Test | Alan Wake II
08 nov. 2023

Plus qu'une suite, une œuvre !

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Alan Wake II

13 ans... Alan Wake a passé 13 années à se morfondre sur son propre sort, dans le noir, à ressasser des lignes et des lignes de textes sans queue ni tête pour essayer de sortir de l'Antre Noir. Et sans y croire vraiment, il a réussi : Alan Wake II est en effet disponible sur toutes les dernières machines ! Reste à voir maintenant si cette suite en vaut la peine. Est-elle un simple pastiche des événements passés, histoire de faire plaisir aux fans, ou au contraire, tente-t-elle d'aller de l'avant ?

L'histoire

Les années ont passé depuis les événements d'Alan Wake premier du nom, et Bright Falls, charmant petit village américain, n'est toujours pas le coin de paradis espéré. Ces derniers temps, plusieurs personnes sont portées disparues, et d'autres, que l'on pensait ne jamais revoir, ressurgissent subitement. L'agent Nightingale, qui était sur l'affaire "Alan Wake" il y a tout juste 13 ans, a en effet été retrouvé – nu comme un ver et le cœur arraché – à quelques pas de Coldron Lake, le lac sans fond qui aurait englouti la folie de Wake... Enfin, c'est ce que la légende raconte. Pour mener cette nouvelle affaire, la police locale fait appel au FBI et plus précisément à Saga Anderson, un tout nouveau personnage jouable. Et c'est d'ailleurs là la première bonne idée de ce Alan Wake II.

Troquer dans un premier temps l'écrivain torturé contre l'inspectrice Saga Anderson permet aux fans de la première heure qui auraient quelque peu oublié les événements passés, mais aussi aux nouveaux venus, d'aborder le monde concocté par Remedy avec un nouveau regard. Tout comme vous donc, Saga Anderson n'a aucune idée de ce qui se trame à Bright Falls ; elle est donc obligée de découvrir ses lieux, mais aussi ses habitants pour se mettre à jour sur la situation. L'introduction du titre prend d'ailleurs son temps pour justement vous aider à prendre vos marques : c'est l'occasion idéale pour se délecter de l'ambiance lynchienne qui se dégage constamment du jeu – avec des citations évidentes de Blue Velvet et bien évidemment de Twin Peaks –, mais aussi de profiter du soin apporté aux différents environnements sans craindre de faire face à un possédé. Comme a pu l'être le premier chapitre à l'époque, Alan Wake II est une petite claque visuelle : les éclairages sont tout simplement à tomber et la forêt, extrêmement dense, donne vraiment l'impression de vous avaler.

Afin de rendre l'intrigue plus abordable encore, Saga Anderson peut, à tout moment, se téléporter dans son Antre Mental, un lieu coupé du monde qui permet en toute tranquillité de réaliser un tableau d'enquête et de recoller les morceaux. Si dans un premier temps cette idée peut s'avérer convaincante et permet, comme nous l'avons dit plus haut, de mieux s'imprégner de l'univers, rapidement, ce « mini-jeu » qui ne sert qu'à expliciter encore et encore ce que l'on avait déjà compris prend trop de place. Il a tendance à couper l'action, et même à ruiner des pans entiers de l'intrigue, à commencer par la dernière ligne droite... Vous êtes prévenu !
Il y avait dans l'obscurité quelque chose que je devais voir

Le principe

Home Sweet Home

Alan Wake II est séparé en deux parties distinctes : si l'introduction se joue au côté de Saga Anderson, la suite peut également se faire en contrôlant Alan Wake – qui, pour l'occasion, a pris les traits de John Wick. C'est d'ailleurs là que le jeu prend tout son sens : les deux aventures ont des intentions diablement opposées. L'intrigue de Saga Anderson est, d'une certaine manière, plus conventionnelle : elle reprend les bases d'Alan Wake premier du nom, en vous proposant de parcourir Bright Falls et ses alentours. Là où cette partie frappe fort, c'est qu'elle vous donne vraiment l'impression d'évoluer dans un espace ouvert et aux dimensions réalistes. Il n'est pas rare de se perdre au beau milieu de la forêt et d'espérer retrouver la lumière du jour en retournant boire un café à Bright Falls ; on aurait d'ailleurs apprécié avoir le droit à quelques activités en ville pour renforcer le réalisme de la proposition. L'agencement des lieux et la manière de les aborder – en toute liberté donc –, rappellent notamment celle de Resident Evil 2 Remake, ce qui est plutôt une bonne chose, étant donné l'efficacité du titre de Capcom.

Contrairement à l'intrigue de Saga Anderson, l'histoire d'Alan Wake vous fait plonger dans un cauchemar qui rappelle que le jeu vidéo est capable de grandes choses. On s'éloigne des paysages champêtres pour être propulsé dans un New York dévasté, anxiogène, qui ne laisse aucune place pour respirer. La ville est habitée par la nuit, et seuls quelques néons blafards subsistent afin de vous aider à vous repérer. Des ombres hantent également les rues, elles vous appellent, veulent vous dévorer. Ce New York virtuel est aussi une zone d'expérimentation hypnotique qui joue avec vos repères, en changeant régulièrement les agencements des lieux, mais aussi avec le médium, en le déconstruisant. Il vous propulse dans une émission audiovisuelle qui ressemble à s'y méprendre au Late Night de Jimmy Fallon ; celle-ci est entièrement filmée et incarnée par de vrais acteurs. Le jeu vous propose également de prendre part à une comédie musicale qui restera – on l'imagine – gravée dans votre mémoire. L'arrivée de cette dimension transmédiatique inattendue – qui est, bien évidemment à des années lumières de la série B de Quantum Break – vient questionner ce qui tient de la fiction ou du réel, tout en explorant les méandres de l'esprit tourmenté de Wake. Incarner Wake, c'est donc aller de surprise en surprise et s'éloigner avec efficacité des formules habituelles.

Que vous soyez aux mains de Saga ou d'Alan, le gameplay, manette en mains, est le même. Et s'il a perdu en sobriété par rapport au premier chapitre sorti en 2010 – on regrette notamment l'implémentation d'un réticule de visée –, le tout gagne largement en dynamisme en s'inspirant une fois de plus de la formule Resident Evil 2 Remake. L'action est intense, vous ressentez vraiment l'impact des armes sur les ennemis et la caméra rapprochée vient vous étouffer en obstruant une partie de vos repères. C'est efficace, surtout que les combats se font suffisamment rares pour que l'on vienne à en redemander.
C'était la représentation parfaite de l'horreur

Pour qui ?

Blue Velvet, vous ici ?

La réponse est évidente : Alan Wake II s'adresse avant tout à celles et ceux qui ont adoré l'intrigue du premier opus sorti en 2010 et qui, depuis, attendent désespérément une suite. Toutefois, comme nous l'avons dit plus haut, ce Alan Wake II a la bonne idée d'intégrer un tout nouveau personnage jouable, à savoir l'inspectrice Saga Anderson, qui fait efficacement le pont entre les deux jeux pour les nouveaux venus. Son arrivée permet de découvrir l'intrigue avec un nouveau point de départ, et donc, d'accompagner efficacement les joueurs et les joueuses qui n'ont pas connu le premier épisode.
Je ne sortais plus que la nuit

L'anecdote

Alan fait son cinéma !

Remedy fait son Remedy ! Quantum Break, Control... cela fait quelques années maintenant que les productions du studio finlandais manquent cruellement de finition lors de leur lancement. Je me rappelle encore de ces niveaux sans textures sur Quantum Break et des gros problèmes de synchronisation labiale pour Control. Malheureusement, et même si l'on espérait le contraire, Alan Wake II est également livré avec son lot de soucis. On parle d'un sous-titrage complètement à la ramasse en VO – enfin, quand il daigne s'afficher – ou encore d'une VF approximative. Entendez par là que votre personnage ou son interlocuteur peuvent à tout moment se mettre à parler en anglais, et ce, sans raison particulière. On a également fait face à quelques bugs, dont certains handicapants. Il était, par exemple, impossible de tirer lors d'un combat contre un boss, ce qui a le don d'agacer, et aussi d'enlever tout sentiment de stress. On espère que les futures patchs régleront le problème, mais à l'heure où nous écrivons ces lignes, ce n'est toujours pas le cas.
Des problèmes sous Control ?
Les Plus
  • Direction artistique photo-réaliste vraiment réussie
  • Une ambiance lynchienne à couper le souffle
  • Deux personnages jouables, idéal pour les nouveaux venus
  • Des gunfights efficaces et qui se font rares pour mieux temporiser l'action
  • Une œuvre transmédiatique rafraîchissante
Les Moins
  • Un gameplay qui a perdu en sobriété
  • L'Antre Mental inutile et barbant
  • Une écriture manquant parfois de finesse
  • Un dernier chapitre en demi-teinte
  • Des jumpscares, en veux-tu, en voilà
  • Beaucoup de crénelages, à cause d'une résolution en dessous des standards actuels sur consoles (même en mode Qualité)
  • Des problèmes de sous-titres, de traductions…
Résultat

Même si l'approche manette en mains n'a pas fondamentalement changé, Alan Wake II surpasse largement son prédécesseur. Contrairement au premier opus qui était un gloubi-boulga de références – certes maîtrisées –, cette suite a une vision. Si la partie avec Saga est réussie, mais sans réelle surprise, celle d'Alan est fascinante. En faisant de ce récit une œuvre transmédiatique, le titre explore l'errance psychique comme jamais auparavant : on a vraiment l'impression d'être dans la tête de l'écrivain. La production aurait même pu aller plus loin en évitant quelques écueils scénaristiques et en expérimentant encore davantage. Mais ça, ce sera peut-être pour une prochaine fois.

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