Test | Mortal Kombat 1
18 sept. 2023

L'impossible remise à plat ?

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Mortal Kombat 1

Si nous attendions Mortal Kombat 1, c'était pour une raison toute simple : en plus d'être garni d'un contenu colossal, avec son patch "next-gen", Mortal Kombat 11 était ni plus ni moins que l'un des plus beaux jeux de la Series X/PlayStation 5. Nous étions donc confiants pour ce nouvel épisode qui, de fait, par nature, semblait avoir un temps d'avance sur la concurrence. Pas de chance pour nous, puisqu'une pirouette à base de reboot est venue mettre son grain de sel, et rendre ce renouveau difficile à appréhender.

L'emballage

Il faut le dire : pour les connaisseurs, Mortal Kombat 1 laisse une première impression un peu mitigée. La raison est celle évoquée dans l'introduction de ce test. Mortal Kombat 11 avait placé la barre très haut sur le plan technique (et pas que), et si le nouvel épisode reste satisfaisant de ce point de vue, il n'impressionne pas outre mesure. Les protagonistes sont superbement détaillés mais les modèles semblent moins grands que chez son prédécesseur. De même, les décors paraissent étonnamment statiques et, pour ne rien arranger, la mise en scène a également perdu en dynamisme – avec moins de variations de cadre et de transitions. Heureusement que les effets spéciaux des différents coups viennent donner un peu de peps au rendu général, même si ce n'est rien en comparaison – par exemple – de certaines interactions environnementales d'autrefois. Alors soyons clairs : Mortal Kombat 1 reste dans le haut du panier sur le plan graphique, simplement nous espérions mieux, surtout après quatre années d'attente. Le problème, c'est que cette première impression participe à un constat plus général, laissant penser (contrairement au titre de ce Mortal Kombat) que la série se repose légèrement sur ses lauriers.
Moins impressionnant qu'espéré

L'histoire

Malgré une formule inchangée, le mode Histoire brille par ses cinématiques et son final.

En réalité, le fait que Mortal Kombat 1 se base sur une pirouette scénaristique – un changement de continuum/univers à la fin du onzième volet – a tout d'une fausse bonne idée. À moins qu'il ne s'agisse plutôt d'une mauvaise exécution. D'abord, cela donne l'impression d'un nouveau départ et donc de la nécessité d'une révolution. Ainsi, le fan de la licence espère légitimement assister à une vraie mue de cette dernière. Ce serait d'ailleurs souhaitable après plus de dix années d'une recette à succès. Hélas, ce n'est pas vraiment le cas ici.

On peut difficilement dissocier le ton de ce volet de celui des précédents jeux. Liu Kang a reforgé un univers selon ses envies pacifistes, mais ce monde est relativement identique à celui connu des adeptes de la saga. Pire : il y a de grandes chances qu'un nouveau joueur, regardant la série de loin depuis des années, n'y voie rien de bien neuf. Cela donne l'impression d'avoir affaire à un acte manqué, tant la licence aurait pu – dû ? - s'éloigner des conventions habituelles pour quelque chose de plus original, voire de déjanté.

On se réconforte alors avec deux choses. La première, c'est que les cinématiques du mode Histoire sont particulièrement réussies. C'est d'ailleurs le seul gros bond en avant sur le plan technique, puisque l'on a réellement l'impression de se trouver devant un film. Ensuite, il faut avouer que le dernier tiers du mode Histoire est plutôt audacieux/malin dans sa manière de justifier – potentiellement – l'orientation de ce volet, et même ses éventuels DLC. C'est d'ailleurs dans son final que le titre s'autorise, justement, à sortir des carcans afin de profiter de son idée de multivers. Dommage de ne pas être allé encore plus loin.
Le mode Histoire en tête de gondole

Le gameplay

Ce n'est pas visible sur les captures, mais du bruit et des aberrations chromatiques sont présents.

C'est donc au niveau du gameplay que Mortal Kombat 1 opère son principal changement. D'abord avec un rythme bien plus lent que celui de son prédécesseur – qui, de son côté, paraissait parfois trop rapide. Ensuite avec l'apparition des kaméos, qui s'apparentent au système de "strikers" que l'on retrouve dans différents jeux de combat depuis plus de deux décennies. Ainsi, en pressant une gâchette, un compagnon vous vient en aide avant de repartir aussitôt. En plus de cela, une assistance défensive est également présente, ainsi que la possibilité d'exécuter une projection à deux, ou même un Fatal Blow (à condition d'avoir moins de 30 % de vie).

L'idée n'est pas mauvaise en soi, mais son intégration semble un peu chaotique. D'abord, soulignons que la mécanique ne semble pas s'intégrer avec aisance aux combos. Tandis que dans d'autres jeux, tout se fait assez simplement au sein de l'action, dans Mortal Kombat 1, ce système nécessite plutôt d'appuyer sur la touche au moment adéquat. N'espérez donc pas appeler votre partenaire véritablement en plein combo, en étant novice, sans réfléchir, pour des parties festives entre potes. De même pour la défense : sans expérience, il arrive d'appuyer deux ou trois fois sur la touche avant que le combo adverse s'interrompe, visiblement parce que l'animation doit se produire à un moment précis.
Une mécanique comme révolution ?

Bien sûr, le mode Tours s'apparentant à l'habituel mode Arcade reste présent.

Cette frustration serait anecdotique s'il ne découlait pas du titre une autre saveur : le goût de trop peu. Avec 23 combattants et 15 kaméos, l'impression d'avoir affaire à un jeu un peu rachitique est présente. Pour ce qui est des combattants, considérons que leur nombre n'est pas fondamentalement gênant. Toutefois, le fait que les kaméos soient variés mais spécialisés – avec des mécaniques précises (air combo, protection, laser, etc.) – donne paradoxalement l'impression d'un futur manque d'équilibre. En effet, il est probable que dans quelques semaines, la plupart des joueurs ait trouvé les combinaisons optimales pour chaque combattant... et que nous nous retrouvions enfermés au sein de celles-ci.

Dernier point et non des moindres : en faisant des kaméos nécessitant beaucoup d'apprentissage pour confectionner des combos, ce Mortal Kombat 1 s'éloigne de l'essence de la série. Le jeu a fait d'une mécanique généralement spectaculaire quelque chose d'exigeant, probablement pour continuer de viser l'e-sport. Il faut désormais apprendre les coups d'un personnages mais aussi les combinaisons avec son kaméo de prédilection. Cela est certes gratifiant si on se place sur le plan compétitif, mais cela reste déstabilisant pour une saga qui base son succès sur le contenu, le spectacle et le gore. D'ailleurs, bien que toujours présentes, les Fatalities et Brutalities paraissent étonnamment en retrait dans cet épisode, comme si elles avait dû faire la place aux kaméos et aux Fatal Blow (désormais en binôme).
Des kaméos orientés vers l'e-sport

Le mode Invasions

Avec les kaméos, certaines projections (hélas trop rares) sont spectaculaires.

En dehors du mode Histoire conventionnel (vous enchaînez les combats en alternant entre les différents personnages), l'autre plat principal de ce Mortal Kombat 1 est le mode Invasions. Il s'agit en réalité d'un plateau simpliste sur lequel vous déplacez votre personnage, ce afin d'effectuer des combats (ainsi que des mini-jeux) avec des malus, des bonus ou des objets. Autant faire vite : le mode est dans la lignée des autres pendants de la licence, et les adeptes ne seront donc pas dépaysés. Certains pourraient même être déçus par le manque d'audace de la formule. Pour notre part, si le mode Invasions ne nous a pas posé de problème en soi, il faut avouer qu'il met en exergue un point relativement agaçant : le manque de générosité du jeu. Finissez le mode Histoire et jouez de temps à autre au mode Invasions, et vous constaterez que vous gagnez finalement peu de pièces permettant d'acquérir des collectibles ou des éléments de personnalisation. C'est un peu agaçant dans la mesure ou le jeu semble sans cesse se brider pour éviter de faire trop plaisir au joueur. Ajoutons à cela un système de rétention à base de saisons et de défis quotidiens/hebdomadaires, et nous nous retrouvons avec un jeu qui semble un peu en garder sous le pied.
Un mode Invasions convenu

Pour qui ?

Bien sûr, Mortal Kombat reste (heureusement) Mortal Kombat.

Vient alors la grande question de ce Mortal Kombat 1 : à qui se destine-t-il ? À vrai dire, c'est tout le problème de cet épisode qui (pour l'instant) ne révolutionne pas grand-chose, ne va pas assez loin, tout en donnant l'impression d'en faire moins que son prédécesseur. Bien sûr, un joueur novice peut s'essayer au titre et être séduit par sa recette devenue ancestrale. Pourtant, on s'imagine mal conseiller à quelqu'un de débourser 80 euros pour ce volet quand Mortal Kombat 11, disposant d'une mise à jour Xbox Series/PlayStation 5, est vendu pour une bouchée de pain sur les stores en ligne – à chaque grosse salve de promotions. Mieux : ce dernier dispose du DLC Aftermath mais aussi des divers DLC incluant des combattants comme Rambo, Terminator ou Robocop. Un jeu festif et généreux, en somme.

Même certains adeptes de la série risquent d'être franchement déçus par cette sorte de stagnation, qui n'est finalement pas sans rappeler certaines franchises sportives (FIFA, NBA, etc.). Reste alors un maigre lot de consolation, à savoir le mode Histoire qui s'avère (un peu) plus agréable à suivre que d'ordinaire, grâce à des cinématiques plus travaillées, ainsi qu'au retour à une forme de simplicité narrative. C'est déjà ça, mais avouons que pour un mode s'étalant sur cinq heures, la facture peut s'avérer un peu salée si on achète le jeu plein tarif.

Dernier point et non des moindre : comment ne pas évoquer le mastodonte Street Fighter 6 ? C'est l'autre énorme souci de Mortal Kombat 1. Le jeu de Capcom a placé la barre particulièrement haut et a réussi à révolutionner sa licence. Trois mois après sa sortie, force est de constater que son spectre nous hante toujours. Visuellement d'abord, il est difficile de revenir aux animations rigides de ce Mortal Kombat après avoir goûté au côté organique et "next-gen" de Street Fighter 6. Mais aussi dans sa démarche, puisque le jeu japonais est parvenu à rassembler les joueurs, à faire avaler la couleuvre d'un nouveau système de jeu alternatif et plus accessible (le mode Moderne), et sans parler de la démesure de son World Tour.
Des adversaires de taille

La polémique

Vous pouvez personnaliser vos combattants, et donc Johnny Cage en Van Damme... ou presque.

Il faut qu'on parle de ce qui pourrait symboliser ce Mortal Kombat 1 : la skin de Jean-Claude Van Damme inclue dans le Kombat Pack. Après son annonce, les réseaux sociaux se sont écharpés sur la ressemblance ou non avec l'acteur. Avouons qu'il faut sûrement avoir bu quelques verres pour reconnaître JCVD. Cela peut sembler anodin, mais tout ça fait finalement partie des petits détails qui semblent ternir un peu l'aura de cet épisode. On peut aussi évoquer le grain de l'image, non visible sur les captures mais présent non pas lors des cinématiques (c'est d'autant plus choquant), mais durant les transitions et les combats. Un rendu assez désagréable quand on sait que l'une des forces de a licence était justement de proposer des transitions nickels entre les séquences. Dans le même genre, le mode Histoire propose quelques incohérences. Observez Scorpion se faire ensevelir sous un amas d'or et il sera quand même disponible, quelques secondes plus tard, sous forme de kaméo au côté de Sub-Zero. Tout cela ne semble être que des détails, mais chacune de ces choses semble révéler un souci de finition qui était moins visible dans les précédents volets. Bien sûr, on espère que certaines choses soient corrigées au fil du temps.
“Ma devise, c'est : il faut se recréer, pour recréer !” JCVD
Les Plus
  • Le mode Histoire, visuellement réussi et disposant d'un final malin
  • Un titre "qui se laisse jouer"
  • Les kaméos, étonnamment tournés vers l'e-sport
  • Un gameplay bien plus posé que dans Mortal Kombat 11 (et donc une approche vraiment distincte)
  • Malgré des décors vides, le jeu reste agréable à regarder
  • Dans un sens, il faut du courage pour jouer de la sorte avec le feu
  • L'emballage Mortal Kombat (doublage VF, etc.)
Les Moins
  • Une technique qui stagne
  • Le bruit sur l'image : c'est quoi ce délire ? (on espère une mise à jour)
  • Le sentiment agaçant de se trouver devant un jeu qui en fait moins
  • Mortal Kombat 11 existe, et il est excellent
  • Les kaméos, faussement spectaculaires ?
  • L'impression que le jeu ne va de toute façon pas assez loin dans ce qu'il propose (y compris sur le plan introspectif)
Résultat

Pour l'instant, Mortal Kombat 1 est un épisode déstabilisant, et les années à venir nous diront si les choix opérés étaient salutaires. Posant drastiquement son rythme de jeu et apportant une nouvelle mécanique importante sur le papier (les kaméos), l'expérience semble pourtant s'apparenter à un recul. Moins d'interactions et de vie dans les décors, panel de personnages moins engageant, mode Invasions relativement futile... Reste un mode Histoire une fois de plus à la hauteur. Même les graphismes, déjà impressionnants sur Mortal Kombat 11, donnent parfois l'impression de stagner (voire régresser si on aborde la mise en scène). Ce constat global laisse dubitatif pour une licence qui s'est toujours vendue sur la base du divertissement – et à grands coups de DLC. Désormais et contrairement à ce que pourrait laisser penser l'arrivée des kaméos, Mortal Kombat parait sacrifier le spectacle au profit des combos (et peut-être de l'e-sport)... Dans un sens, la démarche est osée et même existentielle – le retour en arrière s'étend jusqu'à la réalisation, avec une caméra et une sobriété qui rendent hommage aux premiers volets. Reste à savoir si tout cela était judicieux. En essayant de remettre à plat la licence, Ed Boon/NetherRealm se retrouve en réalité confronté au même problème que Liu Kang au sein du jeu : peut-on supprimer le passé ? Rien n'est moins sûr. Comment conseiller ce nouveau volet tout en sachant que son grandiose prédécesseur – plus accessible, "speed" et spectaculaire – est fréquemment en promotion pour une vingtaine d'euros, en édition maous et avec un contenu autrement plus fourni ? C'est tout le problème du pop-corn : on peut s'en contenter, mais encore faut-il que l'on soit bien servi.

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