Test | Max Payne
23 janv. 2002

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Max Payne

Max Payne, on l'aura attendu celui-là. On l'aura attendu et on aura eu raison. Oui, Max Payne est un bon jeu et même un peu plus que cela. Max Payne est un grand jeu. Un grand jeu un peu court, d'une certaine façon, mais un grand jeu quand même. Comme tous les grands jeux, Max Payne marque un tournant. Pas le genre de virage à 180° qui fait dire qu'il y un avant et un après, mais un petit virage gentil, pas vraiment traître, le genre de virage sympa dont on se souvient ensuite avec émotion, longtemps après. Parce que mine de rien, sous son écorce très classique de jeu d'action pur et dur, Max Payne cache un coeur gros comme ça. Gros comme un univers en béton et solide comme un bon parpaing.

Ames sensibles etc

La première qualité de Max Payne, c'est son univers violent, son New York sous acide qui plonge le joueur la tête la première dans le jeu. Les petits gars de Remedy y sont d'ailleurs allés un peu fort puisque le gars Max perd son bébé et sa femme dès le premier niveau. Au passage, cela faisait longtemps que l'on n'avait pas vu le cadavre d'un nourrisson dans un jeu. Pour ceux que cette simple image suffirait à traumatiser, il est peut-être bon de rappeler que Max Payne n'est pas franchement le genre de jeu que l'on peut mettre entre toutes les mains. Avec ses drogués, ses putes et ses politiciens véreux, Max Payne ne fait pas franchement dans la dentelle. On a droit à une scène de torture, à une fellation et même à quelques mauvais trips hallucinatoires, quand ce charmant garçon revit sous forme de cauchemars l'assassinat de sa petite famille. C'est sale, mais primo c'est un jeu et deuxio ces scènes sont des hommages à quelques pointures du cinéma hollywoodien ou à des jeux célèbres, Duke Nukem 3D en tête. En bref, Max Payne a un alibi culturel en téflon que les plus vieux découvriront avec plaisir.

Cinémascope

Les fans de John Woo et de Tsui Hark notamment seront aux anges. Max Payne emprunte son gameplay aux célèbres pirouettes acrobatiques des acteurs hongkongais grâce à une particularité unique, le Bullet Time. Jusque là, on avait surtout vu ces ralentis classieux au cinéma, dans Matrix notamment. Là, ces ralentis sont disponibles en plein jeu, en pressant le bouton gauche de la souris. Combinée à un déplacement, cette petite pression permet d'effectuer un saut au ralenti pour esquiver une salve et ajuster paisiblement sa cible, histoire de faire feu juste avant de toucher le sol. La classe. Bien évidemment, les ralentis sont limités par un petit sablier qui se vide à chaque utilisation du Bullet Time et qui ne se remplit qu'à chaque ennemi tué. A condition de faire systématiquement mouche, il est toutefois possible de finir le jeu en utilisant le Bullet Time systématiquement. Et il est difficile de résister à la tentation, tant cette petite nouveauté facilite la vie, notamment dans les guet-apens, et tant l'effet est superbement rendu, tout bêtement. Non seulement les projectiles sont ralentis, chaque balle étant modélisée, mais le son devient étouffé jusqu'à ce que le Bullet Time soit achevé. Mine de rien, cette petite nouveauté est absolument terrible et rend incroyablement accrocheur un jeu pour le reste bien banal.

La force tranquille

Entendons-nous bien, Max Payne est un jeu qui a bénéficié d'un bon budget, budget qui se retrouve très clairement à l'écran. Le moteur 3D est bien huilé et affiche de belles textures, des éclairages classes et des animations soignées. A quelques rares exceptions, le retard accumulé par Remedy ne se voit absolument pas, les niveaux étant particulièrement soignés. Et pourtant, on aurait pu s'attendre à des graphismes ou à des niveaux inégaux. Non, là tout semble sortir du même moule et on ne sent ni retard, ni dissension, ce qui donne au jeu une belle cohérence à ascendant glauque. Le métro, l'hôtel de passe avec lits vibrants, le night-club version secte satanique puis la belle demeure des conspirateurs, le labo secret et enfin l'immeuble grand luxe, tous ces décors se suivent parfaitement au fil d'un scénario qui fait la part belle aux seconds rôles. Mais le tout respire quand même le déjà vu, surtout pour ceux qui ont essayé Duke Nukem 3D et Kingpin. Sans l'histoire particulièrement bien fichue, Max Payne n'aurait été qu'un alignement de vilains clichés, depuis les toits de la ville jusqu'au port, en passant bien sûr par l'inévitable capture suivie d'une petite séquence évasion.

Du neuf avec du vieux

Côté gameplay, et exception faite du Bullet Time, Max Payne oublie là encore d'innover. Les niveaux ne sont qu'une suite de portes fermées amenant fatalement le joueur à la seule porte ouverte, de longs couloirs avec de temps en temps quelques séquences d'anthologie, bref, une succession de combats qui s'enchaînent jusqu'à plus soif. De temps en temps heureusement un combat plus ardu que les autres, un petit rebondissement, une explosion ou un incendie réveillent le joueur somnolent. Mais dans l'ensemble, on se balade le nez en l'air en admirant les décors et en dézinguant à tout va, sans autre motivation que la curiosité pour les niveaux suivants. A y regarder de plus près, ce ne sont pas les niveaux ou les armes qui sont responsables de ce petit manque d'intérêt. Les Beretta, les Ingram, le fusil à pompe, la batte de baseball, les grenades et le lance-grenades, le fusil à lunette, tout ça est irréprochable ; il ne manque guère que le lance-flammes pour être heureux, et encore, vu que les cocktails Molotov permettent de mettre un peu d'animation dans les soirées mondaines. Ces armes sont d'ailleurs bien exploitées au sein des niveaux, avec des séquences dédiées à chacune d'entre elles : snipe sur les quais du port, cocktails pour faire le ménage dans le bar, un Ingram dans chaque main pour faire s'effriter la pierre des caves à vin et ainsi de suite. Ce n'est pas non plus une question de rythme, le flux d'ennemi étant plutôt constant, avec une belle montée en puissance de la musique pour souligner les embuscades. Non, le problème c'est qu'on a déjà vu ça mille fois.

Un peu trop carré

Du coup, on reste un peu sur sa faim, à force d'attendre que le jeu décolle enfin, qu'il soit à la hauteur de ce que ce délicieux Bullet Time laissait présager. Peine perdue, Max Payne est un jeu d'action bien carré, efficace mais très classique. C'est d'autant plus frustrant que le jeu se termine vite, en une douzaine d'heures environ. Vu qu'il n'y a pas de mode multijoueur, ça fait sacrément court. Maintenant, il faut bien reconnaître que l'on ne s'ennuie pas pendant cette petite douzaine d'heures et que l'on ne regrette pas, après coup, d'avoir claqué de l'argent dedans. Oui, c'est bizarre, et c'est d'autant plus bizarre qu'une fois fini on n'a guère envie d'y rejouer. Un nouveau mode de jeu chronométré, chaque ennemi tué apportant un bonus de temps comme dans les mauvais Resident Evil, a beau faire son apparition une fois le jeu plié, rien à faire, on n'a plus envie. Une fois qu'on connaît les décors et le scénario, et qu'on s'est bien amusé avec le Bullet Time, le jeu perd tout intérêt. Alors bien sûr, il y a un éditeur de niveau pour les étudiants entre deux partiels, mais à ce jour les niveaux supplémentaires développés par les fans (voire, rêvons un peu, par Remedy se comptent sur les doigts d'un lépreux. Même (triste) constat côté mods. Pour autant, Max Payne n'est pas une arnaque, loin de là. En fait, à la limite, mieux vaut douze heures de pur bonheur réglées comme du papier musique que trente heures de durée de vie avec des allers-retours incessants dans de longs couloirs désertiques...

Les intermittents du spectacle

Tant qu'on en est aux reproches, il faut également mentionner un dernier point : la version française est une horreur, surtout pour ceux qui connaissent la version originale. La doublure de Max Payne ânonne son texte platement en reprenant parfois maladroitement les intonations américaines complètement inadaptées à la langue française dans un court sursaut de bonne volonté. Quelques bugs subsistent même, comme dans cette cinématique où les dialogues ne correspondent pas aux images. Bref, mieux vaut essayer de dénicher la VO pour ceux qui ne sont pas fâchés avec l'anglais. Surtout que certains jeux de mot ne peuvent pas être traduits et qu'ils sautent carrément dans la VF. Et puis Max Payne est un pur jeu ricain, qui se passe dans une grande ville ricaine, avec des planches de bédé en guise de cinématiques façon roman photo passé sous Photoshop, tout un background qui se savoure comme un bon film hollywoodien, c'est-à-dire en VO.
Les Plus
  • Le Bullet Time
  • Un scénario excellent pour une fois
  • Des armes vraiment bien pensées
Les Moins
  • Un peu court tout ça
  • Pas de multijoueur
  • Une fois fini...
Résultat

Mine de rien, ces quelques griefs n'empêchent pas Max Payne de casser la baraque. Le jeu est court ? Oui, mais il est intense. Il est mal traduit ? Oui, mais le dernier jeu correctement doublé remonte à un bail, quand Lucas Arts faisait encore des jeux d'aventure, c'est dire. Et enfin, Max Payne n'est pas si original que ça ? Ben, même chose, c'est un reproche que l'on peut adresser à 90 % des jeux actuels. Alors faut-il bouder son plaisir sous prétexte que Max Payne n'est pas parfait ? Evidemment non. Comme souvent avec les jeux très attendus, Max Payne a crée de nombreuses attentes que le pauvre n'arrive pas à toutes satisfaire. Reste un bon jeu, bien fichu et bien rythmé, le genre de titre auquel on joue avec plaisir avant de le ranger définitivement sur une étagère sans plus jamais avoir envie d'y rejouer. Inutile de trop lui en vouloir pour autant. En matière de jeu d'action solo, Max Payne est largement ce qui se fait de mieux, tout simplement.

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