Test | GRID : Ultimate Edition
12 janv. 2020

Season Pass, Saison 1 : la revanche ?

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GRID

GRID sort sa première saison du garage en ajoutant un circuit (Paris), 30 épreuves, 3 Showdowns et 4 voitures. De quoi redorer le blason d'un jeu qui s'était pris quelques murs de mauvaises notes à sa sortie en octobre 2019. Joueurs et journalistes lui reprochaient trop peu de circuits, trop peu de voitures, un mode Carrière anémique, bref, une radinerie qui contrastait avec son prix de lancement : 60 € pour la version de base, 90 € pour l'Ultimate Edition avec son Season Pass. Sans parler de la compétition féroce sur le créneau des jeux de course arcade. Entre l'arrivée bienvenue de cette première saison et les soldes, il est temps de soulever à nouveau le capot pour un contrôle technique.

L'histoire

Commençons par inspecter la carrosserie. Les nombreuses éraflures laissées par Metacritic et Reddit sont toujours là : oui, la Carrière est un tableau Excel à remplir case par case, sans histoire, sans habillage ni rivalités à la F1 2019 du même développeur. Oui, il n'y a que 14 circuits, avec entre 4 et 8 variantes (sections qui changent, circuit inversé). Oui, on compte désormais 76 voitures contre 330 actuellement dans Gran Turismo Sport. Oui, même sur PS4 Pro, GRID saccade toujours dans les premiers virages, notamment en vue externe, quand 15 voitures s'encastrent les unes dans les autres sous vos phares éblouis. Mais, mais, mais... Est-ce que vous avez vu le film Le Mans 66 de James Mangold ? Celui où Christian Bales / Ken Miles se moque de la dernière Ford pour papa avec sa carrosserie rutilante et son moteur pourri ? Lui qui défonce le coffre de son bolide au marteau pour l'homologuer avant le début d'une épreuve, sous les yeux médusés d'un commissaire de course et de Matt Damon / Carroll Shelby ? Parce que 330 voitures, c'est bien, ça fait beau sur les pages Wikipedia et Gran Turismo Fandom de papa, mais si c'est pour user ses essieux avec des pots de yaourt et des permis sans fin, non merci.

Il y a très peu de déchet dans le garage de GRID, entre la Chevrolet Corvette C7.R, la Dodge SR TViper GTS-R, la Ferrari F430 Challenge, la Porsche 911 RSR ou encore la Renault R26 F1. Il y a surtout beaucoup de variété grâce à 5 disciplines, du barbant Stock qui vous impose l'infâme Dumont Type 37 sur 4 de ses 8 premières courses, au génial Invitational avec ses voitures historiques (voir encadré "L'anecdote" ci-dessous), en passant par les GT nerveuses ou les épreuves Fernando Alonso. Vous pouvez faire n'importe quelle discipline en toute liberté, ignorer superbement une catégorie d'épreuves et de voitures que vous n'aimez pas pour vous concentrer sur une autre. Alors certes, ce n'est pas aussi joli que du Philippe Starck, mais ça fait le job. Le Season Pass inclus dans cette Ultimate Edition ajoute progressivement 99 épreuves de Carrière supplémentaires sur 6 mois (33 par saison), plus 12 nouvelles voitures (4 par saison : la MINI Hatch JCW, la Lancia Delta HF Integrale Super Hatch, la Renault Clio S1600 et l'Audi S1 quattro Concept ici). C'est encore un peu chiche par rapport à la concurrence mais les voitures choisies sont très complémentaires, superbement modélisées, avec des vues cockpit individuelles très détaillées. Cerise sur le capot : ceux qui lui reprochaient son avarice seront ravis d'apprendre que le nouveau circuit, Paris, est offert aux possesseurs du jeu de base. Classe.

Le principe

L'IA provoque parfois des accidents. Réagissez au quart de tour pour éviter l'impact.

GRID est un pur jeu d'arcade qui bouffe du bitume et le recrache au pare-brise de la concurrence. L'adhérence, le grip, est fabuleuse, les reprises de vitesse grisantes – terminez un dérapage qui fait gémir les pneus et vous verrez votre bolide bondir comme un fauve de sa cage. Tout le monde n'est pas fan de ce gameplay barbare, notamment sur les circuits urbains (Bacelone, la Havane, Paris, San Francisco et Shanghai). Ni de ces jeux subtils de caméra qui accentuent les freinages, accélérations et dérapages. Ni de ces vibrations exagérées de la DualShock 4 qui marquent les changements de revêtement, entre asphalte voluptueux ou pavés vulgaires – c'est arcade, très arcade, avec un focus sur le spectaculaire, le caricatural, au détriment du réalisme. Le tout à 60 fps sur PS4 Pro et Xbox One X, passés les premiers virages donc – là où un Need for Speed Heat ronronne à 30 fps comme un chat pendant la sieste. Manette en main, on sent la différence : GRID a une énergie incroyable, une agressivité Codemasters qui rappelle la conduite nerveuse d'un DiRT Rally 2.0 ou d'un F1 2019.

Repasser sur Need for Speed Heat ensuite donne l'impression que le jeu d'EA rame et que ses voitures flottent au lieu de rebondir sur les nids de poule. Sans oublier le son incroyable des moteurs de GRID. Pour peu que vous ayez une installation 5.1 de nanti, vos oreilles vont saigner de bonheur. Un concurrent vous rentre dans la portière ? Votre enceinte arrière va craquer comme si un coup de hache l'avait fendue en deux. Vous ordonnez à votre coéquipier d'attaquer en pleine course, avec la croix directionnelle ? La voie centrale va confirmer votre ordre. Et ces bruitages : en vues internes (plein écran, capot, juste devant ou derrière le volant), les rugissements des moteurs dans les enceintes arrière donnent des frissons d'horreur. Le tout contribue énormément au plaisir de jeu, manette en main, au point qu'on en oublie totalement l'absence de musique en course.
GRID a une énergie incroyable, la griffe Codemasters

Le gameplay

À Paris, manette en main, on sent parfaitement les différences entre pavés et asphalte.

Alors oui, c'est de l'arcade. Oui c'est débile, avec ces trajectoires de bâtard où on s'encastre violemment dans les portières des concurrents pour négocier un virage à 200 km/h. Oui, on rebondit parfois sur les murs comme une boule de flipper, sans perdre trop de vitesse ou de points d'expérience gagnés en dérapant à la Project Gotham Racing 4. Et non, la saison 1 ne corrige pas la gestion ridicule des dégâts. Même poussés au maximum dans les options ils sont surtout cosmétiques, avec des déformations de carrosserie et des capots qui s'envolent. Il faut s'encastrer plusieurs fois à pleine vitesse dans les murs pour abîmer la direction et lutter enfin, et seule une collision frontale à 250+ km/h casse le moteur. C'est que nous ne sommes pas entre gens bien élevés qui écoutent de la musique jazzy dans leurs menus Gran Turismo Sport / Philippe Starck ultra léchés, avant de s'excuser en course à la moindre touchette. GRID est un jeu violent qui hurle et finit en tôles froissées. Comme l'illustre la grande particularité du jeu, le système de Nemesis, d'ennemi juré : tapez un concurrent trop fort ou trop souvent et il va s'énerver, multipliant coups de boutoir et appels de phares à vous rendre épileptique. Vous allez parfois finir en tête-à-queue lors de vos duels contre vos Nemesis, ou en glaçon dans un shaker façon auto-tamponneuses. C'est fun, mais c'est bancal : si un ennemi juré dans le peloton de tête peut vous mener la vie dure – les Nemesis gagnant en agressivité mais surtout en vitesse de pointe – un rival énervé en queue de peloton ne vous rattrapera jamais.

Dommage que le système Nemesis n'aille pas plus loin avec cette première saison, les ennemis jurés ne le restant pas d'une course à l'autre. Dommage aussi que la saison 1 n'améliore pas votre co-équipier inutile, dont l'embauche est toujours planquée dans les sous-menus Profil > Ecurie. Il vit sa petite vie médiocre sur le circuit et finit en général là où il a commencé : dernier ou avant-dernier. On est très loin des enjeux d'équipe évoqués dès les premiers tours de F1 2019, avec les choix cartésiens de son mode Carrière : laisser passer son coéquipier pour que l'écurie commune gagne aux points, ou se battre sans tenir compte des instructions. Dans GRID, il faut finir la Carrière de base pour débloquer Nathan McKane dont les scores de loyauté, de compétence, d'attaque et de défense sont au maximum ; ça ne lui garantit toujours pas de finir sur le podium, mais au moins ça vous donne une chance de gratter quelques crédits et points supplémentaires en le poussant à attaquer. Heureusement que l'ajout de Paris relève le niveau avec 6 variations de tracés réussies (pont de l'Alma, quais de Seine, avenue de New York...), des monuments emblématiques bien modélisés (Tour Eiffel, Arc de Triomphe, Trocadéro), des pavés qui secouent la DualShock 4 et comme toujours des conditions climatiques sublimées. Le coucher de soleil, la pluie, l'ambiance 14 juillet avec feux d'artifices… Avec cette première saison, 11 des 15 nouvelles épreuves Street se jouent à Paris sur des sessions plus coutes (moins de 3 courses par épreuve en général). Le sentiment d'usure de circuits faits et refaits s'estompe, ce grind qui plombe toujours la Carrière du jeu de base ; la Carrière saison 1 est bien meilleure pour se vider la tête rapidement après une dure journée.
Paris dynamise la Carrière de la saison 1

Le multi

Le Season Pass n'améliore pas du tout le multi, qui en avait pourtant bien besoin.

La Carrière Saison 1 avec son onglet dédié profite clairement de ces épreuves plus resserrées et de son nouveau circuit. Mais si un pan du jeu mérite une révision technique complète avec ce season pass, c'est bien le multijoueur. C'est toujours le mode sacrifié de GRID, avec son choix entre Match Rapide et Match Privé. En Match Privé vous pouvez créer des épreuves avec plusieurs courses, mais seulement pour vos amis en ligne : pas de multi local, pas d'écran splitté, pas de création sur mesure de parties publiques. Une hérésie. En Match Rapide, après matchmaking automatique, il faut attendre la fin d'un décompte de plus d'une minute pour enfin charger un circuit et sa cinématique de grille impossible à zapper. Dans le lobby, l'attente des autres joueurs se fait sur un faux circuit vide et gris qui ressemble aux limbes, ou à Rouen. Pas de vote pour une catégorie de voiture ou pour un circuit pendant que vous vous tournez les jantes, pas d'épreuves de plusieurs courses successives comme dans la Carrière solo : les Matchs soi-disant Rapides ne proposent qu'une seule course à chaque fois, entrecoupées de décomptes pénibles, de cinématiques vues et revues et de temps de chargements. Il faut parfois enchaîner cinq courses avec des IA et un ou deux forçats pour attirer poussivement d'autres joueurs humains dans le lobby (9 maximum sur 15 pendant nos tests multi, même le week-end). Bref, vous passez plus de temps à attendre qu'à jouer, ruinant l'ADN du jeu : des courses qu'on enchaîne rapidement, des sessions rapides et défoulantes après les embouteillages de la vraie vie. Jusqu'au compacteur final : un circuit ovale de Nascar forcé qui pousse les rares humains présents à se déconnecter. Misère.
Le multi reste inutile avec la saison 1

Pour qui ?

Le mode Carrière au format Excel. Au moins vous pouvez choisir les épreuves et en zapper.

Nous sommes en 2020, et il est presque impossible d'échapper aux jeux de course open world. Oubliées la simplicité et la spontanéité des menus dépouillés de Burnout Revenge. Ignoré le gamer pressé qui cherche des parties immédiates, des shots d'adrénaline instantanés. En 2020, impossible de jouer à un jeu de course sans traverser des open worlds génériques où on cherche désespéramment la prochaine course après 10 minutes d'errance sur une carte trop grande – coucou The Crew 2, Forza Horizon 4 & co. Si vous aussi vous en avez marre des open worlds insipides, que vous voulez du circuit, des pneus qui crient, des tôles qui se froissent et des moteurs qui hurlent sur commande, venez, installez-vous, GRID est fait pour vous.

Certes, les nostalgiques regretteront sans doute le bon vieux Race Driver : GRID de 2008, bien que GRID 2019 reprenne certains tracés à l'identique (à San Francisco par exemple). Voire même pour les grabataires, le mythique TOCA Race Driver 2 de 2004 avec ses transferts de masse fabuleux – mais on est en 2020, et GRID est ce qui nous arrive de mieux en arcade et sur circuits depuis le généreux Forza Motorsport 7 de 2017. Alors ne faisons pas trop la fine bouche en période de disette. Et si vraiment l'habillage est important, si vous aimez la F1 arcade et les modes Carrière scénarisés alternant trahisons et altercations, essayez F1 2019 – la vraie grande réussite de Codemasters.
Vous en avez marre des open worlds insipides ?

L'anecdote

La Ferrari 330 P4 est un régal à piloter. Les duels avec la Ford GT40 donnent des frissons.

Dans le film Le Mans 66 de James Mangold, Remo Girone / Enzo Ferrari affronte Matt Damon / Carroll Shelby par bolides interposés. Surprise, GRID vous permet de revivre ces années folles dans la Carrière du jeu de base, au volant de la Ferrari 330 P4. C'est le modèle qui a gagné les 24 Heures de Daytona en 1967, le triplé Ferrari légendaire qui a remis les compteurs italiens à l'heure face à la formidable Ford GT40 américaine. Très proche de la 330 P3, la Ferrari 330 P4 était équipée d'un moteur V12 révisé par Franco Rocchi, avec une nouvelle tête de cylindre à trois soupapes, deux d'admission et une d'échappement. Que les fans de Ford et de Shelby se rassurent, la GT40 est elle aussi jouable dans la section Carrière Invitational, avec d'autres bijoux vintage de nombreux constructeurs (Porsche à la Havane par exemple). Dommage que les circuits de Daytona et de la Sarthe (Le Mans) ne soient pas disponibles pour parfaire l'illusion : il faut se contenter d'Indianapolis aux US. Dommage surtout que la saison 1 n'étoffe pas la Carrière Invitational.
Revivez le duel Ford vs Ferrari des années 60
Les Plus
  • Adhérence, vitesse, baston : un jeu arcade brutal
  • L'intelligence artificielle qui tente des dépassements, fait des fautes, s'énerve (Nemesis)
  • 60 fps, graphismes PS4 Pro et Xbox One X, spatialisation sonore et bruitages
  • Nouveau circuit gratuit, nouvelles épreuves plus courtes
Les Moins
  • La saison 1 ne corrige ni le multi bâclé, ni le coéquipier inutile
  • Toujours pas d'habillage Carrière, ni de scénarisation à la F1 2019
  • Toujours pas de pièces détachées pour améliorer ses voitures
  • Des saccades dans les premiers virages, y compris sur PS4 Pro
Résultat

Avec cette première saison, GRID ne roule toujours pas dans la même ligue que ses concurrents. Comme disent les anglais, c'est more of the same, « plus du même » : plus d'épreuves, mais sans rustines sur les défauts originels (multi et coéquipier débile en tête). Ce titre brut de décoffrage est comme la clef à molette rageuse du british Ken Miles dans Le Mans 66, celle qui va se planter dans le pare-brise immaculé d'une simulation pointue comme Assetto Corsa : GRID est un jeu brutal au talent indéniable et au caractère de cochon, qui poursuit sur sa lancée arcade apocalyptique. Mais si vous avez déjà un Gran Turismo Sport ou un Forza Horizon 4 au placard et que vous cherchez un second jeu de course bas du front, GRID est mille fois meilleur que le roi fainéant Need for Speed Heat. Et mérite clairement la médaille d'argent dans votre ludothèque.

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