Test | System Shock
12 juil. 2023

Viscéralement fascinant

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System Shock

Quel sacré gloubi-boulga, la série des System Shock. Un projet de troisième opus a pointé le bout de son nez il y a quelques années avant de – probablement – passer à la trappe, au grand dam des fans. C'est le moment choisi par l'équipe de Nightdive Studios, fanatique de retrogaming des années 1990 et de la remasterisation d'oldies, pour ce remake ô combien alléchant de System Shock !

L'histoire

2072, vous êtes un cybercriminel au cœur de cette société cyberpunk, quand tout à coup au beau milieu d'un cyber-casse voilà que les cyber-soldats de la cyber-entreprise TriOptimum viennent vous cyber-arrêter ! Heureusement, le patron est quand même cyber... euh... super sympa. Il vous offre l'amnistie, et en plus de cet abandon de charges vous propose le sublime implant neurologique que vous convoitez tant. Seulement il y a un hic ! Vous devez pirater l'intelligence artificielle de leur station spatiale cybernétique, Shodan, pour désactiver toute contrainte éthique et donner le plein contrôle au boss. Au réveil de votre opération pour vous implanter cette interface neuronale, vous voilà en plein milieu de cette même station nommée la Citadelle dans laquelle Shodan a vraisemblablement pété un fusible. Elle a pris le contrôle de tous les systèmes avant de cyber-zombifier son équipage. Il ne vous reste plus que vos bits et votre couteau pour résoudre la situation.
C'est daté, mais c'est sympa !

Le coup de polish

Cette cuvée permet dorénavent de visiter son petit chez soi.

Bienvenue dans les cyber-années 90, où l'imagerie kitsch du monde numérique fascine les foules de l'époque. Une esthétique désormais empreinte d'un certain charme et offrant à ce remake une dimension assez singulière. Nightdive Studios tire parti de la structure très vieillissante du jeu original pour arriver à un résultat mêlant le neuf à l'ancien. Les couloirs claustrophobique de la station ne sont pas sans rappeler le level design d'un temps où les FPS étaient appelés Doom-like. L'idée judicieuse de garder ce design pour le garnir de graphismes modernisés permet de rendre hommage au charme de ce classique.

De son côté, le pitch aujourd'hui simpliste de System Shock est loin de desservir sa proposition. Une IA malveillante prend le contrôle d'une station, il faut l'arrêter. Passé ensuite la caractérisation antédiluvienne du protagoniste qu'on oublie heureusement rapidement, la narration se trouve au service d'une complexité de gameplay suffisante pour pallier la banalité du propos de base. Ici, le gameplay prime avant l'histoire puisque la narration EST le gameplay.

C'est aussi sur son bestiaire confectionné avec crédibilité que le remake brille pour son coup de polish. Dans son univers ô combien réfléchi, System Shock ouvre une réalité où David Cronenberg aurait réalisé un Alien. Les corps défigurés côtoient la perfection des entités robotiques qui hantent la station. Un monde où Shodan cherche à forger les humains à son image sans atteindre une stabilité suffisante. D'autant plus que vous voilà prêt à dézinguer tout son travail. Mention spéciale à Shodan dont chaque intervention est à vous glacer le sang. Notez de plus que pour le plaisir des joueurs de la première heure, Nightdive Studios a fait à nouveau appel à Terri Brosius, l'interprète de l'époque. La mise en scène est largement magnifiée par la révision offerte par le studio.
Une narration toujours valable de nos jours

Le concept

Et ça commence par un bon coup de tuyau dans les circuits !

System Shock, c'est un ensemble de mécaniques qui de prime abord ne vous sont pas expliquées. Un vaste terrain de jeu où aucun tutoriel ne vous prend par la main pour vous montrer une direction à prendre ni la façon d'y parvenir. Pendant les premières heures, la navigation est complexe, les systèmes le sont aussi. Bravo, vous venez de découvrir la version primitive d'un genre particulièrement vidéoludique : l'immersive sim. Dans son univers, tout est gameplay. Que ce soit la narration, l'environnement, tout vise à un ensemble cohérent dont la compréhension va vous permettre d'avancer. Même votre mort fait partie de la diégèse, dans ce monde où un corps est jetable ou rafistolable à l'infini. Déroutant au début mais ô combien jouissif une fois pris en main. Ne vous inquiétez pas, rien de bien compliqué une fois cette étape passée. Le seul conseil à suivre est d'être attentif à chaque élément, chaque détail, chaque objet. Tout est là pour vous aider, tout peut vous servir. L'enjeu est simple : un objectif, des outils, un panel d'angles d'attaque à disposition pour un large environnement... et débrouillez-vous.

Ne vous y trompez pas, malgré sa progression tentaculaire, System Shock reste un FPS centré sur l'action. Vous êtes là pour coller des balles dans la tête – ou dans la puce – de vos ennemis. Disséminé un peu partout, un large arsenal est à votre disposition. C'est là qu'intervient une surcouche légèrement jeu de rôlistique avec les augmentations persistantes ou temporaires que vous pouvez amasser – du boost au regain de santé, de la protection à l'amélioration de caractéristiques physiques ou d'armes. La difficulté se joue maintenant avec votre inventaire limité, une des très bonnes nouveautés proposées par le remake. À vous de faire les choix adaptés à votre approche préférée. Le sacrifice d'une arme, de collectibles ou de divers modules se fait au bénéfice d'autres éléments. Dommage que l'intelligence artificielle des ennemis soit prédictible, sans être une tare. System Shock Remake sait qu'il est un jeu, et le montre à chaque instant. À vous de comprendre le fonctionnement de chaque adversaire pour savoir comment le vaincre en prenant parti de ce qui vous entoure.
Déroutant au début mais ô combien jouissif une fois pris en main

La Citadelle

Chaque étage sait vous accueillir avec toute la sympathie qu'il vous doit.

Le gros point fort de System Shock, c'est son environnement et la façon dont vous le parcourez. Là est tout l'art de l'immersive sim : vous présenter un monde tangible avant d'être synthétique, vous offrant une appréhension organique de celui-ci. La Citadelle est particulièrement palpable et vous donne la sensation de vous mouvoir dans une station réaliste et fluide. Le décor n'en est pas un, il raconte une histoire, possède un passé, un présent et un futur. Vous avez beau ne pas être présent quelque part, cet endroit est quand même persistant et vous le retrouvez dans le même état dans lequel vous l'avez laissé – attention aux frayeurs entre chaque chargement qui réinitialise le ragdoll des cadavres. Chaque étage, chaque pièce, chaque panneau a sa fonction. Une grande attention est portée au détail.

Votre objectif à court terme est de progresser dans la station. Vous commencez tout en bas et l'idée est de monter toujours plus haut. L'exploration est un mot-clé de votre expérience. Grandement récompensée, elle vous permet d'obtenir les outils, de résoudre des mécanismes – sous forme d'énigmes – et surtout les informations dont vous avez besoin pour progresser. Cette approche fait le pont entre l'idée du metroidvania et celle de l'immersive sim. Beaucoup d'allers-retours sont nécessaires pour mener à bien votre mission, puisque certains éléments permettent de débloquer des zones plus loin. Chaque expérience est aussi une opportunité d'en apprendre un peu plus. Bien analyser son environnement et faire attention à chaque mémo laissé par un habitant de la station est une brique narrative supplémentaire dans votre compréhension du monde.
Chaque étage, chaque pièce, chaque panneau a sa fonction

L’environnement

Un cyberespace un peu plus éclatant qu'il y a 30 ans.

System Shock présente au cours de son aventure deux environnements distincts : les couloirs de la station et le cyberespace – vous êtes un hackeur, rappelez-vous. Les couloirs représentent le cœur du jeu. C'est dans ces zones que vous allez passer le plus clair de votre temps. Un espace de jeu très vaste mais confiné, offrant une progression tentaculaire. Chaque étage dispose de son esthétique et de couloirs qui s'articulent autour de hubs plus ou moins vastes. Certains niveaux apportent aussi une couche de verticalité supplémentaire. Évidemment, des zones d'intérêt sont inévitables puisqu'elles forment des goulots d'étranglement narratifs. Si un seul défaut peut être pointé à ce niveau, c'est l'interface générale de la carte qui manque légèrement de lisibilité.

Par moments, vous êtes amené à parcourir le cyberespace. C'est tout simplement une représentation ludique de phases de hacking. Vous êtes plongé dans un genre de metaverse sous forme de shooter dans lequel l'objectif est de détruire – à la façon d'un Luke Skywalker qui détruirait l'Étoile Noire – un genre de flux en bout de parcours. Ces situations alternent parcours et dogfight avec son gameplay bien à lui. Une fois cela mené à bien, une porte verrouillée dans le monde réel se débloque et vous permet de continuer votre chemin. Ces portions de jeu se trouvent être éloignées du cœur de jeu et sont en deçà du reste de la proposition. Heureusement, celles-ci sont moins fréquentes et ne heurtent pas le flow du jeu. Le dernier passage dans le cyberespace – dont les détails sont omis pour éviter tout spoil – est malheureusement anticlimatique et son aspect brouillon dessert la section finale.
Des couloirs tentaculaires et claustrophobiques

Pour qui ?

"See that mountain ? You can climb it." – Todd Howard, 2011

Les anciens, les nouveaux, les férus de classiques de l'histoire du jeu vidéo. Tout le monde peut y trouver son compte. Il est vrai que le System Shock original date plus que de raison, mais son remake est exemplaire dans sa façon de faire. La proposition est méticuleusement réalisée pour plaire aux plus réticents de retrogaming puisque sa forme finale est un parfait hybride entre l'ancien et le nouveau. Le titre est un incontournable du genre.
Tout le monde peut y trouver son compte

L'anecdote

Ça sentirait pas un peu l'alien par ici ?

À l'époque, Looking Glass Studios réussit un tour de force critique qui n'a pas le retour public qu'il mérite. En effet, les joueurs préfèrent se tourner vers les FPS linéaires à la narration plus hollywoodienne. Cependant, System Shock reste une série incontournable d'un genre qui se cherchait au début : l'immersive sim. Ce genre s'articule autour de la cohérence globale de ses différents systèmes de jeu et de l'environnement. Par exemple, sa non-linéarité qui permet des approches variées. Ou encore un appel au gameplay émergent, dont les comportements du joueur utilisent les systèmes de jeu de manière non prévue par les développeurs.

Aux prémisses, c'est Ultima Underworld qui ouvre le bal du genre. Il pose les premières pierres, System Shock pose les suivantes, puis d'autres viennent ajouter les briques nécessaires à concrétiser un genre. Ainsi, certaines notions ne sont pas forcément présentes dans chacun des titres. Par exemple, le gameplay émergent ne fait véritablement que sa première apparition dans la série intéressée avec System Shock 2.

Le studio est initialement pionnier dans le genre, mais Arkane Studio est rapidement devenu un incontournable dans le milieu avec notamment Dishonored, Prey et d'autres. Warren Spector, ancien de Looking Glass Studios fait dorénavant équipe avec un collègue de l'époque au sein de OtherSide Entertainment. Après avoir espéré réaliser un System Shock 3, ils travailleraient dorénavant sur une nouvelle proposition d'immersive sim.
Un tour de force critique qui n'a pas le retour public qu'il mérite
Les Plus
  • Un incontournable du genre
  • Une refonte visuelle largement à la hauteur du titre
  • Une progression jouissive au possible
  • Un remake qui ne se fiche pas de vous
  • Mention spéciale à Shodan dont chaque intervention est à vous glacer le sang
Les Moins
  • Une interface – carte – qui manque de lisibilité
Résultat

Ce qui fait la force de System Shock Remake, c'est d'être toujours valable de nos jours. Et c'est énervant d'être toujours aussi bon 30 ans plus tard. La force de son gameplay novateur pour l'époque est un cocon amplement suffisant pour un remake. Classique du genre et viscéralement fascinant, il est temps de foncer. Et il ne reste qu'une chose à dire : à quand un System Shock 2 Remake ?

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