Test | Unreal Tournament 2004, l'action brute
13 avr. 2004

Testé par sur
Unreal Tournament 2004
  • Éditeur Atari
  • Développeur Epic Games
  • Sortie initiale 6 févr. 2004
  • Genre First Person Shooter

Au petit jeu des sept erreurs, les différences entre Unreal Tournament 2003 et Unreal Tournament 2004 ne sautent pas aux yeux. Certes, le petit 2004 est plus récent mais il n'est pas franchement beaucoup plus beau pour autant. Il a quand même un peu forci : son petit bide replet cache une quarantaine de cartes exclusives, une poignée de nouveaux modes de jeu et surtout quantité de véhicules. En fouillant dans ses tripes, on tombe presque sur des morceaux d'Halo mal digérés, sur des jeeps dans lesquelles on monte à plusieurs pour aller taquiner les gueux d'en face, et que l'on quitte en pièces détachées quand ces petits canaillou ont eu l'idée d'emmener un tank avec eux. C'est rigolo, c'est défoulant, c'est pas original pour un sou évidemment mais purée, qu'est-ce que c'est bon !

La soupe primitive

Histoire de faire plaisir à ceux qui connaîtraient bien le petit monde merveilleux de Unreal Tournament, il est bon de rappeler que l'édition 2004 est un peu une super compile de luxe. D'abord, on retrouve tout Unreal Tournament 2003 dedans, les cartes, les skins, les modes de jeu et même les règles de déplacement pour ceux qui aiment bien être à la pointe mais sans rien modifier à leurs anciennes habitudes, les sots. Encore plus fort, on glisse parfois au détour d'un menu sur quelques réminiscences de l'antédiluvien The Tournament, le tout premier opus de la saga. Fichtre, ça, c'est vraiment pour faire plaisir aux fans. Ceux-ci hululeront de bonheur en redécouvrant le mode Assaut injustement boudé par UT2003 et dont tout le monde a dit un peu vite beaucoup trop de bien.

Au bonheur des nerdz

Comme son petit nom le laisse deviner, le mode Assaut consiste à prendre un objectif précis en procédant par étapes. Tout est expliqué en détail par une cinématique basée sur le moteur du jeu pour chacune des six malheureuses cartes chichement attribuées à ce mode. Dans MotherShip par exemple, on commence dans un petit vaisseau spatial à la maniabilité toute pourrie et qui a pour gros défaut d'exploser rapidement sans qu'on ait rien eu le temps de faire. Le but du jeu est d'arriver à s'en débarrasser. Pour ça, il faut dégommer des champs de force puis se poser sur la station orbitale. Ca ressemble un peu à l'attaque de l'Etoile Noire, en fait. Mais après l'atterrissage on doit se tailler un chemin au Canon Flak en dégommant des switchs et des campeurs qui les protègent. L'ennui, c'est que les campeurs mettent moins de temps à reprendre leur place toute chaude que les attaquants quand ils se font fragger. Du coup, les parties sont rarement équitables et l'intérêt en prend un coup. Quelle que soit la map, l'absence de chemins détournés empêche les attaquants de contourner ce bon gros bloc de granit que représente la défense, dès qu'on a réussi un ou deux objectifs et qu'on approche du coeur de la base adverse. C'est ballot, les sessions se départagent souvent aux points du coup.

Quelques grammes de finesse

Heureusement, un autre mode de jeu sauve l'honneur, Attaque, dans lequel on se dispute des relais. Chaque camp commence dans sa petite base équipée de véhicules aussitôt chapardés par les plus rapides. Le but est de conquérir un max de relais, des camps secondaires dont la détention permet d'obtenir davantage de véhicules. C'est bien vu parce qu'à 32, à part quelques nantis, on crapahute beaucoup à pied sur des cartes tout bonnement gigantesques. Vu les faux qui équipent les jeeps Scorpion, grimper dans un véhicule n'est pas un luxe. Ils permettent de survivre une poignée de secondes supplémentaires malgré les missiles téléguidés difficiles à éviter. Le level design excellent ménage de grands moments sur les cartes dédiées à ce mode, vu qu'il est possible de contourner les défenses et que chaque base principale dispose de plusieurs accès et étages ; du coup, les plus fourbes peuvent même arriver à s'y cacher (si si). En contrepartie, les affrontements sont un peu longuets et souvent déprimants vu que l'on perd puis regagne facilement les relais, quand les parties sont bien équilibrées. En même temps, pour une fois qu'un doom-like est un peu tactique, on ne va pas faire la fine bouche.

Pour nous, les brutes

Que ceux qui désapprouvent cette approche prétentieuse (contourner ? peuh !), il reste heureusement de grosses louches bien classiques : le Match à mort seul ou en équipe, la Capture de Drapeau et le fameux Bombe de Balle, une espèce de match de basket dont il est de bon ton de se moquer alors qu'en fait il réserve son lot de surprises. Lancer la balle à un ennemi pour l'empêcher de tirer est par exemple très drôle, quand on lui arrache la tête au passage avant de lui reprendre le ballon dans la foulée ; mais, évidemment, on retombe dans le subtil. Bien moins fin, le mode Invasion propose de ventiler des milliards de bestioles réchappées de Unreal, textures lavasses comprises. Ce mode est jouable sur toutes les cartes (90 au total, dont la moitié d'inédites) et gonfle au début, dès qu'on a exterminé une chiée de trucs volant et rampants et qu'on a compris que d'autres arriveraient jusqu'à plus soif, mais devient de plus en plus stressant au fur et à mesure des vagues. Dans la même veine, on trouve aussi Mutant, qui confère à un joueur pris pour cible par tous les autres quelques pouvoirs marrants comme une semi-invisibilité. C'est confus et assez décevant, même en bidouillant les règles avec de la régénération, des récompenses de dégâts ou des statistiques de race. Au total, 18 paramètres rigolos permettent de se faire une partie sur mesure, pour ceux aiment les bons gros modes aux doux relents de mods.

C'est propre, ça sent bon

Histoire d'être exhaustif, il faut aussi mentionner le mode Dernier Survivant option Spécial Camping, pour ceux qui visent bien et/ou qui se savent rester planqué. A pratiquer entre gens bien, uniquement, sous peine de sévères désillusions. Il n'empêche, avec les 90 cartes dont on ne sait plus très bien lesquelles sont déjà connues et lesquelles sont neuves, la découverte de ces 10 modes de jeux permet déjà de passer quelques belles après-midi enfermé chez soi, avec des "Enculé !" et autres "Multifrag !" retentissant en bon français, histoire de rassurer les voisins. Ah, il y a aussi un mode solo au fait. On y affronte des bots, on se crée une équipe sur mesure, on gagne des brouzoufs à chaque victoire, on en perd à chaque défaite. Et on s'énerve vite quand les crédits tombent à zéro parce qu'après quelques heures de balade champêtre dans des décors très beaux peuplés de quelques ennemis aux réflexes de tortue morte, ces gros bâtards apprennent enfin à viser avec une perfection troublante, même de dos, en plein saut et la tête en bas. Saleté d'IA. Cela dit, c'est très propre, on ne peut pas accuser sa souris sans fil ou un ralentissement opportun : ça ne prend pas, c'est codé avec amour. Visuellement, certains environnements sont très beaux. Certains effets aussi, les éclairages, la fumée. Mais ce n'est pas une grosse claque, de celles qui retournent la tête d'un coup d'un seul. Les textures sont détaillées, la modélisation est léchée, les temps de chargement sont monstrueux, mais il faudrait peut-être que les petits gars retroussent leurs manches et programment des shaders décents pour le rendu de la flotte, entre autre. Ca nous apprendra à jouer à Far Cry, aussi.

Conclusion à réponses multiples

Maintenant, quand on voit les pros jouer avec un niveau de détail à peine digne de DirectX 3 pour gagner en fluidité et en lisibilité, on se dit que les shaders c'est peut-être pas si important que ça. Unreal Tournament 2004, c'est une mécanique bien huilée, un truc de brutasse pour joueurs aguerris. En multi, c'est de la bombe. En solo, c'est tout naze ; encore que, contre plein de bots castrés en Novice, on peut avoir l'impression d'être un bon joueur, c'est assez agréable. Et pour ceux qui ont acheté la version 2003 ? Oh, ça vaut quand même le détour, pour les véhicules et le mode Attaque notamment. Ceux qui ont toujours la boîte du précédent opus et qui sont prêts à arracher sauvagement la couv du manuel de l'édition 2004 seront heureux : Atari rembourse 10 € jusqu'au 31 mai 2004, ce qui est mieux que rien. Encore que... Ca coûte combien déjà un timbre non remboursé... ? Mais évidemment, l'argument massue c'est que tout le monde va migrer joyeusement sur 2004, à commencer par les modeurs fous, ces grands étudiants désoeuvrés. Il va falloir choisir son camp, il y aura les riches d'un côté avec leur UT2004 flambant neuf et ses resucées de mods connus mais éprouvés, et les pauvres de l'autre, tout honteux de leur UT2003 de losah.
Résultat

Ce qui accentue encore cette fracture sociale, c'est que UT2004 permet quand même de se la jouer plus finement. Les modes Attaque, Capture du Drapeau, Bombe de Balle et même Assaut ménagent quelques subtilités agréables, quand on a la chance de jouer entre personnes de bon goût. On s'étripe avec grâce, on met en place quelques tactiques de fourbe, on développe le bel et noble esprit d'equipe, bref, on participe à de vraies compétitions. C'est toutefois assez rare. Il faut atteindre un bon niveau pour savourer ce genre de raffinement ou jouer entre connaisseurs exclusivement ; sur le net, c'est plutôt bourrin. Cela dit, même ainsi, on se laisse rapidement bercer par cette douce volupté qui pousse le gros bill à aligner malicieusement la tête de son infortuné ennemi en maintenant un excellent ratio stress/réflexes. Il faut être réactif mais précis, impassible pour bien labourer les angles morts, sans se laisser déconcentrer par l'explosion d'hémoglobine saluant une décapitation. Et en même temps, on doit rester nerveux pour réagir lestement au sifflement vengeur des roquettes malintentionnées. Quelque part, c'est grand. On renoue avec quelque chose de viscéral, de reptilien, de primitif, avec des sensations nerveuses qu'il faut apprendre à dompter. Unreal Tournament 2004 procure ce type d'excitation, en solo comme en multi, en finesse comme en muscle, et c'est clairement le genre d'expérience à tenter même pour les habitués du genre, tant c'est brutal et râpeux comme un parpaing bien frais. Avec ces chouettes effets Kiss Cool, même ceux que UT2003 avaient laissé de marbre se laissent attendrir cette fois-ci.

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