Test | Observer
28 nov. 2017

Un futur salement possible

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Observer
  • Éditeur Aspyr
  • Développeur Bloober Team
  • Sortie initiale 15 août 2017
  • Genres Réflexion, Survival

Quand vous prenez le pire de ce qu'un futur technologique un peu sale nous réserve, couplé à une enquête policière dans un huis clos, vous obtenez un chef d'œuvre comme on en voit peu. Observer rebat les cartes du genre, tout en s'appuyant sur des références bien connues des joueurs, en faisant un probable héritier non officiel de Blade Runner. Allumez vos implants, prenez une grande inspiration et plongez dans un univers glitché salement probable.

L'histoire

Après une grande guerre technologique, vous faites partie d'un monde qui se reconstruit sur ses cendres numériques. Recyclage d'objets anciens hackés et développement des implants neuronaux cohabitent, dans cette Cracovie de 2084. Vous êtes Dan Lazarski, un inspecteur de police qui a le statut particulier de brancher un câble directement dans les esprits des concitoyens pour enquêter : un Observer. Et ça, ça fait flipper les gens, car plus aucun secret, plus aucun souvenir ne leur appartient vraiment. Mais dans ce monde où l'être humain de base a quasiment disparu, chacun s'évade comme il peut dans des mondes virtuels, enfermé dans son appartement crasseux.

C'est dans une de ces cités que Dan est appelé pour enquêter sur un meurtre, qui serait celui de son propre fils dont il a perdu le contact il y a plusieurs années... Mais après une première étude de la scène de crime en réalité augmentée, Dan découvre qu'il s'agit d'une mise en scène qui cache un plus grand mystère ; une sorte de "mangeur de rêves" hante les lieux, verrouillés suite à la découverte du corps. Vous explorez ainsi les étages, interrogez les voisins et entrez peu à peu dans les trafics et complots de ce ghetto, jusqu'à parfois perdre le fil entre réalité et rêve éveillé...
Le fils illégitime de Blade Runner et Brazil

Le principe

Votre lentille augmentée permet d'identifier des indices, mais n'abusez pas trop de vos implants

Votre enquête vous pousse à interroger des vivants, bien sûr, mais votre système de connexion vous permet également de vous brancher directement à des cerveaux tout juste refroidis. En plongeant dans les restes de leur esprit, vous soulevez leurs peurs les plus atroces et revivez leurs derniers instants, généralement réinterprétés par le cerveau décédé. Observer mixe ainsi des séquences classiques d'enquête et de progression à travers l'immeuble verrouillé, avec des passages plus abstraits d'exploration de l'esprit connecté. Durant ces phases particulières de jeu, oubliez vos repères et plongez la tête la première dans l'esprit traumatisé auquel vous êtes connecté. Parfois dérangeantes, ces séquences parviennent à vous placer dans la peau du personnage "interrogé" en vous impreignant de ses angoisses. À la suite de ces plongées, Dan doit souvent se recentrer sur qui il est vraiment, tant le transfert de personnalité peut être fort.

Les explorations plus classiques vous placent dans un jeu policier assez évident : interrogation, recherche, analyse d'indices... Vos lentilles vous permettent de switcher entre un filtre numérique (tout objet électronique sera détecté et analysé) et un filtre organique (la même chose mais avec le sang, les cheveux, les traces au sol...). À utiliser avec parcimonie, Dan devant régulièrement s'injecter une drogue pour calmer les effets secondaires, à savoir du parasitage numérique à l'écran et une fatigue assez marquée. L'avancée dans le jeu reste relativement linéaire et les quelques enquêtes menées en parallèle se résolvent assez aisément si vous ne laissez rien trainer autour de vous.
Les enquêtes de l'inspecteur Harry

Pour qui ?

Dans ce futur sans Apple, la technologie s'appuie encore sur des objets épais, sales, complexes

Si vous avez grandi avec les décors de Blade Runner en tête, si vous vous interrogez sur l'avenir de l'homme augmenté, si vous pensez que l'Internet va un jour s'effondrer, si vous cherchez une enquête policière bien ficelée, si vous en avez marre des jeux aseptisés : arrêtez tout. Laissez tomber les blockbusters le temps de plonger dans la noirceur de Observer.

Alors que les dialogues avec les différents personnages vous donneront envie d'en savoir plus sur leurs histoires, certains se montreront carrément émouvants. Cette jeune femme que vous rencontrez, par exemple, est piégée dans un monde virtuel dont elle ne souhaite pas s'échapper, car elle peut ainsi laisser libre cours à la petite fille qui est restée en elle sans jamais réellement grandir. Votre rencontre avec elle se terminera par un choix à l'issue fatale : la couper de ce monde virtuel mais où elle finira par périr, ou la laisser terminer sa vie de manière heureuse. Le choix vous appartient entièrement et ne vous laissera pas indifférent.
Tout joueur qui se respecte doit faire Observer

L'ambiance

Le rapport observateur / observé est constant dans la trame du jeu

Les premiers instants dans Observer sont décisifs : au volant de votre vieille bagnole tout droit sortie d'un film SF des années 1980, vous saisissez que vous n'êtes pas dans un jeu où les graphistes ont travaillé sur un coin de PC. Non, les recherches ont été nombreuses et aucun détail n'est laissé au hasard. Un peu plus tard dans l'immeuble, vous tombez des nues devant les interphones, tous différents, faits de bazars recyclés à base de câbles, d'écrans, de claviers. Avec des incrustation d'images filmées, pour rendre le tout plus réel, plus déstabilisant.

L'ambiance générale qui mêle habilement des augmentations de réalité par-dessus le décor n'est volontairement pas parfaite. Ce monde est sale. Cette technologie a déraillé, dérapé, et c'est ce qui en reste qui a servi de base pour se reconstruire. Mais ce monde est usé. Observer ne vous parachute pas dans un univers SF idéal, il vous plonge dans un enfer technologique que vous ne voulez pas vivre au quotidien. Avec sa direction artistique au sommet, son datamoshing omniprésent mais justifié, son ambiance sonore plombante comme il faut, Observer est un petit bijou à lui tout seul.
La direction artistique : 👏😮💯

L'anecdote

Moi en slip quand je joue au PSVR

Observer fait super flipper. Enfin, non, ça n'est pas un survival horror dans lequel vous allez sursauter. Il met par contre son doigt sur quelque chose qui ne rassure pas du tout : l'évolution possible de la technologie dans cette direction. Avec l'accumulation d'objets, l'isolement total des individus, le mix réel / réalité augmentée / réalité rêvée qui abolit les frontières, l'absence de repères du fait de l'absence d'espoir, une société qui s'est effondrée et est à présent dirigée par des entreprises high tech (Mark Zuckerberg président ?).

Oui, tout ça fait flipper. C'est un futur probable. Et Bloober Team a super bien bossé sur ce plan car tout se tient. Certes, on n'est pas encore aux implants généralisés, ni à l'exploration neuronale via un petit câble à brancher dans le cerveau, mais les concepts de base de réalité augmentée prédominante, de classes de population et de corporation puissante font partie des éléments qui m'ont fait flipper.
Un futur que je ne veux pas vivre
Les Plus
  • La direction artistique de haut niveau : pfiou !
  • Les personnages et leurs histoires, habilement amenées
  • Le scénario global, ni simple ni abusivement complexe
  • Les détails technologiques omniprésents, jusque dans les interfaces ds objets
  • Même si l'aire de jeu n'est pas si grande, vous ne tournez pas en rond
  • Les plongées dans les esprits, des expériences à part entière
Les Moins
  • On n'aurait pas été contre quelques chapitres supplémentaires
Résultat

Réalisé par le studio de talent polonais Bloober Team, Observer est une claque à tous les niveaux. Une ambiance graphique et sonore qui vous plongent dans un futur technologique sombre, dans lequel vous démenez une enquête policière qui semble simple mais évolue progressivement vers une introspection aux frontières du réel. Pas de mécanique de jeu compliquée mais un état d'esprit global dont il sera difficile de décrocher. Chaque détail est tellement soigné que vous allez presque apprécier déambuler dans cet univers cyberpunk aux néons artificiels.

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