Test | Ghost of a Tale
21 janv. 2019

Souris, sot ! Ce conte est beau !

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Ghost of a Tale
  • Éditeur Microsoft
  • Développeur SeithCG
  • Sortie initiale 13 mars 2018
  • Genres Action, Aventure

Passé par IndieGogo, le succès n'avait pas été total. Pourtant, le raffinement de Ghost of a Tale avait séduit les responsables de la plateforme de financement participatif. Après cinq ans de développement, SeithGG, Louis Gallat de son vrai nom, présente un action-RPG, un conte et une baffe graphique en un seul et même projet. Vous l'aurez compris, Ghost of a Tale ne laisse pas indifférent.

L'histoire

Il était une fois une souris enfermée dans une cellule de prison. À son réveil, une question la taraude : "Merra, Merra où es-tu ?". Merra, c'est sa femme. Le prénom de ce mari inquiet ? Tilo. Vous incarnerez ce personnage à l'allure frêle tout au long de cette aventure vidéoludique. Celle-ci débute quand la souris ménestrel trouve dans son pain la clé de sa cellule et un message. Une invitation à s'enfuir. Cette prison et ses alentours regorgent de mystères. Il lui faudra non seulement tenter de sauver sa femme, mais aussi aider les autres prisonniers, son mystérieux sauveur, duper ses geôliers et faire face à une menace bien plus grande encore.

Dans cet univers fantasy, la petite créature devra se faufiler entre les imposants gardes rats qui n'hésiteront pas à l'embrocher si elle entre dans leur champ de vision. Lors de son périple, Tilo fera la rencontre de nombreux personnages avec qui vous pourrez dialoguer. De cette manière, vous en apprenez davantage sur le caractère des animaux vivant autour de la prison : le forgeron, la grenouille pirate, deux souris chapardeuses, un alchimiste, etc. Tous ces éléments font du jeu un véritable conte.

Ainsi, vous découvrez le Lore ciselé de Ghost of a Tale. À travers une trame classique, les cinq développeurs ont réussi à créer une mythologie propre en jonglant avec les codes de la fantasy et ceux des films Disney. L'influence de Taram et le chaudron magique, de Bernard et Bianca ou encore de Robin des Bois se font sentir. Cela paraît tout à fait naturel quand vous apprenez que Lionel Gallat, l'instigateur du projet et l'unique développeur pendant 4 ans, fut pendant 15 ans animateur et directeur des animations sur de nombreux longs métrages chez Dreamworks et Illuminations. Sur La route d'El Dorado, Spirit, Sinbad, Gang de Requins ou plus récemment Moi, Moche et Méchant, Lionel travaillait pour Universal, l'écurie adverse de Disney.

Il suffit de lancer Ghost of a Tale pour que ces influences et ce passif sautent aux yeux. L'ancien directeur des animations réussit avec son budget serré à proposer une esthétique léchée, sublimée par des graphismes dignes des triples andouilles AAA commercialisées la même année. Clairement, SeithGG (le pseudo de Lionel et le nom de son studio) a réussi à porter son titre au même niveau qu'Assassin's Creed Origins ou encore Monster Hunter World... en utilisant le moteur Unity. Les animations du même acabit renforcent l'attachement à l'univers. Les différents animaux prennent vie devant nos yeux et leur caractère transpire par leurs mouvements, leurs mimiques, leur manière de se tenir ou de réagir.
Il est fort ce Gallat

Le principe

Silas, un des seuls rats qui vous aident lors de votre aventure.

Heureusement, Ghost of a Tale ne flatte pas seulement la rétine. Les mécaniques de progression et le gameplay sont les liants de ce conte accrocheur. Le titre s'inscrit à bien des égards dans la droite lignée des jeux d'infiltration saupoudrés d'aventure. En toute logique, Tilo ne combat pas, il se faufile. Au mieux, il jette des bouteilles et des bouts de bois à la tête de ses adversaires.

Pendant la première partie du jeu, vous allez passer votre temps à vous cacher. Si vous ne le faites pas, les gardes auront tôt fait de vous abattre à coup de hallebardes. Vous pouvez courir, mais la barre d'endurance du personnage est fonction de sa barre de vie. Un coup et vous voilà moins endurant. Pour éviter cela, le level design sera votre meilleur allié.

Dans pratiquement tous les environnements, vous trouvez des coffres, des jarres, des armoires et d'autres types de récipients qui permettent à Tilo de se dissimuler à la vue des gardes. C'est l'un des moyens de se prémunir de la menace perpétuelle qui pèse sur le personnage principal. Ces contenants permettent également de sauvegarder à la volée par simple pression sur le joystick droit. Cette mécanique tout droit inspirée du dernier Thief concocté par Eidos Montréal facilite les déplacements dans un environnement à la topographie complexe.

Marcher doucement ou se cacher dans un placard n'est pas le seul moyen d'éviter l'attention des gardes. Outre le fait qu'ils ne soient pas bien intelligents, Tilo peut aussi se déguiser pour les tromper. En fouillant les environnements et en remplissant des quêtes, le ménestrel accède à de nombreux costumes. Une fois équipés depuis l'inventaire, ces oripeaux confèrent une capacité spéciale au ménestrel. L'un d'entre eux est incontournable : le déguisement de garde. Bien que Tilo fasse trois têtes de moins que les imposants soldats, l'armure que lui confectionne le forgeron lui permet de marcher à la vue de tous. Il prend alors le nom de Gabare et est censé répondre aux ordres du commandant. En contrepartie, l'armure affecte considérablement les déplacements. Même ralenti, vous aurez tendance à abuser de cet équipement. Cela coupe court au jeu du chat et de la souris (ou plutôt du rat et de la souris) et facilite la complétion des quêtes. En revanche, le rythme du jeu en pâtit. En effet, Ghost of a Tale n'hésite pas à vous faire revisiter à de nombreuses reprises ses environnements – bluffant de beauté au passage – pour terminer chaque mission.

Tour à tour, vous passez d'une prison à sa cour, puis à un donjon, à une forêt, un port et une plage. Il ne faut pas oublier tous les "sas", les passages d'un environnement à un autre : ascenseur, passage secret, porte, etc. Bien que faisant partie intégrante du titre, ces allers-retours sont parfois source d'agacement. La caméra la plupart du temps peu éloignée du personnage ne facilite pas un apprentissage rapide des meilleurs chemins. Les cartes des lieux à débusquer ou à acheter auprès du forgeron ne sont pas assez précises et vous vous retrouvez rapidement à compter sur vos capacités de recherche. Par ailleurs, les quêtes indiquent rarement l'endroit précis où il faut se rendre.

Il faut alors avoir soif de découverte. Le fait de fouiller, de chercher est souvent très bien récompensé. Que ce soit un passage secret, un objet de quête, de la nourriture pour se soigner ou un personnage, le jeu aura tôt fait de vous insinuer qu'une ou deux heures d'errance en vaut la chandelle.
Dans les pas de Garrett et de Code 47

Pour qui ?

Oh un gros rat tout pas beau. Il vaut mieux l'éviter.

Malheureusement, cette générosité pour les fouineurs n'est pas synonyme de liberté. L'imbrication des quêtes au sein du level design oblige de les accomplir dans un ordre précis. Certes, cela confère à Ghost of a Tale une patine similaire aux jeux d'aventure des années 1990 – début des années 2000 –, mais elle peut facilement générer de la frustration. Surtout parce que dans ce titre, le chemin n'est pas le plus important. Ce qui compte, ce sont les rencontres et les trouvailles. Les personnages et certains objets en disent plus sur Tilo que le ménestrel lui-même. Cet agacement, vous le balayez d'un revers de la main en découvrant petit à petit la finesse de cette histoire simple, mais profondément humaine. Amis explorateurs, amateurs d'Heroic Fantasy, nous ne pouvons que vous conseiller ce jeu qui, selon notre cœur, prend la place de l'Atome Nucléaire de l'année 2018.
Les fouineurs sages

L'anecdote

Que serait un ménestrel sans ses chansons ?

Une si petite équipe n'a pas pu rendre une copie parfaite. À sa sortie en mars, Ghost of a Tale regorgeait de bugs dont le plus gênant d'entre tous porte le nom évocateur de "corruption de sauvegarde". Quand nous avons terminé le jeu à la fin du mois de juin, un glitch intervenant quand l'on porte un objet nous a donné du fil à retordre. Il nous a fallu réessayer la mission finale en boucle en faisant attention à ne pas provoquer ce bug. Heureusement, Lionel Gallat a depuis réussi à corriger la plupart des problèmes et s'est même permis d'améliorer des textures déjà magnifiques en s'inspirant notamment de God of War. Ces problèmes techniques pour la plupart corrigés n'entachent en rien le sentiment d'avoir terminé un grand jeu où l'on incarne une petite souris.
Bug, je ne t'en veux point
Les Plus
  • Des graphismes et une DA splendides
  • Un gameplay simple, mais plein de subtilités
  • Un univers digne d'un conte
  • Un level design maîtrisé
Les Moins
  • Un déroulement un poil trop linéaire
  • Des allers-retours pénibles
  • Des bugs
Résultat

Attendu de longue date, Ghost of a Tale était un songe. Une chimère évanescente qui avait su se faire un nom sur IndieGogo avec tout ce que cela peut sous-tendre en matière de risque. Pourtant, l'homme derrière ce projet a su tenir à flot sa barque pendant cinq ans et proposer l'un des plus beaux titres de l'année 2018 sur PC. Ce jeu n'est pas simplement beau, il fourmille d'envies de gameplay. Sans cesse, il bifurque entre RPG et infiltration tout en vous immergeant au plus profond de son univers. Surtout, un soin tout particulier a été porté à l'écriture des personnages. Si la trame de l'aventure n'est pas des plus originales, l'attention aux détails, la manière de réserver les effets, et la finesse des dialogues font de Ghost of a Tale un véritable conte vidéoludique.

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