Test | The Last Of Us Part I
16 oct. 2022

En panne d'ambition

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The Last Of Us Part I

C'est nouveau, ça vient de sortir : après le remake, le remaster, la Director's Cut ou encore l'édition Gold, voici le remaster du remaster. The Last Of Us Part I est la deuxième reprise du jeu mythique de la PS3, après la version Remastered sortie sur PS4 en 2014. Un jeu qui aura connu trois consoles donc. Et dont le prix conseillé de 80 € divise déjà les fans.

L'histoire

Il fait nuit, le téléphone sonne, un voisin fou fracasse la porte fenêtre du salon et se prend une balle dans la tête. Si vous pensez que l'intro est glauque, attendez la suite : The Last Of Us Part I ne fait pas dans la dentelle et aborde des thèmes aussi graves que la maladie, le deuil, l'égoïsme ou encore le désespoir.

Difficile d'en dire plus sans déflorer quelques rebondissements clefs – retenez juste que ce jeu d'action et d'infiltration a de très très grosses ambitions cinématographiques, au point de vous émouvoir par les réactions incroyablement humaines de ses protagonistes, par leurs faiblesses, leurs peurs... et leur progression émotionnelle tout au fil de l'aventure. Il faut voir Ellie se mettre en colère et frapper puis insulter un adulte après avoir été menottée. Sans parler de Joël, un des héros les plus torturés de l'histoire du jeu vidéo. Si le film ou la série TV qui vous a le plus bouleversé dans votre vie était un jeu, ce serait The Last Of Us Part I.
Vous incarnez Joël, un monstre de complexes et de complexité

Le principe

Visez la tête pour ne pas manger des champignons frelatés.

Ce remaster The Last Of Us Part I fait beaucoup penser à Resident Evil 2 Remake. La réalisation est sublime, le travail accompli sur les modélisations et les (nombreuses) cinématiques bluffant. L'ambiance est incroyablement prenante. La tension palpable. Les mouvements un peu trop lents, les animations un peu trop détaillées. Le réticule de visée qui met une seconde de trop à se stabiliser. La recharge qui dure juste assez longtemps pour vous faire paniquer face à un zombie rapide... tout est millimétré pour vous rappeler vos pires cauchemars, pour vous donner l'impression d'évoluer au ralenti dans un monde incroyablement dangereux. Ce gameplay était déjà excellent en 2013. Bonne nouvelle, il l'est resté.
L'impression d'évoluer au ralenti en plein cauchemar

Le remake

Comme dans Resident Evil 2 Remake, le réticule de visée met du temps à se rétrécir. Stressant.

Les ressources sont rares. Il faut crafter armes, soins, couteaux artisanaux, cocktails incendiaires. Cette recette est sublimée par la réalisation, les graphismes et le positionnement 3D du son. Et par la DualSense : ressentir la pluie sur sa manette, les résistances des gâchettes, manier l'arc et les nombreuses armes est un régal.

Était-ce nécessaire pour autant ? Le jeu lui n'a pas changé. Même si neuf ans ont passé, les niveaux couloirs n'ont pas été retravaillés – avec des placements d'ennemis parfois absurdes, comme ces trois gardes de dos qui offrent presque un didacticiel sur les éliminations silencieuses. C'est d'autant plus dommage que sa suite, The Last Of Us Part II, propose des arènes avec beaucoup de relief et de liberté dans l'approche des combats. Là, non seulement les niveaux sont restés étroits mais ils sont archi connus.

La scénarisation extrême ravive les souvenirs enfouis. Vous allez vous rappeler immédiatement de ce Clicker juste en voyant l'abri de jardin d'où il caquette discrètement – piège dans lequel vous aviez foncé tête baissé des années plus tôt. Les surprises n'en sont plus. Le dirigisme des niveaux taillés pour la faible mémoire de la PS3, les phases de marche forcée avec des dialogues pour masquer les temps de chargement, la courte échelle ou les rideaux de fer à soulever, font figure de reliques à l'heure du SSD.
La courte échelle, les rideaux de fer à soulever masquent les anciens temps de chargement de la PS3

Pour qui ?

Si vous y aviez déjà joué, vous allez immédiatement vous souvenir des niveaux et des scripts.

Seuls ceux qui n'ont jamais essayé cet épisode mythique devraient l'acheter à sa sortie. Si vous l'avez déjà fait sur PS3 ou sur PS4, le jeu vous sera immédiatement familier. Les stratégies à adopter pour éliminer ou contourner un groupe de Clickers vous reviendront immédiatement en mémoire, ainsi que les erreurs que vous aviez faites dans l'ordre d'exécution d'un groupe de soldats par exemple. L'émotion reste, surtout grâce aux dialogues adultes et à l'incroyable maîtrise du studio en matière d'animations faciales. La surprise elle, est fanée.

Au prix conseillé de 80 €, et même avec le prologue Left Behind, mieux vaut passer son chemin. La réalisation digne de sa suite PS5, les rares bonus à débloquer comme les modèles 3D ou les deux making of ne méritent pas ce prix. Sans compter qu'il finira tôt ou tard dans un des forfaits PlayStation Plus et dans des soldes, si vous êtes patient.
Trop de scripts : une fois fini sur PS3 ou PS4, l'effet de surprise est passé

L'anecdote

Les bonus ne sont pas assez nombreux pour justifier à eux seuls l'achat.

La vraie question qui se pose, c'est pourquoi diable avoir fait un second remake. Pourquoi avoir consacré les ressources d'un studio aussi prestigieux, aussi peu prolifique, à un jeu vu et revu, joué et rejoué. Au lieu de proposer quelque chose de nouveau. Une extension à sa suite par exemple. Ou encore un standalone sur un personnage tiers... Mieux : un nouveau titre, dans un autre univers – une vraie prise de risque, avec le talent du studio à raconter des histoires émouvantes et à écrire des scènes anthologiques. À croire que le virus qui a envahi le jeu et le monde réel a paralysé le studio, l'enfermant dans un passé certes glorieux mais rabâché. Cher Naughty Dog, il est grand temps de tourner la page. Et d'en écrire une nouvelle.
Pourquoi avoir fait un second remake plutôt qu'un nouveau jeu ?
Les Plus
  • L'émotion toujours présente
  • Un gameplay solide
  • Excellente utilisation de la DualSense
Les Moins
  • Des niveaux étroits très PS3, surtout si vous venez de faire The Last Of Us Part II
  • Peu de nouveautés et de bonus : artworks, modèles 3D, making of...
  • Deux remasters, ça commence à faire beaucoup
Résultat

Voilà un excellent jeu parfaitement dispensable. C'est une masterclass : la narration, la réalisation, le gameplay nous rappellent que la PS3 avait en son temps servi d'écrin à un joyau, du genre qui marque une génération et une console au fer rouge. Dispensable malgré tout car après un premier remaster sorti sur PS4, cette seconde version n'apporte pas suffisamment. Les graphismes sublimes et les quelques bonus à acheter dans un menu dédié cachent mal l'âge vénérable du level design très fermé, avec ses couloirs remplis de scripts et de cinématiques déjà vus. Si vous n'aviez encore jamais fait le jeu, foncez. Sinon, passez votre chemin. Dans les deux cas, priez pour que ce studio légendaire ne mette pas dix ans à nous sortir un vrai nouveau jeu.

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