Test | Horizon Forbidden West : Burning Shores
14 mai 2023

Cauchemar en cuisine

Testé par sur
Horizon Forbidden West : Burning Shores

Avec Horizon Forbidden West : Burning Shores, Guerrilla Games a mitonné un repas de gourmets. Visuellement d'abord, avec un jeu qui fait penser au dernier film de James Cameron. Gustativement ensuite avec un rythme mieux maîtrisé et une série de patchs qui ont corrigé beaucoup des défauts originaux. Et en dessert un boss final dantesque. La réaction des joueurs ? Un torrent de critiques négatives à cause d'un plat optionnel.

L'histoire

C'est la chute. Vous aviez fini Horizon Forbidden West avec des armures et des armes upgradées, toutes vos statistiques au maximum et même votre ptérodactyle attitré. Vous faisiez les beaux au-dessus de décors paradisiaques. Et soudain BOUM, plus de piaf. Victime de la DCA locale, vous vous retrouvez le nez dans le sable, les restes de votre monture éparpillés au sol. Les ennemis se rapprochent et seule une autochtone Quen, Seyka, vient vous prêter main forte. Dire qu'on n'est que lundi.
Un tir de DCA bien ajusté et BOUM ! plus de monture

Le principe

Après Avatar 2 : la Voie de l'eau, voici Jurassic World. Cramez tout.

Avec son monde ouvert sans marqueurs qui récompensait la prise de risque, l'exploration et la coop, Elden Ring a tué Horizon Forbidden West à sa sortie. Si vous espérez un DLC qui en tienne compte, passez votre chemin : Burning Shores propose plus du même, comme disent les anglais. C'est toujours un jeu très linéaire, très directif, qui vous impose d'aller d'un point A à un point B (souvent avec Seyka), même si théoriquement vous pouvez aller partout – c'est juste que les donjons seront fermés, contrairement à Elden Ring.

C'est surtout la même maniabilité avec ses animations ultra détaillées et... lentes, qui vous donnent presque l'impression de contrôler le cowboy de Red Dead Redemption 2 lâché au milieu de dinos hyper agressifs. Se relever après une roulade prend des plombes, se hisser sur une corniche aussi, et une tortue sur le dos mettrait plus de temps à se rétablir qu'Aloy une fois touchée. Ce côté frustrant est rendu encore plus pénible par les combats contre de nombreux ennemis rapides (ah, se faire toucher encore quand on se relève...) et des séances de grimpette laborieuses. Si vous aviez abandonné Forbidden West à cause de sa maniabilité, Burning Shores n'est pas pour vous – de toute façon il faut avoir fini l'aventure principale pour le lancer.
Vous incarnez un tank : Aloy

Les nouveautés

Vous débloquez ce bateau très vite, le temps d'abattre une tour DCA et de récupérer une monture.

Quoi de neuf, alors ? Déjà les décors : les plages, les lagons, la lave et Hollywood, ça change des forêts-déserts-glaciers. Ici Los Angeles a de la consistance, ce n'est pas la déception de Las Vegas réduit à trois immeubles effondrés dans un tas de sable. Vous allez slalomer dans le centre-ville, reconnaître le Grauman's Chinese Theatre, les célèbres lettres sur la colline miraculeusement intactes (spoiler alert : pas pour longtemps) et quelques belles surprises dans la deuxième partie du DLC, surprises qu'il serait criminel de gâcher – disons juste que Burning Shores rend hommage aux films de Spielberg et de Cameron et que tout s'accélère jusqu'à un combat final dantesque sur terre, dans les airs et sous l'eau. Wow.

Mais ce n'est pas tout. Aloy le tank commence à s'humaniser, par petites touches. Elle qui restait distante, avec ses petites phrases assassines, se lie d'amitié avec la Quen Seyka, au point de l'aider à retrouver sa sœur. Et c'est là que Guerrilla Games mêle intelligemment deux saveurs : le gameplay avec des actions à accomplir ensemble, sans que vous ne dirigiez Seyka – tirer sur une turbine que vous exposez, placer un piton d'escalade pour lui permettre de grimper ; et la scénarisation avec beaucoup de messages qui passent par des regards, des expressions et des non-dits.
Show, don't tell comme disent les scénaristes hollywoodiens

Pour qui ?

La maniabilité reste pataude, surtout pendant les phases de grimpette.

Bien sûr il est possible de rester insensible à ces ajouts. De ne retrouver dans Burning Shores que la rigidité des contrôles et le dirigisme du monde ouvert si datés après la claque The Legend of Zelda : Breath of the Wild. De trouver ce DLC trop court (mais est-ce un défaut vu le prix de 20 € et le rythme qui va crescendo ?). La carte trop petite (mais n'est-ce pas mieux que celle infinissable d'Assassin's Creed Odyssey ?). Les nouveaux ennemis trop peu nombreux, le crapaud Bilegut et le Waterwing capturable étant les vraies stars du show.

Certes. Mais enfin, quel voyage. Quel dépaysement. Quelle maîtrise technique, avec ces visages si expressifs, si humains. Avec cette histoire de deux bannies courageuses qui se lient d'amitié, dévoilent leurs doutes, leurs peurs. Le tout sous l'ombre menaçante du Metal Devil perché sur la colline emblématique – si vous avez fini Forbidden West, même en vous forçant un peu, foncez. À la rigueur profitez des options avancées et des derniers patchs pour customiser l'expérience : ramassage automatique des plantes, suppression des marqueurs de quêtes, épuration de l'interface et renforcement de la difficulté. L'expérience n'en sera que meilleure.
Le dépaysement est total : terre, mer, ciel... et nouveaux ennemis

L'anecdote

Vous avez régulièrement besoin de Seyka, et pas que pendant les cinématiques.

Attention, le texte qui suit va spoiler une scène ! Si vous vous êtes tenu à l'écart des réseaux sociaux ou que vous n'avez pas peur des spoilers, continuez. Sinon je vous encourage à revenir une fois le DLC plié...

Si vous lisez la suite, c'est que vous êtes prêt ! Quand j'ai appris via Reddit qu'Aloy était lesbienne, je me suis énervé. Je n'aimais pas l'idée que les développeurs imposent une orientation sexuelle et encore moins le choix du partenaire à Aloy. Je l'avais trop incarné dans Horizon Zero Dawn, The Frozen Wilds et Forbidden West – j'avais l'impression de bien la connaître, d'avoir vécu quelque chose avec elle. En tant que joueur, je voulais faire ce choix. Décider de son arc narratif – comme j'avais décidé du sort de certains ennemis clefs, lors de cinématiques, dans le jeu original et dans sa suite. J'aurais préféré du Mass Effect 2 ou du Dragon Age Inquisition : choisir un partenaire, faire quelques quêtes annexes dédiées pour passer du temps avec, apprendre à se connaître. Et enfin sauter le pas. J'aurais peut-être choisi Kotallo après l'avoir aidé à fabriquer un bras. Ou Tilda van der Meer avant de partir dans les étoiles avec elle. Ou même Varl, juste pour contrarier Zo !

Sauf que... c'est le cas. Au fil des missions, Aloy commence à apprécier Seyka et le montre. Les regards d'abord. Les empoignades ensuite. Leur rapprochement est naturel et se fait de manière discrète, au détour de dialogues très bien écrits. L'interprétation des actrices, le boulot des animateurs rendent cet arc sentimental crédible. Et surtout le choix final vous revient – contrairement à ce que les réseaux sociaux laissaient penser, ce n'est pas une cinématique qui tomberait comme un cheveu sur la soupe étoilée du chef Guerrilla Games. Quel que soit votre choix, le soin apporté à l'échange entre Aloy et Seyka est à la fois digne et profondément humain. Une réussite à vivre manette en main pendant la dizaine d'heures du DLC, plutôt qu'au vitriol sur les réseaux.

Impossible de résumer ce DLC d'une dizaine d'heures à une scène de quelques secondes
Les Plus
  • Aloy fend enfin l'armure
  • La qualité des dialogues et des expressions
  • Les décors paradisiaques
  • Le plaisir de voler
Les Moins
  • Il faut avoir fini le jeu
  • Pas de PS5, pas de chocolat
Résultat

Dommage que finir l'aventure principale soit un prérequis pour profiter de ce menu de gourmets. Avec son aventure certes linéaire mais mieux maîtrisée, son nouveau bestiaire, sa lettre d'amour au cinéma américain et surtout son héroïne qui laisse enfin voir des vulnérabilités, Burning Shores pouvait convaincre ceux qui avaient abandonné le jeu original. Le genre d'extension que l'on fait d'une traite et que l'on finit comme un beau voyage, fatigué mais heureux – avec de magnifiques souvenirs plein la tête... Et peut-être une petite prise de distance vis-à-vis des problèmes et des polémiques qu'on avait quittés.

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