Test | The Silver Case 2425
18 juil. 2021

On s'était dit rendez-vous dans 20 ans

Testé par sur
The Silver Case 2425

Bundle comprenant deux visual novel adventure games du célèbre auteur japonais Suda51 (No More Heroes, Killer 7...), The Silver Case 2425 vous plonge dans une ambiance policière sordide pétrie du style années 2000. Avec des dialogues à profusion, une jouabilité sommaire et des enchevêtrements narratifs à foison, ce portage vaut-il la peine de plonger plus de vingt ans en arrière dans l'univers vidéoludique de l'enquête novellisée ? La hype qui semble se dégager du titre et de son auteur est-elle justifiée ? L'esprit torturé des personnages va-t-il progressivement contaminer le vôtre ? Pour le savoir, appuyez sur le bouton A.

L'histoire et l'ambiance

Dans le premier opus sorti en 1999 (The Silver Case), vous incarnez un jeune flic dont la première mission tourne mal. Seul survivant de votre escouade, le choc que vous avez subi vous plonge dans un mutisme absolu. L'impact sur l'histoire est fort : vous participez de loin aux échanges entre vos collègues, qui vous trimbalent de scène de crime en salle de réunion, pour vous envoyer ensuite en première ligne et vous guider par radio sans jamais se soucier de ce que vous pouvez exprimer. Les cas s'enchaînent autour d'un mystérieux tueur en série, véritable légende du commissariat ayant sévi deux décennies auparavant, tandis que vos collègues forment une unité d'élite capable de traquer ce genre de personnage. Les enquêtes sont cependant déroutantes par le raisonnement et leurs rebondissements typiques des jeux qui s'appuient sur un scénario à trous, avec une post-rationalisation presque magique sur la base d'un détail qui, évidemment, arrive en bout de course. Le second opus (The 25th Ward : The Silver Case) sorti en épisodes en 2005, poursuit l'histoire initiée, avec toujours le même tueur au centre des enquêtes. Il entérine les poncifs du genre avec des dialogues de comptoir, à base de réflexions sur la mort, la vie ("kill the life"), le passé qui sera toujours le passé, le tout sans corriger les faiblesses de son grand frère en termes de rythme. Les enquêtes policières peuvent dans le fond susciter un certain intérêt, mais leur découpage et les trames parallèles les rendent particulièrement difficiles à suivre.

L'ambiance de The Silver Case 2425 témoigne d'un improbable mix de différents styles : des vue 3D pour les transitions et l'exploration de lieux, des personnages détaillés en illustration dans certains dialogues, ou griffonnés au crayon dans d'autres, des mots-clés technologiques en incessante permutation en fond d'écran, des effets laser stroboscopiques à chaque prise de parole d'un personnage... le tout au sein d'une même séquence. Comme si l'équipe avait voulu panacher tous les styles qu'elle trouvait cool, dans le but de créer un ensemble encore plus cool. Le résultat est plutôt une formidable expression du kitsch, globalement indigeste, et rassemble un superbe éventail de clichés graphiques et sonores. Accompagner tout texte qui s'affiche d'un bruit de machine à écrire : l'exemple parfait de la fausse bonne idée, détail agaçant à la longue qui finit par ridiculiser une ambiance qui se veut grave.
C'est l'histoire d'un tueur en série mais en fait c'était pas lui... (tin tin tin tiiiiiin)

Le principe

Dans la micro-fenêtre de jeu, un ordinateur à fouiller.

Le titre alterne scènes de dialogue auxquelles vous assistez passivement et séquences d'exploration cadrée en vue subjective. Dans ces phases, vous vous déplacez de case en case en suivant les directions disponibles. Des énigmes vous ouvrent des portes, des objets sont à ramasser, le tout faisant avancer l'histoire et déclencher des transitions parfois involontaires. Par exemple, tant que vous n'avez pas asséché toutes les répliques d'un personnage, vous ne pourrez pas vous déplacer d'un pas. Sur ce principe, le jeu assume son aspect déroutant. Dès les premières minutes, l'un des personnages s'adresse à vous et s'excuse, deux fois de suite, pour les contrôles alambiqués. « C'est un peu compliqué, mais tu vas finir par y arriver » vous dit-il. Eh ben mon gars, tu ne crois pas si bien dire. Une mollette d'action vous permet de choisir entre votre inventaire, les mouvements, les interactions et le menu principal (pourquoi pas) ; tout cela avec un seul bouton évidemment, au lieu de les répartir sur la manette. Une fois dans le mode de déplacement, un raccourci autorise à déclencher des actions. À un bouton (ou raccourci) près vous aviez également à disposition l'inventaire, dommage. Dans le second opus, cette mollette laisse place à un tétraèdre en 3D qui apporte une confusion absolument dispensable à la navigation, notamment dans les phases de dialogue où il vous faudra systématiquement rouvrir le tétraèdre pour relancer votre interlocuteur. Une lourdeur dont vous vous passeriez bien.

The Silver Case 2425 s'appuie sur un minimum d'interactions, recouvertes d'attributs graphiques destinés à faire illusion. La majeure partie du temps de jeu du premier opus est consacrée à lire les dialogues des personnages, le vôtre étant muet, rappelez-vous. C'est donc de manière complètement passive que vous assistez à des conversations qui se résument parfois à des points de suspensions échangés entre deux protagonistes, suivis de « Oui ? » puis d'un « Quoi ? » et d'un « Rien ». Certes, ces moments de creux aident à construire le profil des personnages. Mais la nuance entre abus et profil semble fine. Et gare à vous si vous décrochez, car évidemment les dialogues permettent de faire avancer la réflexion sur le cas étudié. Des bribes d'indices sont à déceler dans ces échanges inondés d'informations non essentielles et si vous les loupez, tant pis pour vous. Aucun choix ne vous est demandé, aucune piste n'est explorée à votre initiative. Par ailleurs, tant que vous n'avez pas épuisé tous les dialogues sans pouvoir les enchaîner, une action de "voir" un indice pourtant sous vos yeux ne se déclenchera pas. Et à l'exact opposé du rythme extrêmement lent de ces échanges et investigations, l'écran vous bombarde d'animations sur les dialogues, pour pallier une interface des plus pauvres incapable de vous faire distinguer sans cela clairement qui prend la parole.
Tais-toi et appuie sur A

Pour qui ?

Toi tu entres direct dans le top 10 des pervers d'Internet.

Si j'en crois mes collègues de Gamatomic, il semblerait que The Silver Case 2425 ait marqué les esprits lors de la sortie des deux opus qu'il contient. En tant que joueur novice, vous n'aurez certainement pas une image positive de ces titres tant le genre de visual novel adventure game est aujourd'hui bien plus riche et développé, plus avenant et interactif, notamment sur Switch où il fleurit à vue d'œil. Impossible de ne pas penser par exemple à Chicken Police qui jouit d'un langage tout aussi adulte, de dialogues riches mais sans déraper dans le prolixe, et apporte un minimum d'interaction en impliquant le joueur dans l'aventure. La base, direz-vous.

The Silver Case 2425 peut éventuellement intéresser pour le côté archéologique. Ou encore pour déconstruire les mécaniques d'un jeu n'ayant pas poussé correctement la réflexion sur son interface, se suffisant de scénarios abusivement alambiqués sous couvert de création originale, mais regorgeant de clichés on ne peut plus prévisibles dans ce type d'exercice et ayant largement tendance à forcer le décrochage du joueur. C'est cette tension de l'information manquée qui pourra, si vous appréciez vous mettre en difficulté, sauver votre intérêt pour le titre.
Déterrer les reliques du passé n'est pas toujours une bonne idée

L'anecdote

Des dialogues très enrichissants

Le tueur en série a frappé. Je suis récupéré par hasard par deux flics à l'hôpital, dont l'un d'eux me gratifie du surnom délicat de "Big Dick". Ne me demandez pas pourquoi, ça semble le faire marrer et cela donne une bonne idée du type de dialogues qui se veulent 'esprit commissariat' mais sont juste simplement vulgaires. Bref, les deux poulets me prennent pour une raison qui m'échappe sous leur aile et me voilà sur la scène du crime : un barrage hydraulique. Une fois la victime découverte, nous changeons de zone de crime : un hypermarché fermé. J'avoue ne pas avoir saisi la décision qui a mené à ce déplacement mais ils me guident par radio tandis que j'explore la galerie vide. À chaque déplacement de case, un dialogue (pour la plupart peu utile) se déclenche, ralentissant ma progression. Hey les mecs, on cherche un tueur ou on prend le thé ? Je parviens à accéder au second étage après avoir "résolu" une énigme chiffrée en appuyant sur un seul bouton, et une fois à l'étage, je trouve un panneau de contrôle et une boutique entrouverte. Je fais quoi avec ça ? Rien dans la boutique. Le panneau est activé. Et maintenant ? Il me faudra revenir à mon point de départ et attention : regarder en l'air sans aucune indication pour déclencher une cinématique. Pourquoi. Comment. Qu'est-ce que... Non, ne cherchez pas de logique, il n'y en a pas, ou alors elle m'a échappé.
L'impression de passer à côté d'un pseudo délire créatif
Les Plus
  • Deux jeux en un !
Les Moins
  • Les contrôles qui se moquent des joueurs
  • L'histoire tortueuse et à trous
  • Les dialogues qui tirent en longueur
  • La logique étrange des énigmes
  • La lourdeur générale du système de jeu
  • Le bruit de machine à écrire qui hantera à jamais vos cauchemars
Résultat

Pourquoi s'infliger des contrôles inaboutis, des dialogues interminables, une trame alambiquée, le tout dans une interface qui ferait pâlir d'envie les néons de Las Vegas ? The Silver Case 2425 regroupe deux titres qui ont connu un succès vraisemblablement grandissant au fil des rééditions, pour s'échouer sur Switch sans prendre la peine d'améliorer quelques basiques de prise en main. S'il est possible de surpasser le manque d'ergonomie des contrôles, restent les scénarios diablement riches, bourrés d'histoires et de personnages destinés à parasiter votre attention, et surtout segmentés de manière à créer des trous dans la compréhension générale. Le découragement vous gagne plus vite que prévu, rendant l'expérience particulièrement pénible, très loin de ce qu'un visual novel peut a minima proposer de manière décente et respectueuse à ses joueurs.

Partagez ce test
Tribune libre