Test | The Thaumaturge

16 avr. 2024

Entre folklore slave et période pré-révolution bolchevique, The Thaumaturge vous plonge en plein cœur d'une Pologne occupée par l'empire Russe. Vous voilà aux commandes de Wiktor, un thaumaturge – une sorte de démoniste – qui a au début de son aventure perdu le lien avec le salutor – un démon – qui l'a accompagné toute sa vie. Suite à une rencontre tumultueuse, le défaut est réparé et permet au protagoniste de se rendre à la capitale pour faire face à son passé. En effet, son père vient de mourir, et ce n'est pas la relation conflictuelle qu'il entretenait avec lui qui va l'empêcher d'enquêter sur le décès dont les circonstances semblent bien étranges. C'est alors que vous voilà plongé en pleine Varsovie où l'influence de Tsar n'est plus ce qu'elle était, où les thaumaturges subissent une intolérance d'une grande violence, et où une multitude de péripéties n'attendent que vous.

C'est une superbe ambiance qui se trouve retranscrite, avec un travail d'immersion qui aurait pourtant pu être en inadéquation avec le choix d'une caméra en vue du dessus. Là où l'angle n'est pas propice à la mise en valeur de détails, The Thaumaturge en fourmille pourtant. Les rues pavées respirent l'Histoire et les chemins sinueux retranscrivent un folklore qui vous paraît peu commun. Car c'est bien sur ce point que le titre fait fort : il parvient à vous plonger dans un univers singulier tout en s'insérant dans un réel pourtant pas si lointain que ça. L'aventure oscille alors entre superstition et fantastique au fil du plaisir de parcourir les rues polonaises. Il ne faut pas chercher très longtemps pour comprendre qu'une des références évidentes au traitement de son univers est The Witcher. Le rôle, la façon de procéder et les capacités de Wiktor, la menace d'un empire qui plane, le traitement des thaumaturge, le folklore slave, la crasse et la boue. L'esprit de Geralt de Riv plane au dessus de The Thaumaturge.

The Thaumaturge est en premier lieu une expérience narrative où les quêtes s'entremêlent pour une aventure globale. Vous suivez l'histoire de Wiktor qui va se retrouver impliqué dans diverses péripéties aux personnages hauts en couleur. Avant tout, vous êtes un enquêteur. À la manière du travail d'un Sorceleur – oui, encore eux – les moments les plus mémorables de l'aventure sont ces séquences à huis clos où, lors d'événements, vous ressentez la présence de salutors. Ces derniers se nourrissent de l'émotion forte de certaines personnes. S'enclenche alors une enquête qui au fil de vos fouilles et dialogues va permettre de trouver qui en est à l'origine et par quel moyen atteindre le démon afin de le capturer. Vos différentes opportunités restent toujours fidèles au grand frère CD Projekt : un sens affûté pour mieux voir les éléments de fouille – dont les éléments sont inspectables si le niveau de la caractéristique demandée est suffisant – ou des pouvoirs pour influencer ses interlocuteurs. Une fois la quête menée à bien, le salutor va rejoindre votre équipe pour la suite de votre épopée.

Ces quêtes se concluent toujours par un affrontement entre vous et le démon accompagné de sbires, et le système de combat n'a pas à rougir, tant par sa qualité que sa profondeur. L'expérience est de prime abord classique : vous allez choisir en tour par tour les différentes attaques de votre équipe composée de vous et vos salutors. Ces mêmes attaques sont celles que vous avez précédemment débloquées dans l'écran de compétences. Là où le titre tire son épingle du jeu, c'est sur sa propension à pousser la stratégie d'anticipation en indiquant explicitement le moment où l'ennemi va frapper. Le cadre est plus flexible qu'à l'accoutumé, puisqu'un tour ne correspond pas à un instant T mais à une période durant laquelle chaque attaque peut avoir lieu à différents moments. À vous d'effectuer par exemple une attaque qui va annuler l'action adverse pour frapper plus fort avec un de vos salutors. Le seul défaut de ce pan de gameplay serait l'incohérence de l'issue de certains combats presque mortels qui n'ont aucune répercussion sur le dialogue qui va suivre.

L'expérience de jeu s'axe sur une variété de systèmes avec un équilibre en partie assez incertain. Le tout est assez simple et très bien amené, mais certains axes ont la fâcheuse tendance de tendre vers un ressenti moins organique. L'histoire de Wiktor est parsemée d'une multitude d'activités annexes. Si certaines quêtes permettent de vivre avec réussite une extension de certaines séquences fortes de la trame principale, la plupart de ces tâches ne sont qu'une simple liste de cases à cocher sans grand intérêt. Pour la plupart, elles n'ont de sens que sur un aspect touristique – bien que ancrant dans un réel certain – puisqu'elles reviennent à trouver tel point de vue sur un monument de Varsovie, ou encore tel lieu de vie et d'activité citadine. C'est malheureusement de façon très machinale que vous allez résoudre ces activités, notamment parce que la découverte d'éléments de l'univers apportent des gains de points d'expérience non négligeable. Par ailleurs, cette manière automatique que vous avez lors de l'exploration d'un lieu mène à des avancées par hasard dans d'autres quêtes que vous ne cherchiez pas à résoudre. Le titre hésite entre l'envie de vous montrer son univers et vous guider rapidement vers le prochain objectif.

Si The Thaumaturge est une façon très intéressante de prendre la température de ce que pourra être le remake de The Witcher à sa sortie, il n'en reste pas moins un jeu bougrement prenant. Le titre est à prendre comme une véritable aventure marquante. Cependant, si le complétionnisme est votre dada, son manque total d'intérêt ne peut qu'inciter à passer votre chemin. Le point fort qui a de quoi faire chavirer votre cœur de joueur, et notamment de jeux de rôle, c'est bien son écriture et son système de combat. Il est d'ailleurs à noter qu'une encyclopédie très documentée et les rappels du dialogue en cours permettent de suivre avec aisance la narration plutôt dense du jeu.

Comme souvent dit au cours du test, The Thaumaturge possède un lien étroit avec la trilogie vidéoludique The Witcher. La référence se ressent jusqu'aux fondements du gameplay du titre, et c'est donc tout à fait logique que CD Projekt Red ait fait appel à Fool's Theory pour la refonte complète du premier titre du Sorceleur. Le studio dispose d'ailleurs d'un bon champ d'action pour modifier le titre désormais très vieillissant mettant en scène Geralt de Riv. Ce n'est pas la première fois que l'équipe travaille main dans la main avec une licence qu'ils ne possèdent pas. Ils ont par exemple officié en renfort pour Larian Studio sur Baldur's Gate III, jeu dans lequel The Thaumaturge puise encore quelques références. L'équipe de Fool's Theory respire la passion du jeu vidéo, et encore plus pour le jeu de rôle.