Dossier | Microïds Canada : Interview Exclusive
15 mai 2001

Rédigé par

A l'occasion de la sortie imminente de leur nouveau jeu d'aventure, Road to India, la toute jeune équipe de Microïds Canada s'est gentillement prêtée au jeu des questions-réponses.

Introduction

En attendant le test de Road to India, la nouvelle production made in Microïds qui vous entraînera dans une aventure exotique pleine de rebondissements (dixit le communiqué de presse), nous avons souhaité en savoir un peu plus sur l'équipe à l'origine de ce jeu. Fraîchement installée au Canada, cette joyeuse bande sort à peine d'une intense et courte période de développement (9 mois) et a furieusement envie de se changer un peu les idées. Mais, malheureusement, ce n'est pas notre quarantaine de questions qui va leur en donner l'occasion.
Analyse de leur cogitation artistique, de leurs préoccupations techniques, de leurs aspirations culturelles, des impératifs de production, des problèmes liés à la localisation, bref, absolument tout y est passé. Stéphane Brochu, le lead designer, Maxime Villandré, le lead artist, Marc-Antoine Lussier, le responsable de la programmation et Anny Paquin, la chef de projet, pas moins de quatre acteurs essentiels au développement d'un jeu vidéo pour assouvir votre curiosité en la matière.

Stéphane Brochu - Lead designer

Pour commencer, peux-tu nous présenter ton parcours en quelques mots ?

Pigiste pendant dix ans, travaillant surtout dans le domaine du jeu de rôle format papier. J'ai aussi beaucoup travaillé sur des sites Internet en tant que programmeur. Travaillé dans une boutique de jeu comme gérant pendant 5 ans, suivi de 2 ans en marketing/relation public/vente pour un éditeur de jeux (papier encore une fois). Écrit et édité un petit magazine littéraire. Fait des courts métrages avec des copains. Étudié en programmation et suivi des études en lettres. Passionné du jeu, du roman et des films depuis belle lurette. Un "background" typique quoi !

Sur quels autres jeux as-tu déjà travaillé ?

Dans le domaine du jeu vidéo, mon seul autre jeu est Fort Boyard Millénium, jeu qui a vraiment été une école pour moi. Dans le domaine du jeu de rôle, des suppléments pour Cyberpunk (Live and Direct) et Night Edge (Home Front, Blood Lust), et la co-création de l'univers de jeu de rôle Tribe 8. J'ai aussi fait des petits scénarios pour des magazines et pour des livres de règles tel que Heavy Gear.

Road to India possède un scénario très sympathique et plutôt original. Comment as-tu imaginé cette histoire ?

En passant trop de temps à regarder des films ! Sérieusement, l'histoire de Road to India a évolué avec le temps, en partant du concept initial ("Fais moi un jeu qui se passe en Inde contemporaine"). L'idée de l'enlèvement et des revirements était simplement histoire de rendre la trame de fond plus intéressante et de présenter la diversité de l'Inde. Une des choses qui m'a vraiment frappé quand nous avons commencé notre recherche sur l'Inde sont les contradictions : un pays vaste, mais avec des villes surpeuplées ; des villes modernes et très technologiques avec des conditions de vie du tournant du siècle, etc. Nous avons tenté d'exploiter ces différences et aussi d'utiliser les stéréotypes que M. et Mme ToutLeMonde ont.
Chez toi, comment se passe la cogitation artistique ? Qu'est-ce qui, par exemple, te décide à prendre tels endroits pour l'intrigue, tels styles de personnages, tels noms... ? Quelles sont tes sources d'inspirations, tes modèles ?

Le tout commence avec un thème, dans le cas de Road to India, un jeu d'aventure qui se passe en Inde contemporaine. Après vient la recherche, aussi bien factuelle qu'inventée. Bien entendu, beaucoup de films et de romans sont consommés, histoire de faire tourner les méninges... Les endroits, la plupart du temps, sont dictés par deux facteurs : les incontournables et les besoins du script. Je me vois mal faire un jeu sur l'Inde sans Taj Mahal, par exemple. L'histoire dicte aussi très fortement les environnements et les personnages. Tel un bon film, pas question d'avoir un perso qui n'a rien à faire avec l'intrigue ! Les noms des personnages sont basés sur leur signification en Indi, comme par exemple Anusha (la copine de Fred, le héros du jeu) signifie "ma bien-aimée".
Pour ce qui est de mes sources d'inspiration plus générales, je suis ce que l'on peut appeler un "médiavore". Et oui, les romans, bandes-dessinées, films, jeux de rôles et vidéos, j'en bouffe ! Sérieusement, j'adore lire et consommer de bonnes histoires, donc les idées viennent d'un peu partout.

D'où est venue cette idée de partager le jeu entre le rêve (qui évoque l'histoire de l'Inde et ses traditions) et la réalité (où se déroule la majeure partie de l'intrigue) ?

L'utilisation de la dualité rêve/réalité est venue de la réalisation que l'Inde est un pays de contraste, comme je l'ai déjà mentionné. Ce contraste s'illustre sur deux niveaux : le premier entre ce que l'utilisateur moyen s'attend à voir à l'écran et ce qu'est vraiment la réalité de l'Inde moderne ; et le deuxième entre les jeux d'aventure de l'école Myst et ce que je crois fermement ce qu'un jeu d'aventure devrait être, c'est-à-dire une histoire intéressante.
La dualité entre la réalité et l'Inde perçue était très intéressante. Si je demande à un passant à quoi il pense quand je lui mentionne l'Inde, il me mentionnera des éléphants, le Taj Mahal, les cordes magiques et tout les autres stéréotypes. Mais si on regarde vraiment l'Inde d'aujourd'hui, c'est différent ! Il n'y a pas d'éléphants dans la ville, le Taj Mahal est comme la Tour Eiffel, un grand monument vide, etc. Donc, je devais trouver une façon de relier ces deux facettes différentes de l'Inde, tout en restant cohérent. J'ai donc opté pour le rêve et la réalité, les faits et l'imaginaire.
En même temps, en utilisant une dualité, nous avons aussi été capables d'exploiter deux types de jeux d'aventure en même temps. Les puzzles moins logiques et plus difficiles sont dans les rêves, alors que les plus réalistes sont dans la réalité. J'aime beaucoup utiliser des techniques et structures de ce genre et j'espère être capable d'en faire d'autres du même type dans les prochains jeux d'aventure. Je crois que comme au cinéma ou en littérature, une structure un peu innovatrice peut apporter beaucoup à une histoire qui est un peu ordinaire.

Cette intrigue pourrait très bien être utilisée pour une adaptation cinématographique (dans le dossier de presse, le jeu est d'ailleurs présenté comme un grand film d'aventure interactif). Selon toi, est-ce justement ce qui fait la force d'un jeu d'aventure : posséder un lien étroit avec le cinéma grâce à son scénario plus travaillé que les autres types de jeu ?

Oui, et il est très important de garder ce lien. Le cinéma est ce qui se rapproche le plus du jeu d'aventure (oui, les jeux de rôle format papier sont encore plus proches, mais ils ne sont pas très bien connus du grand public) et il en tient à nous, les designers de jeux d'aventure d'en tirer avantage. Empruntons le langage du cinéma pour l'instant et inventons notre propre langage avec le temps.
Dans Road to India, le personnage principal ne peut pas mourir et l'intrigue ne peut se dérouler qu'après avoir effectué des actions précises. Cette linéarité va sans doute être un aspect du jeu que la presse ne manquera pas de critiquer. Comment voudrais-tu défendre ce choix ?

Il y a vraiment deux questions différentes dans ce que tu me demandes. Dans un premier temps, le joueur ne peut pas mourir. Oui, c'est un choix conscient et qui reflète deux choses : la tradition des jeux d'aventure et leur nature, et la volonté de s'éloigner des jeux d'action. Traditionnellement, les jeux d'aventure sont des jeux de réflexions plus que des jeux de réflexes. Donc, si le jeu n'est pas un jeu d'adresse, je ne vois pas l'intérêt de tuer le joueur si un mauvais choix est fait. Prends par exemple un jeu comme Phantasmagoria, qui tuait le joueur lorsque celui-ci prenait une mauvaise décision. C'était frustrant pour le joueur, et cela portait la plupart des joueurs à cesser de jouer. Mon instinct premier quand je fais un jeu de cette nature est de le réaliser de façon à ce que le joueur le voit au complet, pas seulement en partie.
Pour ce qui est de la linéarité du jeu, oui, c'est un choix conscient qui était basé sur notre manque d'expérience et du court délai de production. Je ne voulais pas nous lancer dans un jeu non-linéaire avec le peu d'expérience que nous avions, histoire de ne pas manquer notre coup. C'était beaucoup plus facile pour nous de garder les choses un peu plus linéaires. D'un autre côté, nous avons conçu l'histoire comme un film, donc nous avions besoin de la conter comme un film. Je travaille présentement sur un autre jeu et l'idée de faire quelque chose de non-linéaire me travaille beaucoup l'esprit.
Les jeux d'aventures sont de plus en plus boudés par le grand public. Comment expliques-tu ce phénomène ?

Ah oui ? Je sais qu'en Amérique la presse professionnelle se plait à dire que le genre est mort, mais ce n'est pas ce que je vois personnellement. Je crois vraiment que le joueur "hardcore" boude en effet le jeu d'aventure, mais cela fait peut-être état de ce qui est sur le marché dernièrement. Ils veulent un bon jeu, et ils se fichent un peu du style. Pour ce qui est du grand public, ils veulent vivre une expérience similaire à ce qu'ils vivent quand ils lisent un roman ou vont au cinéma. Dans le cas des bons jeux d'aventure, le grand public achète et joue toujours. Les mauvais jeux...

A ton avis, de quelle manière ce type de jeu doit-il évoluer pour retrouver l'affection des joueurs ?

Faire des jeux plus intelligents, qui sont plus axés sur l'histoire que sur les puzzles débiles... Présenter le joueur avec une expérience, pas avec une série de puzzles sans fondement. Il ne semble plus y avoir d'histoire dans les jeux ou s'il y en a une, elle n'est qu'une excuse au puzzle. Si je vois un autre coffre verrouillé par un puzzle de couleurs et de chiffres, je fais un malheur ! Les designers de jeux d'aventure doivent se pencher plus sur l'histoire et insérer des puzzles de façon logique. Je crois sincèrement que nous devons nous défaire de l'école de pensée de Myst. Oui, les jeux se doivent d'être beaux et sortir le joueur de son quotidien, mais ils se doivent de conter une histoire et de captiver le joueur, au même niveau qu'un roman ou un film.

Pour conclure, peux-tu nous dire quelques mots sur tes futurs projets ?

Un autre jeu d'aventure, avec ce que j'espère être quelques pas dans la bonne direction, c'est-à-dire une petite évolution du genre. Quant au sujet, je ne peux malheureusement pas en parler, car nous sommes encore en conception. Par contre, je te promets de te tenir au courant...

Maxime Villandré - Lead artist

Comment devient-on lead artist ? Sur quels jeux as-tu déjà travaillé ?

Road to India fut ma première expérience de lead artist et ma première expérience de travail sur un jeu... A la suite d'études dans des domaines plus ou moins connexes avec le jeu (sciences, arts, langues, lettres, et beaucoup d'autres...), je suis allé suivre un cours d'infographie à l'institut Icari de Montréal. J'ai fait de la pub pendant un certain temps avant de travailler pour Microïds. Je me suis fait engager chez eux comme graphiste pour travailler sur les cinématiques de la boîte. Au bout d'un an dans la compagnie, je m'étais fait assez remarquer pour que la direction m'offre le poste de lead artist sur Road to India.

Dans sa forme, Road to India ressemble beaucoup à un jeu Cryo. N'est-ce pas dangereux de choisir un modèle à l'image de marque assez mauvaise ?

Road to India est tout simplement l'évolution du jeu d'aventure L'Amerzone, qui a fait connaître un grand succès de ventes à la société.

Quels sont tes modèles en matière de conception visuelle ? Actuellement, à part bien sûr Road to India, quel jeu (d'aventure ou non) te paraît le plus réussi visuellement ?

Je puise mon inspiration surtout à partir de films, de pubs, de photos, de peintures, de sculptures, de bandes dessinées et d'illustrations. Il arrive parfois, que des jeux aux décors pré-rendus attirent mon attention. C'est le cas pour des jeux comme Grim Fandango, les derniers Final Fantasy et beaucoup d'autres. Je trouve que les jeux qui n'utilisent que la 3D en temps réel ne sont pas encore assez satisfaisants artistiquement, quoique très bien côté technique/technologique ou au niveau de la
jouabilité.
La ville de New Delhi, le Taj Mahal sont très fidèlement modélisés. Quelle a été ta base de travail pour reproduire ces décors ?

Une superbe équipe de graphistes (!), beaucoup de photos, documentaires, films, plans et livres de références. De plus, notre producteur Olivier Fontenay, avait dans le passé fait un voyage de plusieurs mois en Inde, ce qui a beaucoup aidé à orienter ma vision.

Quand on connaît l'Inde, la palette des couleurs utilisée pour les décors du jeu est très réussie puisqu'elle retranscrit parfaitement la luminosité et les tons pastels de ce pays. Cette rigueur esthétique (qui s'attache justement à ce genre de détails) trouve-t-elle ses limites dans les impératifs liés au développement (moteur, délais, etc.) ? Comment parvient-on à imposer son regard et à faire reculer ces impératifs ?

C'était d'ailleurs le plus gros challenge de Road to India. Un délai très serré (9 mois), une petite équipe de graphistes (10 au total, si on compte les 3 animateurs) et une qualité graphique qui se devait d'être du niveau de L'Amerzone. La barre était très haute. Pour réussir, il nous fallait une très bonne organisation, une estimation précise du temps pour chaque aspect du travail, une recherche initiale complète et bien étayée, une connaissance approfondie des outils de travail, un planning simple à suivre et une bonne affectation des tâches pour chaque membre de l'équipe, afin que le talent et les forces de chacun soient utilisés à leur plein potentiel. Ensuite ce sont les tripes, un bon jugement et l'expérience qui parlent, pour vous dire quand il faut continuer de retoucher et quand il faut arrêter.
Au final, le produit correspond-t-il tout à fait à l'idée que tu t'en étais fait au départ ?

Oui, absolument. Je connaissais mes contraintes à 90%. Je savais que je disposais d'un délai serré et de plus, j'avais déjà travaillé auparavant avec la moitié des membres de l'équipe sur divers projets.

Tu travailles en étroite collaboration avec le lead designer. Sur ce jeu, y'a-t-il eu des choses irréalisables techniquement ou des idées visuelles qui ont été écartées ?

C'est normal de vouloir en faire toujours plus et de se sentir frustré quand les idées ne peuvent aboutir pour des raisons techniques ou technologiques. Mais je crois qu'une autre force de l'équipe de production de Road to India était justement d'avoir les deux pieds sur terre et une bonne connaissance de ses limites, ce qui nous a évité de perdre le moral face à des déceptions et permis de nous réjouir chaque fois que l'équipe arrivait à en faire plus que prévu.

Actuellement, même si le jeu vidéo est encore assez récent, il semble que tout, ou presque, ait déjà été fait en matière de jeu d'aventure. Comment parvient-on à trouver un visuel et des idées originales (les passages oniriques, par exemple, avec ses effets de flous) ?

Bof, l'être humain trouve toujours des façons de se surprendre lui-même ! On n'a qu'à se pencher sur des domaines comme le cinéma, la littérature, la sculpture ou la peinture pour se rendre à cette évidence que tout art n'est jamais épuisé.. et avec la technologie qui ne cesse d'évoluer !
Le lead artist intervient-il aussi dans le choix des bruitages et de la musique ? Comment cela s'est-il passé sur ce jeu qui bénéficie d'un environnement sonore de très grande qualité ?

Il faut dire que les studios qui ont fait le bruitage et la musique du jeu étaient constitués de professionnels qui avaient à coeur de rendre un produit de qualité La musique et les bruits (du moins le style) furent suggérés par Stéphane Brochu, le lead designer, puis tous les leads et le producteur, ont écouté les soumissions des studios. Mais il en revient à ce dernier de trancher sur chaque bruit ou musique, une fois le studio choisi.

Interviens-tu aussi sur la promotion visuelle du jeu, le packaging, les publicités, etc. ?

Je donne surtout mon avis, car le marketing et la vente sont des domaines très capricieux et pas toujours évidents. Mais, j'ai quand même fait un trailer et une démo pour le jeu pendant la production.

Marc-Antoine Lussier - Lead programmer

Comment en es-tu venu à faire ce métier ? Sur quels jeux as-tu déjà travaillé ?

Je suis diplômé en "techniques de l'informatique" (études de niveau collégiales ici) depuis maintenant 2 ans. J'ai été programmeur de base de données pendant 3 mois dans une boîte de consultants avant de recevoir l'appel miraculeux de Microids. Mon premier projet fut Fort Boyard Millenium, premier jeu complet développé par Microids Canada. Road to India est mon deuxième titre.

Quelle est la plus grosse difficulté à surmonter dans la programmation d'un moteur du style Omni 3D avec un champ visuel de 360° ?

Nous avions pris à l'époque la décision d'utiliser pour Road to India le même moteur 3D que pour Fort Boyard, soit Virtools Dev, car celui-ci est très flexible et nous permettait d'intégrer plusieurs innovations techniques pour ce genre de jeu. Par contre, la plus grande difficulté fut sans doute d'adapter un engin 3D complet à ce type de jeu. Beaucoup de tests et un effort considérable ont été nécessaires pour afficher le décor pré-rendu 360° avec le bon compromis entre qualité d'images, netteté, déformation, perspective, temps de chargement et poids des fichiers sur le CD.

Certaines rues de New Delhi apparaissent comme assez vides alors que c'est l'une des villes les plus peuplées du monde. Est-ce un compromis obligatoire pour alléger le moteur ou un choix délibéré pour ne pas disperser l'attention du joueur ?

Malheureusement, c'est effectivement un compromis pour alléger le moteur. Nous avions fixé la limite de polygones à l'écran à 2500, et étant donné la qualité de nos personnages, il ne restait pas vraiment de budget pour une grande foule 3D animée temps-réel. Une foule entièrement statique n'était pas un choix viable artistiquement, et nous n'avions pas prévu de système d'animation de background. Le résultat est donc celui qu'on connaît...
Comment se passe l'intégration de personnages mobiles dans un décor de ce type quasi statique ?

Dans l'éditeur de scène 3D du moteur, on positionne les objets et les personnages comme on le ferait dans un jeu 3D complet. Ensuite, on leur assigne leur animation et on scripte leur comportement dans l'éditeur de script. Il faut aussi ajuster leur éclairage pour simuler le même éclairage que le décor pré-rendu. Le plus difficile est de respecter la perspective entre les objets 3D et le décor pré-rendu, c'est à dire d'avoir vraiment l'impression que l'objet est là où l'on veut qu'il soit.

Quels sont les avantages de ce genre de moteur par rapport au SCUMM-like (point & click) très utilisé dans les jeux d'aventure Lucas Arts notamment ?

Techniquement, c'est plus simple à développer. On n'a pas, ou moins, à se soucier des contrôles du joueur (clavier ou souris), de l'animation du personnage principal, des collisions ou du pathfinding. Par contre, il est plus difficile d'obtenir un arrière-plan de qualité et net à l'affichage.

A ton avis, la vision à la première personne est-elle indispensable à l'immersion du joueur ?

Peut-être pas indispensable, mais elle y contribue beaucoup. Dans un jeu de style "point & clic", le joueur est le marionnettiste qui fait vivre une histoire à quelqu'un d'autre. Alors qu'à la première personne, le joueur vit sa propre histoire.
Comme tous les jeux de ce type, Road to India possède un déroulement très linéaire. Est-ce un impératif pour ne pas perdre le joueur, un moyen de contrôler parfaitement son avancée ? N'existe-t-il pas une alternative moins dirigiste ?

Bien sûr, un scénario n'est pas obligatoirement linéaire, mais ici encore, c'est une question de complexité. Un scénario ouvert demande beaucoup plus de travail de la part des designers et des programmeurs. Le système doit dans ce cas être conçu pour que le joueur puisse pratiquement faire ce qu'il veut quand il le veut. Étant donné nos contraintes de temps et notre expérience, nous avons plutôt opté pour un scénario plus linéaire, donc moins complexe, et nous avons plutôt concentré nos énergies à faire de Road to India un jeu de qualité. Mais surveillez tout de même bien les prochains jeux d'aventure de Microids, vous pourriez être surpris !

Road to India est-il prévu sur d'autres plates-formes ? Si oui, comment se passe une adaptation d'une plate-forme à l'autre ?

Aucune conversion vers d'autres plate-formes n'est prévue, en partie parce que le moteur ne le permet pas vraiment. Une conversion de la sorte doit idéalement être prévue dès le départ pour éviter le plus d'ennuis possible, et nous ne l'avons pas fait, donc...
Le marché du jeu sur PC n'est sans doute pas celui qui permet les plus grands débouchés en terme de ventes. L'émergence de consoles vidéo de plus en plus évoluées et, finalement, aux caractéristiques assez semblables à celles des PC, peut-elle remettre en question l'existence du jeu vidéo sur cette plate-forme ?

Je ne crois pas. Certaines personnes refuseront toujours d'acheter un appareil ne servant principalement qu'à jouer, et plusieurs autres auront toujours besoin d'un ordinateur personnel pour travailler. Et tant qu'il y aura des PC, il y aura des jeux pour fonctionner sur ceux-ci. De plus, certains types de jeux ont toujours mieux fonctionné sur PC que sur console, et vice-versa. Par contre, il est vrai que le marché PC est moins payant, et il deviendra de plus en plus difficile pour les studios de se concentrer sur le PC en ignorant les consoles. Le développement hétérogène s'impose, comme nous le faisons ici à Microids Canada.

Pour finir, à l'heure actuelle, est-ce que la technique permet de réaliser la majeure partie des idées artistiques que l'on peut avoir à la naissance d'un projet, ou bien ces idées sont-elles encore tributaires des limites de la programmation ?

Elles le sont encore, en effet. Les limites sont repoussées plus loin chaque jour, mais elle ne le seront jamais totalement. Une machine a toujours ses limites, et l'imagination de certains n'en a pas. Et même si on élimine la limite technique, il restera encore les limites de temps et de budget. Il faut savoir travailler avec ces limites et pousser le travail au maximum à l'intérieur de celles-ci.

Anny Paquin - Chef de projet

En quoi consiste ton travail exactement ? Comment et où intervient un chef de projet dans le développement d'un jeu vidéo ?

Mon travail consiste en grande partie à planifier et gérer les échéanciers et les ressources autant internes qu'externes. L'intervention d'un chef de projet se fait dès le début du développement d'un jeu qui est divisé en trois partie : pré-production, production, test (alpha, beta, silver, gold) et localisation. La première étape de chacune de ces parties consiste à faire une évaluation de tous les besoins. Exemple :
  • Evaluation du temps pour chacune des tâches.
  • Établir le nombre de personnes requises dans chacune des disciplines suivantes : modeleur, animateur, codeur, programmeur, designer.
  • Liste du matériel requis.
  • Budget : devis pour les ressources externes tel que compositeur, bruitage, traduction, comédiens, motion capture, etc.

Je travaille en collaboration étroite avec le programmeur principal, le graphiste principal ainsi que le designer principal.

Comment devient-on chef de projet ?

ORGANISATION, POLYVALENCE, et DIPLOMATIE sont selon moi les mots clés pour devenir un bon chef de projet. Lors de l'embauche, on demande un baccalauréat en gestion, d'être bilingue, structuré, rigoureux, organisé et démontrer de réelles facilités de communication. Une bonne connaissance de l'industrie du jeu vidéo et une expérience de gestion d'équipe est un atout. Par contre, il est possible avec des équivalences d'obtenir le poste. Le monde du multimédia a tellement évolué qu'aujourd'hui on peut suivre un cours pour devenir chef de projet en multimédia au Québec.
Lorsque l'on a mis concrètement la main à la pâte dans la création d'un jeu, la fonction de gestion du chef de projet n'est-elle pas un peu frustrante sur le plan artistique ?

Lorsqu'on entame notre premier projet, il est évident que l'on veut participer de près à toutes les étapes, y compris celles de la création, mais il faut savoir doser notre participation comme si nous étions spectateur et non créateur. Le but premier d'un chef de projet n'est pas de créer un jeu mais de rendre possible la création d'un jeu avec un nombre de personnes, un budget et un temps donnés. Les échanges d'idées sont toujours les bienvenus de la part de toute l'équipe, mais s'il y a divergences d'opinions qui mettent en péril l'esprit d'équipe, le chef de projet et le directeur de production se doivent d'intervenir pour rétablir le climat de travail car la durée moyenne d'un projet avec les mêmes membres de l'équipe est d'environ 18 mois.

Dans sa forme, Road to India ressemble beaucoup à un jeu Cryo, des produits qui ont souvent une mauvaise presse. Crois-tu que le jeu pourrait souffrir de cette ressemblance ?

Je dirais plutôt que Road to India dans sa forme ressemble beaucoup à un jeu créé par Microïds même, c'est à dire le jeu L'Amerzone vendu à plus d'un demi million d'exemplaires, donc mauvaise presse ou non, les résultats sont là.

Justement, que penses-tu de l'influence de la presse spécialisée sur le devenir d'un jeu vidéo ? Fait-elle toujours correctement son travail d'information ?

Il faut toujours avoir en tête cette question : "à qui s'adresse le jeu en question ?". Il est évident que la presse spécialisée chez les "hardcore" risque d'avoir des commentaires plus cinglants pour un jeu d'aventure linéaire s'adressant à un public de 25 ans et plus.
En quelles autres langues Road to India va-t-il être adapté ? Comment se passe ce processus de localisation ?

En ce moment : français, anglais, italien, espagnol, portugais, allemand et hollandais et qui sait pour le futur, nous sommes toujours ouverts à vos demandes. Au tout début du développement d'un jeu on doit penser au travail de localisation pour rendre l'intégration des différentes langues le plus viable possible. Par exemple, lors de l'intégration d'une langue comme l'allemand, il faut prévoir 200% plus d'espace pour les textes et la durée des wavs. Pour Road to India, notre premier mandat était de faire une version du jeu en français et en anglais, comprenant toutes les intégrations : cinématiques (dont certaines avec des sous-titres), textes InGame (sous-titres des dialogues, menus et interfaces), dialogues (wavs) et le programme d'installation. Ce n'est pas parce que l'intégration se fait ici que la traduction et les enregistrements des voix se font aux mêmes endroits. Il y a un mélange des deux. Pour Road to India, nous avons rédigé les textes en français et en anglais ici ainsi que l'enregistrement des voix anglaises. Pour ce qui est de l'enregistrement du français, nous avons opté pour la France afin d'avoir une validation immédiate.

Les joueurs se plaignent souvent de la pauvreté de ces localisations. A ton avis, pourquoi certains éditeurs ne semblent pas y prêter l'attention qu'elle mérite alors que la France, par exemple, est réputée pour le talent de ses comédiens de doublage ?

Je crois que le phénomène de doublage est un domaine en expansion surtout depuis l'arrivée de l'Internet et du multimédia. C'est vrai que la France a un plus grand bassin de comédiens que le Québec lorsqu'on parle de langues étrangères. Pour ce qui est de l'anglais et du français, je crois que nous sommes très compétitifs sur le marché.
Pour ce faire, il faut : un bon casting et une bonne direction artistique, autant au niveau de la prononciation que des expressions. Ainsi on doit pouvoir donner un résultat similaire, que l'on soit d'un côté ou de l'autre de l'Atlantique, car un bon comédien reste un bon comédien.

En tant que Chef de projet, as-tu ton mot à dire sur la promotion qui accompagne la sortie d'un jeu ou bien est-ce un aspect qui échappe complètement à ton contrôle ?

Ce n'est pas un aspect qui me touche de près, par contre pour Road to India, j'avais souligné au directeur de production l'idée d'inclure avec le jeu un CD audio contenant la trame musicale du jeu et ce à titre promotionnel, et c'est ce qui fût fait.

Road to India est-il prévu sur d'autres plates-formes ? Quel regard portes-tu sur l'élargissement du marché actuel avec la sortie de nouvelles consoles qui s'apparentent de plus en plus à des PC ?

Road to India n'a pas été prévu et conçu pour d'autres plates-formes. Il est vrai qu'avec l'arrivée des nouvelles consoles, les infographes seront choyés au niveau des limitations en nombre de polygones, effets atmosphériques et effets spéciaux en temps réel. Par contre, il y a de plus en plus d'adeptes pour "le jeu en ligne", ce qui laisse croire pour l'avenir qu'on choisira la console de jeu en fonction du style de jeu.

Pour finir, avez-vous d'autres jeux en préparation ? Peux-tu nous en dire quelques mots ?

On continue dans le domaine du jeu d'aventure mais je ne peux pas en dire plus.

English version - Part I

Could you tell us about your career first ?

I freelanced for 10 years, mostly working on traditional role games on paper. I also worked on websites as a programmer. As a game store manager for 5 years, followed by two years of marketing/public relations/sales for a games publisher(regular, not video). I wrote and published a small literary magazine, shot short movies with friends, studied programming and literature. I have had a passion for games, movies and films for ages. A typical background, in fact !

What other games have you worked on ?

The only other experience in video games I have is Fort boyard Millenium, which was great training for me. As far as role games are concerned, I have worked on additions for Cyberpunk (Live and Direct) and Night edge ( Home Front, Blood Lust) and I co-wrote the role playing universe Tribe 8. I also wrote short scenarios for magazines and rule books for Heavy Gear for instance.

Road to India has a good original scenario. How did you get the idea for that story ?

By spending too much time watching movies… Seriously, the story of Road to India came to me gradually, starting from the initial concept ("Write me a game that takes place in contemporary India"). The idea of the kidnapping and the sudden reversals are only meant to make the story more interesting and to show the diversity of India.
Among the things that really struck me when we started our research work on India were the contradictions: a vast country, but overcrowded cities ; modern and technologically advanced cities with turn of the century living conditions, etc… We tried to make the most of all those different aspects but also to use the stereotypes everyone has in mind.
How do your ideas take shape ? For instance, how do you decide on the settings, the types of characters, their names, etc…What are your inspirations, your models ?

It all starts with a theme, in the case of Road to India, an adventure game which takes place in contemporary India. Then comes research, real facts and what we make up. Of course we see lots of movies and read lots of novels, to start our brains working… The settings, most of the time, are imposed upon us by two factors places that we simply can't do without, and the requirements of the script. For example, I can't imagine a game on India that wouldn't show the Taj Mahal. The story also strongly dictates the choice of places and characters. As in a good movie, you can't have a character who has nothing to do with the plot! The names of the characters are based on their meaning in Indi, for instance Anusha (the girfriend of the hero of the game, Fred) means "my beloved".
As for the more general sources of my inspiration, I am what you could call a "mediavore". I gulp down a lot of novels, cartoons, movies, role games and videos! Really, I love reading and seeing good stories, so ideas come from all that.

How did you get the idea of dividing the game between dream (the history and traditions of India) and reality (where most of the plot unfolds) ?

The use of the dream/reality duality came from my realizing that India was a land of contrasts, as I said before. These contrasts show on two levels : first what the average player expects to see on screen versus the reality of modern India, and secondly what adventure Myst-like games are like versus what I firmly believe adventure games should be, that is an interesting story.
The duality between real India and the India people picture was very interesting. If I ask someone what comes to his mind when I mention India, he will say elephants, the Taj Mahal, magical ropes and all sorts of cliches. But if you look closely, India today is not like that! There are no elephants in cities, the Taj mahal is like the Eiffel Tower, a great big empty monument, etc… So I had to find a way to link those two different aspects of India and remain coherent. So I opted for dream and reality, facts and imaginary.
At the same time, by using this duality, we were able to use two types of video games at the same time. The less logical and most difficult puzzles appear in the dreams, while the most realistic appear in reality. I like using that type of techniques and structures a lot, and I hope I can make up others of the same kind in future adventure games. I believe that, as in cinema or literature, an innovative structure can bring a lot to a story otherwise kind of ordinary.

This plot could very well be used for a movie adaptation (in the press release, the game is as a matter of fact presented as a great interactive adventure movie). According to you, is it precisely what makes the strength of an adventure game ? A close relation with the cinema, thanks to a scenario better developed than those of other types of games ?

Yes, and it is very important to keep that relation. The cinema is the closest thing to adventure games (traditional role games are even closer, but they are not very well-known of the mainstream public) And we, game designers, should make the most of that. Let's borrow the language of cinema for now, while gradually inventing our own.
In Road to India, the main character cannot die and the plot can only unfold after certain precise moves. This linear aspect is undoubtedly one of the aspects that will be criticized by the press. How would you defend this choice of yours ?

There are really two different questions here. First, the main character can't die. Yes, it's a conscious choice which reflects two things : the tradition and nature of adventure games, and the will to remain at a distance from action games. Traditionally, adventure games are based on reflexion more than reflexes. So since the game is not a dexterity game, there is no point in killing the character if the wrong choice is made. Take a game like Phantasmagoria, for instance, which killed the character if the player made the wrong decision. It was frustrating for the player, and made most players simply quit. My first instinct when I work on a game of this kind is to write it so that the player will be able to see it in its entirety, not just in part.
As for the linear aspect, yes, it was a conscious choice based on our lack of experience, and the short delays. I didn't want to start on a non-linear game with such little experience and blow it completely. It was much easier for us to keep things linear. On the other hand, we also built the story like a movie script, so we needed to tell it like a movie. I am currently working on another game and I am giving a lot of thought to the idea of a non-linear game.
Adventure games are more and more ignored by the public. How do you explain that ?

Really ? I know that in the United States, the specialised press likes saying that the genre is dead, but that's not what I have personally noticed. I think that "hardcore" players do ignore adventure games indeed, but it might be because of what they have found on the market lately. They want a good game, and don't really care what type it is. As for the general public, they want to live an experience similar to what they live when they read a novel, or go to a movie. In the case of good adventure games, the general public still buys and plays. As for bad games…

In your opinion, how should this type of game evolve to get back in favor with the players ?

By making intelligent games , based more on plot than on silly puzzles. Introducing the player to an experience, not a series of pointless puzzles. There doesn't seem to be any story in games any more or if there is one, it's only a pretext for a puzzle. Next time I see another one of those chests to be opened through a code of figures and colours, I'll go mad… Adventure game designers should work on the storyboard more closely and insert puzzles in a logical way. I sincerely believe that we must free ourselves from the Myst school of thought. Yes, games must be beautiful-looking and allow the player to escape from his daily life, but they should also tell a story and captivate the player, just like a novel or a movie.

As a conclusion, could you tell us about your future works ?

Another adventure game, and hopefully a few more steps in the right direction, a little evolution of the genre. As for the subject, unfortunately, I can't talk about that, because we are still in the building stages. But I will keep you posted…

English version - Part II

How does one become a lead artist ? What games have you worked on so far ?

Road to India was my first experience as lead artist and my first experience altogether on a game… After studying various subjects more or less related to games (sciences, arts, languages, literature and many others…), I attended a computer graphics class at the Icari Institute of Montreal. I worked in advertising for a while before working for Microïds. I was hired as a graphics designer to work on their cinematics. After a year with them, they had noticed my work and offered me the position of lead artist on Road to India.

Road to India looks a lot like a Cryo game. Isn't it risky to choose a model with such a bad public image ?

Road to India is simply the evolution of the adventure game Amerzone, which was a great success in sales for the company.

What are your models in design ? What games (adventure or not) do you consider to be the best achievements ?

I get my inspiration mostly from movies, commercials, photographs, paintings, sculptures, comics and illustrations. Sometimes, games with pre-set settings catch my attention, such as Grim Fandango, the latest Final Fantasy games and many others. I think that those which use real-time 3D have not been satisfactory enough so far, although very good in terms of technique, technology and gameplay.
The city of New Delhi, the Taj Mahal are very accurately modelled. What did you base your work on to reproduce these settings : photographs, visits there…?

A wonderful team of graphic designers, lots of photographs, documentaries, movies, plans and reference books. Moreover, our producer Olivier Fontenay, had made a trip of several months in India, which helped me find directions.

The range of colours used for the settings of the game work wonderfully as anyone who knows India will notice, as it renders perfectly the light and pastel shades of the country. Is this aesthetic precision (great care of such details) limited by the demands of development (engine, delays, etc…) How does one impose one's views despite those demands ?

As a matter of fact, it was the greatest challenge of Road to India. Very short delays (9 months), a small team of graphic designers (10 if you include the 3 animators) and a quality of design which had to be on level with Amerzone. It meant very high standards.
In order to succeed, we required a very good organization, a precise estimation of the time required for each aspect of the task, a complete and well-documented initial research, a deep knowledge of the tools, an easy-to-follow planning and proper assignments for each member of the team, so that the talents and skills of everyone would be used to their full. Then, it's a matter of guts, good judgement and experience, which tell you when to go on working and when to stop.

Did the final result turn up to be what you expected ?

Yes, absolutely. I knew 90% of the constraints we had. I knew the schedule was tight, and I had already worked with half the members of our team on various projects.
You collaborate closely with the lead designer. Did you have to discard any design ideas that proved technically impossible for this game ?

It's quite normal to always want to do better and to feel frustrated when ideas turn out to be unachievable for technical or technological reasons. But I think another asset of the Road to India production team was that we had both feet on the ground and were well aware of our limitations, which spared us from feeling down in case of disappointment and made us feel good whenever the team managed to do better than expected.

Right now, even if video games are rather recent, just about everything seems to have been done as regards adventure games. How do you manage to come up with original, different design and ideas (the dream scenes for instance, with their soft-focus effects) ?

Well, human beings always find ways of surprising themselves! All you have to do is look into fields like movies, literature, sculpture or painting to realize that art never comes to an end…and technology is constantly progressing !

Does the lead artist also have a say in the choice of sound effects and music ? What was it like for this game, which has a great quality of sound ?

I must say that the studios in charge of the sound effects and music of the game really took great care of producing good quality. The music and sounds (at least the style) were suggested by Stéphane Brochu, the lead designer, and then all the leads and the producer listened to the propositions of the studios. But it was eventually him who got to pick each sound or music, after the studio had been chosen.

Do you also have a say in the promotion of the game, on the packaging, the advertising, etc. ?

I give my opinion, that's about it, because marketing and sales are a very complicated matter, not always easy to deal with. But I did a trailer and a demo for the game during production.

English version - Part III

How did you come to do this job? What games have you worked on ?

I got a diploma in computer technology two years ago. I was a programmer for a database during 3 months for a consulting firm before I got that miracle call from Microids. My first project was Fort Boyard Millenium, the first game entirely developed by Microids Canada. Road to India is my second game.

What is the worst difficulty you ran into when programming an Omni 3D type of engine with a 360° field of vision ?

At first, we decided to use the same 3D engine for Road to India as for Fort Boyard Millenium, that is [http]Virtools Dev[/url], because it is very flexible and allowed us to integrate several technical innovations to that kind of game. But the greatest difficulty was to adapt a complete 3D engine to it. A lot of tests and considerable efforts were necessary to display the 360° pre-set decors with the right compromise between quality of picture, clearness, distortion, perspective, loading time, and size of the files on the CD.

Some of the streets of New Delhi seem rather empty while it's one of the most populated cities in the world. Did you need to compromise that way to make it easier on the engine or to avoid distracting the player's attention ?

Yes, unfortunately, it was a necessary compromise for the engine. We had set a limit of 2500 polygons on the screen, and, given the quality of our characters, we didn't really have a budget left for a big real-time animated crowd. A motionless crowd was not a viable option artistically speaking, and we had no plans for a background animation. So that's how we ended up with that.
How do you integrate mobile characters to a motionless kind of background ?

In the engine's 3D scene editor, you set the objects and characters as you would in a complete 3D game. Then you assign an animation to each of them and write up a behaviour in the script editor. You also have to adjust the light to simulate a lighting similar to that of the pre-set decor. The most difficult is to respect the perspective between the 3D objects and the setting, to give the impression that the object really is where we want it to be.

What are the advantages of this kind of engine compared to the SCUMM-like engine (point & click) often in use in adventure games, at Lucas Arts, for instance ?

Technically, it's easier to develop. You don't have to bother with the player's control tools (keyboard or mouse), with the animation of the main character, of collisions, or pathfinding. But it is more difficult to get a clear background of good quality.

In your opinion, is first person vision necessary to the immersion of the player ?

Maybe not necessary, but it contibutes a lot. In a point & click type of game, the player is a puppet master who makes someone else live a story. Whereas in the first person, the player lives the story himself.

Like other games of this type, Road to India has a very linear script. Is it a necessity to insure that the player won't stray, to control his progress ? Isn't there a less directive option ?

Of course, a scenario is not necessarily linear, but here again, it's a matter of complexity. An open scenario requires a lot more work from designers and programmers. In that case, the system must be built to allow the player to do almost whatever he wants whenever he wants. Given our schedule and experience, we opted for a more linear, thus less complex scenario, and concentrated our energy on making Road to India a quality game. But watch for Microids future adventure games, you might be surprised !
Is Road to India scheduled to be adapted for other consoles ? If so, how is such a thing done ?

No conversion is planned, partly because the engine does not really allow it. Such a conversion should ideally be planned from the start to avoid trouble as much as possible, and it wasn't done, so…

The PC game maket is probably not that which allows the greatest sales. Could the emergence of more and more sophisticated consoles, with more and more PC-like features, challenge the very existence of PC games ?

I don't think so. Some people will always refuse to buy a device for play only, and others will always need a PC to work on. As long as there are PCs, there will be PC games. Moreover, some games have always worked better on PC than on consoles, and vice-versa. But it is true that there is less money in the PC market, and it will become increasingly difficult for studios to focus on PC while ignoring consoles. An heterogeneous development is necessary, which is what we do here, at Microids Canada.

To conclude, does technique presently allow to achieve most of the artistic ideas you get at the beginning of a project, or are they still dependent on the limits of programming ?

They still are, indeed. Limits are pushed back every day, but they will never totally disappear. A machine always has its limitations, whereas the imagination of some people has none. And even if you get rid of technical limitations, there will always be those of schedule and budget. We need to know how to work with them and make the most of our work within those limits.

English version - Part IV

What does your work consist of ? How and where does a project manager intervene in the development of a video game ?

My work consists mostly of planning and managing schedules and ressources, both internal and external. The intervention of a project manager starts at the beginning of the development of a game, which is divided into three parts : pre-production, production, testing (alpha, beta, silver, gold) and localization. The first stage of each part consists of an evaluation of all the needs. Here is an example :
  • Evaluation of the amount of time required for each task.
  • Establishing the number of people required in each of the following areas : modelling, animation, coding, programming, designing.
  • List of the necessary equipment.
  • Budget : estimate of external ressources such as composer, sound effects, translation, actors, motion capture, etc.

I work in close collaboration with the senior programmer, the lead designer and the lead graphic designer.

How does one become a project manager ?

Organization, versatility, and a sense of diplomacy are according to me the key words that define a good project manager. To get hired, you need a Bachelor's degree in management, you have to be bilingual, structured, rigorous, well-organised and to demonstrate real communication skills. A good knowledge of the video game industry and an experience of team management are assets too. However, you can also obtain this position with equivalent degrees. The word of the multimedia has evolved in such a way that you can attend courses in multimedia project managing in Quebec today.
When you have concretely taken part in the creation of a game, isn't the position of manager a little frustrating on an artistic level ?

When you start your first project, obviously you want to take part in every stage, including creation, but you need to know how to participate as a spectator, not as a creator. The first aim of a project manager is not to create the game, but to make the creation possible with a given number of people, a given budget, in a given time. Exchanges of ideas are always welcome among members of the team, but if opinions differ, and if that endangers the team spirit, the project manager and the production manager should intervene to reestablish a proper working atmosphere, as the average duration of a project with the same team members is about 18 months.

Road to India looks a lot like Cryo games, which have a bad public image. Don't you think Road to India might suffer from the similarity ?

I would say that Road to India actually looks more like a Microïds game, Amerzone, which sold half a million copies, so whatever the reputation, the results are good…

So what do you think of the influence of the specialised press on the future of a video game ? Does it always perform its job of informing the public adequately ?

You should always keep in mind who the game is meant for. Obviously, the hardcore specialized press may have scathing comments on a linear adventure game aimed at a public aged 25 and above.
In what other languages will Road to India be adapted ? How does the localization process take place ?

At the moment, French, English, Italian, Spanish, Portuguese, German and Dutch and in the future we will be open to requests. At the very beginning of the development of a game, you have to think of the localization to make the integration of various languages possible. For instance, when integrating a language like German, you must plan twice as much space for the text, and the size of wav files. For Road to India, our first mandate was to make a French and an English version of the game, with all the cinematics (some subtitled), InGame texts (subtitled dialogues, menus and interfaces) dialogues (wavs) and the installation program. And just because the integration is done here does not mean that the translation and recording of the voices are done here too. For Road to india, we wrote the texts in French an English here, and we did the recording of the English voices here as well. But for the recording of French, we opted for France, to get immediate validation.

Players usually complain of the poor localizations. Why do you think publishers do not pay a lot of attention to those, while France, for instance, is famous for the talent of its dubbing actors ?

I think the dubbing phenomenon is expanding, especially with the rise of the Internet and the multimedia. It is true that France has a wider choice of actors than Quebec, as far as foreign languages are concerned (NDT : ???). As for French and English, I think we are very competitive on the market. What is required is good casting and good artistic direction in matters of pronounciation and expression. So the result should be similar on either side of the Atlantic, since a good actor is a good actor everywhere.
As project manager, do you have a say in the promotion of the game or is that completely beyond your control ?

It is not something that I am really closely concerned with, but in the case of Road to India, I had suggested including a CD of the music to the production manager, as a promotional device, and that has been done.

Is Road to India scheduled to be adapted to consoles ? What do you think of the arrival of new PC-like consoles on the present market ?

Road to India has not been planned and created for consoles. It is true that with the new consoles, graphics designers will be less limited in the number of polygons, realistic effects and real time special effects. But there will be more and more online game enthusiasts, which suggests that in the future, the choice of console will be made according to the type of game.

To conclude, are you working on other games ? Can you tell us about them ?

We are still working in the adventure game field, but that is all I can tell you.


Traduction : Carole Perraud
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