Test | Return to Castle Wolfenstein
22 janv. 2002

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Return to Castle Wolfenstein

Le premier Wolfenstein avait posé les bases d'un nouveau genre, le doom-like, en innovant techniquement par sa représentation en vraie 3D. En plus, avec ses nazis et son Hitler final, Wolfenstein avait lancé la polémique de la violence dans les jeux vidéo et attiré l'attention sur les idéologies véhiculées par de simples jeux. Avec un tel pedigree, sa suite, Return to Castle Wolfenstein, était attendue au tournant. Un peu trop, malheureusement.

Fils indigne

Return to Castle Wolfenstein n'est pas à la hauteur de son prédécesseur. Oui, ça fait mal d'entendre ça, mais inutile de le cacher plus longtemps : cette suite ne crée pas le même effet que le jeu original ou que Half-Life en innovant vraiment. Return to Castle Wolfenstein est plutôt un bon mélange, détonnant mais un peu trop efficace, en bref une recette éprouvée dont le gros défaut est qu'elle est déjà largement connue. L'impression d'être tenu par la main et d'assister à une visite guidée de ce qui se fait de mieux en la matière rend le jeu assez fade, voire même amer pour ceux qui s'attendaient à un titre exceptionnel. Les niveaux se suivent et se ressemblent sans que l'un d'entre eux ne se détache vraiment ou, pire encore, qu'une atmosphère unique et envoûtante émerge pour conférer au jeu une dimension particulière.

Manque d'ambition

Au lieu de marquer les esprits, Return to Castle Wolfenstein s'enlise dans une succession de clichés. Le petit village, le sous-marin, la base secrète répondent au cahier des charges. C'est folklorique, l'action se passe bien en territoire allemand pendant la seconde guerre mondiale, parfait. Le château est lui aussi présent à l'appel mais il est hélas très mal exploité puisqu'on s'en évade au tout début de l'aventure. Plutôt décevant. Du coup, à cause de tous ces lieux éclectiques, le scénario ressemble à un gros patchwork qui relie tant bien que mal (et plutôt mal que bien) les niveaux comme autant de gros wagons bien lourds, un peu comme dans les mauvais films d'action américains. En gros, Himmmler cherche à créer le soldat nazi ultime et utilise pour cela des rites sataniques censés donner au jeu, comme à tous les titres id Software, une atmosphère malsaine. Peine perdue, les quelques tatouages décorant de plantureuses nazies dénudées et vociférantes donnent plus dans le burlesque que dans l'horreur.

On a du pétrole mais...

Du coup, l'impression que le côté nazi du jeu a été volontairement évacué devient de plus en plus pressante au fil du jeu. Les cryptes avec des morts-vivants, les laboratoires avec des cobayes, les rites sataniques façon grand guignol avec force ricanements pseudo déments, puis le V2, les soldats-machines, tout cet imaginaire de pacotille puisé à droite à gauche cherche à étouffer la dimension sulfureuse du jeu – être dans la peau d'un Allié qui dézingue du nazi. Hitler est passé à la trappe et ne constitue pas le boss de fin, Le fantasme de la toute puissance nazie est détourné au profit d'un empereur du Moyen-Age sorti d'on ne sait où et le château qui donne pourtant son nom au jeu sert pudiquement très peu et n'est absolument pas, promis juré craché, le nid d'aigle d'Hitler. Du coup, contrairement à Wolfenstein, à Doom ou à Quake, l'impression de progresser dans un univers dont la barbarie va crescendo est ici complètement nulle. Manifestement, les auteurs de la partie solo n'ont pas du tout saisi les mécanismes qui déclenchaient l'immersion, la peur et l'excitation du joueur dans des jeux pourtant bien vieux. Une tare plutôt difficile à pardonner vu les progrès, notamment techniques, réalisés depuis.

Fort joli heureusement

Si le scénario de Return to Castle Wolfenstein est carré de chez carré, techniquement au moins le jeu a le mérite de bien exploiter les fameuses courbes du moteur Quake III. Il suffit de mater les jolies nazies, certes entre deux rafales, pour s'en rendre compte (sans oublier les soubrettes en nuisette qui vont en émoustiller plus d'un). La modélisation est impeccable, bien meilleure que dans tous les autres jeux du genre, et les effets de flamme ou encore les textures sont d'un excellent niveau. Le jeu est parfois un peu terne mais globalement la réalisation est un cran au-dessus du reste de la production actuelle. Et ce n'est pas parce que c'est beau que l'on ne peut rien casser. L'interaction est impeccable vu qu'il est possible de raser le mobilier (ou simplement de le déplacer pour atteindre les inévitables passages secrets), de raboter les portraits d'Hitler à la mitrailleuse et même de faire tomber des armures sur les nazis pour les déséquilibrer !

Pas finaud

Cette petite subtilité tactique exceptée, le jeu n'est toutefois pas très fin. L'action est rapide et intense, pas question ici de traînasser. Oh, il y a bien quelques touches supplémentaires comme celles qui permettent de se pencher mais vu qu'il est impossible de tirer en même temps, on s'en sert finalement assez peu. Autant straffer directement et en profiter pour aligner quelques nazillons. Pour casser un peu le rythme, quelques séquences d'infiltration à la Project IGI où il ne faut surtout pas déclencher d'alarme sous peine de perdre immédiatement ont eu la mauvaise idée de se taper l'incruste. Pas d'affolement, au moins cette fois on ne se fait pas capturer bêtement arrivé à la moitié du jeu (ouf). Mais enfin, le coup des phases d'infiltration, ça commence à bien faire. Celles de Return to Castle Wolfenstein donnent franchement l'impression de n'être là que pour rallonger la sauce, histoire que le jeu ne soit quand même pas trop court. Peine perdue, on le plie malgré tout en une dizaine d'heures.

Tous ensemble

En Multijoueur par contre, Return to Castle Wolfenstein change complètement. La démo en avait donné un bref aperçu mais là c'est le bonheur. Les parties sont intenses, vu la rapidité du jeu, les attaques réclament de la coordination, bref, l'extase, l'adrénaline en plus. En multi, Return to Castle Wolfenstein devient plus tactique et le jeu vaut clairement plus pour ce mode que pour la partie solo. Ceux qui en ont marre de Counter-Strike et de Quake III devraient y jeter un oeil. Bon, il manque toujours un peu de fantaisie, oui, de véhicules par exemple, et toutes les cartes ne sont pas aussi excellentes que celle de la démo, évidemment, qui reconstituait franchement bien les différentes étapes d'un débarquement en règle. Mais bon, ça se laisse jouer, avec pas mal de tactiques bien fourbes à découvrir. Là, on voit que les deux modes ont été développés par deux équipes de développement différentes.
Les Plus
  • Multijoueur trapu
  • Bonne réalisation technique
  • Un petit côté sulfureux, tout de même
Les Moins
  • Efficace mais trop classique
  • Trop court en solo
  • Medal of Honor est bien meilleur
Résultat

La déception, finalement, vient surtout de la partie solo qui est juste amusante, sans être innovante ou particulièrement bien saucissonnée. Elle est vraiment fade pour ceux qui connaissent les doom-like et qui tombent alors de clichés en clichés comme de Charybde en Sylla. Et quitte à décevoir les enragés, le jeu ne va pas bien loin dans la provocation, par exemple pas autant que Soldier of Fortune en son temps. A part quelques tableaux et quelques brassards, le jeu gomme volontairement les références au nazisme en sombrant très vite dans une science-fiction de pacotille toute droit sortie de Quake II (ah ! les Stroggs !), comme c'est pratique. La morale est sauve, hélas. Hélas, parce que cette tiédeur nuit gravement à l'intérêt puisqu'elle se retrouve partout, avec par exemple un héros désespérément muet auquel il est impossible de s'identifier. Vu la matière disponible, comparable à celle de Doom ou de Duke Nukem, on a légitimement le droit d'être sacrément déçu de ne se retrouver qu'avec une partie solo courte et classique et un bon mode multi, point barre.

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