Test | Black & White 2 : un jeu qui rend mauvais
20 nov. 2005

Testé par sur
Black & White 2

Black & White premier du nom avait divisé les joueurs : certains – nombreux – n'y ont vu qu'un bac à sable insipide et rapidement ennuyeux, et d'autres – tout aussi nombreux – ont pu y trouver l'un des meilleurs god game jamais réalisé à ce jour, oeuvre magistrale d'une équipe chapotée par le génial Peter Molyneux. En incorporant à l'original un aspect RTS plus musclé, cette suite débarque donc avec un sacré challenge en tête : réconcilier ces deux courants. Lourde est la tâche et mitigé est le résultat. Explications.

La Main de Dieu

Si son intérêt à long terme avait laissé dubitatif une bonne partie des joueurs, Black & White a au moins réussi une chose essentielle pour un god game : offrir un sentiment de toute puissance divine finalement peu fréquent. L'interaction du joueur sur les environnements du jeu et, bien sûr, son pouvoir sur les peuples occupants, étaient quasi jubilatoires. Nous n'étions plus seulement une entité supérieure capable de contrôler un espace de jeu comme c'est le cas la plupart du temps. Nous étions carrément Dieu. Avec ses actions divines, ses choix arbitraires, la possibilité de faire le Bien ou le Mal... et surtout les conséquences sur la manière dont ses adorateurs allaient l'appréhender. Tout ça, jamais un jeu n'avait eu l'audace – et les moyens – de nous le prouver aussi brillamment. Rien que pour cette raison ce premier épisode et cette suite qui utilise exactement le même principe sont déjà remarquables.

Piqûre de rappel

Votre espace de travail

Vous ne vous êtes jamais essayé à Black & White ? Alors sachez que ce jeu vous place à la tête de niveaux insulaires sur lesquels vous allez devoir étendre votre influence divine, bonne ou mauvaise. Plus vous serez adoré – voire craint –, plus vous serez puissant. Pour vous aider dans votre tâche, vous disposez d'un représentant terrestre, une créature qu'il vous faudra éduquer à votre image : elle pourra ainsi participer à la construction de vos bâtiments, récolter de la nourriture ou du minerai, divertir vos ouailles, voire, selon votre alignement, les manger... bref, de multiples actions pour vous assurer leur dévotion pleine et entière. La plupart du temps, un niveau est aussi en partie occupé par un ou plusieurs autres dieux. C'est là que l'aspect RTS de la série intervient : chasser les dieux adversaires en prenant possession de leurs villages pour les joueurs les plus pressés, ou convertir un maximum de villageois (en réalisant des miracles ou en répondant à leurs besoins) pour les faire basculer dans votre camp. Black & White 2 reprend donc ce postulat de base avec pas mal d'améliorations et de nouveautés. Encore heureux !

Soldats de plomb

Ils n'ont pas l'air d'avoir des intentions pacifiques en tête

L'ajout majeur de ce deuxième opus qui suppose une influence directe sur le gameplay, c'est une orientation guerrière plus poussée. Vous pouvez donc créer des troupes de soldats pour, au choix, repousser les attaques ennemies si vous êtes un gentil, massacrer vos adversaires si vous êtes un méchant. En pratique, ces escadrons sont bienvenus car en plus d'aider votre créature à défendre et attaquer ce qui peut l'être, ils offrent également la possibilité de capturer les villages qui ne sont pas encore sous votre emprise (et remplacent ainsi les ambassadeurs bien fragiles du premier Black & White). Les combats sont un peu moins statiques que dans les RTS classiques car, en tant que Dieu, vous pouvez recourir aux miracles de la Nature (soin, feu, foudre, bouclier, etc.), histoire d'appuyer vos troupes ou d'affaiblir celles de vos adversaires.

Bac à Lego

Avec une bonne dose de patience, on peut construire des cités sympathiques

L'équipe de Lionhead s'est également concentrée sur l'aspect gestion de la série. L'arborescence des constructions disponibles est donc plus développée. Finies les simples habitations pour vos disciples, ils ont maintenant accès à des manoirs, des domaines mais aussi des gratte-ciels qui peuvent devenir des HLM si vous les négligez. Carrément. Les bâtiments municipaux ne sont pas en reste puisque vous pourrez construire des prisons, des garderies, des maisons de retraite, des universités, des bains, des amphithéâtres... Même diversité du côté de l'industrie avec des marchés (poteries, plantes et statues), des scieries, des fonderies, etc. Ajoutez à ça plusieurs types d'embellissements comme, par exemple, des lanternes, des colonnes, des statues de fertilité (il y a même des fosses de tortures pour les sadiques), et vous obtenez un nombre très correct de constructions permettant de transformer vos villages de départ en métropoles florissantes.

Paix ? Plus tard !

Des grosses batailles bien grasses ? Si vous êtes sages...

Black & White 2 se positionnant comme un god game plus musclé que son prédécesseur, il était logique que cette orientation se ressente également dans les différents types de constructions disponibles. Vous aurez ainsi la possibilité d'ériger des remparts autour de vos villages pour les protéger des attaques ennemies. Si vous pouvez le faire, vos adversaires aussi. Un atelier de siège – d'où sortiront les engins de... siège – sera donc indispensable aux Napoléon en herbes qui souhaiteraient partir à l'assaut des villes contrôlées par le(s) dieu(x) adverse(s). Au niveau guerrier, le jeu permet enfin d'utiliser des "Miracles épiques" qui nécessitent la construction préalable de "Merveilles" pour être accomplis. Ces bâtiments luxueux sont très coûteux en ressources mais leur efficacité au cours des combats est redoutable : lancer un séisme, un ouragan ou même faire sortir du sol un volcan en plein milieu d'une cité opposante produit un effet de panique dans la population locale assez réjouissant. Quoiqu'en dise votre bonne conscience !

Guerre ? Mieux !

C'est malheureux mais le Mal a souvent le dernier mot

Parlons en de votre bonne conscience justement. Et surtout de votre mauvaise. Comme son nom l'indique, Black & White 2 vous laisse la liberté de choisir entre le Bien et le Mal. A l'instar du premier épisode, des conseillers spirituels – plutôt rigolos – interpellent donc régulièrement le joueur afin de lui indiquer la meilleure façon d'opérer selon son alignement. Les mécanismes du jeu sont développés autour de ces deux tendances générales. L'environnement visuel de vos cités et de votre créature évoluent également en fonction de ce paramètre. Lionhead s'est toujours défendu d'avoir scrupuleusement respecter l'équilibre entre les deux afin de n'en privilégier aucun en particulier. Mais ce deuxième opus, orienté "guerres, sièges et batailles massives" (c'est marqué sur la boîte), prouve clairement que, d'un point de vue ludique, la voix du Mal reste la plus intéressante. En effet, veiller au bien être de ses populations et à l'éducation attentive de sa créature devient vite ennuyeux, alors qu'il est beaucoup plus efficace, sur le court terme, de choisir une voie guerrière nettement moins contemplative.
Les Plus
  • L'environnement toujours aussi charmant
  • Le sentiment divin omniprésent
  • L'ambiance légère et amusante de l'univers
  • Les mini-quêtes parfois surprenantes
  • Les mimiques de la créature
  • Les conseillers spirituels et leurs conseils "spiritueux"...
Les Moins
  • L'aspect RTS plus comme prétexte que comme réel apport
  • La lenteur de l'action
  • Le Bien fait pâle figure face au Mal
  • Le contrôle des troupes un peu rigide
  • Une créature qu'on peut parfois complètement oublier...
Résultat

Comparé à son prédécesseur, Black & White 2 apparaît comme un jeu plus complet, plus diversifié et, technologie aidant, encore plus agréable à l'oeil. Mais l'effet de surprise s'étant logiquement estompé, il s'avère aussi moins attachant, si bien qu'on peut se désintéresser rapidement du destin de ses villageois et, pire, de sa créature. S'il est clair qu'un joueur qui découvre cet univers saura l'apprécier plus longtemps, le concept du Bien et du Mal s'essouffle vite, handicapé par un gameplay très orienté. Cependant, on y retrouve toujours cette patte Molyneux si particulière (et plus largement celle de Bullfrog, son ancien studio de développement, auquel on doit les excellents Theme Hospital et Dungeon Keeper). On se voit alors pardonner ces zones d'ombres avec une facilité déconcertante. Fanatique ? Non, nostalgique.

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