marcher dans les pas de M. Ratchett avant même que celui-ci se fasse assassiner. Ces événements, qui se déroulent bien évidemment dans des environnements différents, permettent de proposer des casse-têtes plus originaux et directement intégrés au récit ; entendez par là qu'il n'est pas nécessaire de passer par un menu rempli de vignettes pour les résoudre. Il faudra par exemple désamorcer une bombe, remettre le courant dans un bunker abandonné ou encore recouper tous les indices en collant des photos sur un mur. Cette proposition rattrape un peu le tir, et nous fait même regretter le fait que Microids n'ait pas choisi de nous mettre totalement aux commandes de ce nouveau personnage.

Ce qui est drôle, c'est que Le Crime de l'Orient-Express s'en sort également mieux en termes de visuel lorsque nous suivons les péripéties de Johanna Locke. Les tapisseries aux textures hideuses et les personnages mal animés de l'Orient-Express laissent en effet place à des décors plus recherchés, comme ce passage qui se déroule en pleine nuit dans une cabane en bois : Johanna Locke se déplace alors lampe de poche à la main, ce qui donne lieu à de jolis plans et à un vrai travail de mise en scène. À croire que deux équipes complètement différentes ont travaillé sur ce même projet.
Mes cellules grises ne se trompent jamais !

Pour qui ?

Johanna Locke, un personnage plus réussi sur tous les plans.

Difficile de conseiller Le Crime de l'Orient-Express à un public en particulier. Au vu de la simplicité des séquences et de certaines questions idiotes de la part des personnages (cf. le passage avec M. Bouc), on se demande si l'on ne fait pas face à un jeu pour pré-adolescents qui, sans aucun doute, ne vont pas trouver très palpitant de classer des vignettes. Toutefois, la saga d'Agatha Christie s'adresse avant tout aux adultes qui sont fans de l'univers ; mais ces derniers, même s'ils peuvent être surpris dans le bon sens du terme par la mise en place d'un nouvel arc narratif, vont certainement sauter au plafond à chaque fois qu'un personnage prend la parole. Autrement dit, il est plus judicieux de lire ou de relire le roman ou de se tourner vers d'autres productions du genre (Professeur Layton, Song of Horror ou même Sherlock Holmes : Chapter One).
Mieux vaut un bon vieux roman

L'anecdote

Une dernière partie qui vaut le coup d'œil.

Durant toute la campagne promotionnelle du Crime de l'Orient-Express, Microids n'a cessé de vanter l'arrivée d'un épilogue inédit, et on comprend pourquoi. Dans cette dernière ligne droite – qui dure entre 1h30 et 2h – le jeu révèle ce qu'il aurait dû être. D'un coup, des énigmes plus compliquées et vraiment bien senties font leur apparition ; elles demandent vraiment de jouer avec nos petites cellules grises. Ces casse-têtes de dernières minutes sont en plus livrés avec une toute nouvelle mécanique de jeu que l'on aurait aimée voir bien plus souvent.
Un train peut en cacher un autre
Les Plus
  • Découvrir le point de vue de Johanna Locke, un personnage inédit et bien amené
  • La dernière ligne droite, vraiment au-dessus du lot
  • Parfois très drôle...
Les Moins
  • ... Malgré lui
  • Des dialogues lunaires
  • Des situations improbables
  • Un style visuel sans charme
  • Des animations plus que rigides
Résultat

Drôle malgré lui, Agatha Christie – Le Crime de l'Orient-Express peut vous procurer de francs moments de rigolade, ou au contraire vous horripiler par sa bêtise constante. Entre des dialogues absolument lunaires, des animations cassées et des situations abracadabrantes, cette énième adaptation du grand classique de la littérature anglaise a bien du mal à rendre honneur au roman dont il s'inspire. Reste que l'on a envie de savoir comment Hercule Poirot se tirera de ce bourbier, même quand on connaît déjà les conclusions de l'enquête.

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