Test | Dreams
27 mars 2020

Seulement un doux rêve ?

Testé par sur
Dreams

Longtemps en accès anticipé mais attendu comme une potentielle révolution, Dreams arrive enfin sur PlayStation 4. Au programme : un (habituel) cocktail basé sur la création et le partage communautaire. Le titre de Media Molecule sort-il son épingle du jeu ?

Le principe

L'idée derrière Dreams est jolie : à travers un outil pour le moins incroyable, le joueur peut réaliser ses rêves (comprendre des jeux) et les partager avec la communauté. Comme d'autres titres me direz-vous, à ceci près que Dreams a pour lui un studio performant, permettant de faire de nombreux choix (éléments, dispositions, musiques, design, tailles, etc.), au point que les jeux réalisés brassent les genres (shoot'em up, plateforme, walking simulator, jeux d'aventure, de course, etc.) comme aucun autre outil accessible ne le permet. Il serait idiot de lister toutes les choses possibles au sein d'un tel outil, mais disons simplement que Dreams rivalise sans mal avec des logiciels autrement plus chers et – probablement – moins engageants.
L'esprit de partage

Le contenu

Les concepts les plus simples sont souvent les meilleurs. Ici, une bataille de pouces.

Concrètement, que trouve-t-on dans Dreams ? À boire et à manger, comme on dit. Cela va des hommages plutôt nombreux (Sonic, Zelda, Mario, Silent Hill, etc.) à des jeux plus originaux. D'ailleurs, les hommages sont généralement une bonne façon de voir les atouts et limites du jeu. En effet, on peut par exemple parler de l'esthétique, puisque ces adaptations passent parfois du tout au tout. Prenons le cas de Zelda. Il est possible de trouver de nombreuses (souvent courtes) visions de la franchise de Nintendo, reprenant parfois le style graphique d'Ocarina of Time, des épisodes 2D ou du récent remake de Link's Awakening. Il en va de même pour Sonic, et des jeux allant d'une vision contemporaine à celle qu'aurait pu donner un vrai Sonic en 3D sur Saturn.

Le souci, c'est que ces expériences s'inspirant de titres connus montrent aussi les limites de Dreams : le gameplay est globalement mollasson et les animations pas forcément à la hauteur du visuel. De même, vous pouvez mettre des bribes d'ennemis mais l'IA limitera nécessairement le game design, au point que la plupart des rêves se résument à parcourir des niveaux plus ou moins vides. Nous sommes peut-être difficiles, certes, mais cela influe assez sensiblement sur le ressenti général. En fait, le souci de Dreams est inhérent à son principe même, et par conséquent, aussi, aux autres jeux faisant la même promesse : il ne livre jamais une expérience aussi exceptionnelle qu'un vrai grand jeu, voire qu'un vrai jeu tout court. On parcourt les rêves, on en crée, mais le résultat n'est jamais à la hauteur d'un titre que l'on trouverait dans le commerce.
De nombreux hommages

Un des nombreux hommages à Metal Gear Solid... mais comme souvent terriblement vide.

Là où cela devient problématique, c'est que la promesse de Dreams n'est pas celle d'un Mario Maker. Dans le cas de ce dernier, l'expérience permettait, avec une certaine exactitude, de produire ses propres niveaux de Mario. Et rapidement, qui plus est. Dreams nécessite plus de temps et a beaucoup moins ce côté "jeu apéritif". Il est logiquement bien moins simple à prendre en main, et n'est même pas aidé par un didacticiel assez longuet et donc pas forcément dans l'air du temps. Attention, l'expérience n'est pas mauvaise, loin de là, elle a juste pour défaut d'être théorique.
Les limites d'un concept

Pour qui ?

Le didacticiel est une étape obligatoire et fastidieuse, comme toujours.

Dreams a donc un peu le derrière entre deux chaises. D'un côté il s'agit d'un outil assez puissant, de l'autre il mise sur un aspect communautaire demandant de l'accessibilité. Toutefois, est-ce que vous voulez passez du temps à manier un programme qui, de toute manière, ne vous permettra pas de faire un jeu exactement comme vous le souhaitez ? C'est tout le problème de cette expérience, géniale sur le papier mais qui implique que la communauté (et vous-même) joue le jeu. Si vous êtes du genre à aimer recréer l'ambiance d'un de vos jeux favoris sans pour autant pouvoir véritablement être totalement libre, alors oui, Dreams est fait pour vous. Néanmoins et pour ne pas paraître trop dur, l'expérience livrée par Media Molecule propose aussi un autre aspect peut-être plus intéressant : la possibilité de faire des courts-métrages. Dans cette configuration, le titre montre une facette à fort potentiel pour une raison très simple : le moteur graphique est assez engageant pour laisser penser qu'il s'agit d'un véritable film. Au final, on regrette surtout que – à notre connaissance – Media Molecule ne se serve pas du jeu comme d'une passerelle professionnelle. En effet, pourquoi ne pas organiser des concours permettant de remporter des prix, de participer à quelque chose au sein du studio, etc. Une démarche qui rendrait d'ailleurs l'expérience beaucoup moins vaine.
De nombreuses questions

L'anecdote

Un jeu dans lequel il faut faire ses courses pendant l'épidémie de Covid-19. Le bon goût.

Enfin, notons que Nintendo a demandé à certains créateurs de retirer des modèles de Mario pour des questions de droits. Une démarche pas forcément légitime selon nous, surtout que les titres ici présents ne durent généralement que quelques minutes et prennent la forme d'hommages (c'est en revanche discutable pour les musiques, parfois reprises des jeux d'origine). En dehors de ça, on peut aussi se demander ce qu'il adviendrait si un créateur faisait vraiment un jeu sensationnel à travers Dreams : est-ce qu'il conserverait les droits sur sa création ?
Le point de la propriété
Les Plus
  • Visuellement réussi
  • Un outil objectivement performant (pour ne pas dire assez incroyable)
  • Quelques joueurs ont de l'idée
  • Les courts-métrages
Les Moins
  • Un habillage (court mode histoire, didacticiel, etc.) qui semble de trop
  • Un titre qui, pour être pleinement exploité/savouré, demande du temps
Résultat

Dreams est un jeu contemporain, à savoir démocratique. À l'ère d'internet, tout le monde se voit cinéaste avec son smartphone, grand philosophe dans des commentaires Facebook ou politicien en cassant des vitrines sur les Champs-Élysées. La promesse de Media Molecule est ainsi celle de faire de chaque joueur un créateur. Nous avons déjà vu ça (que ce soit avec les précédents jeux du studio ou avec Mario Maker), et le souci est que cette vision démocratique du jeu vidéo aura toujours les mêmes limites : on peut donner tous les outils possibles à des individus, leur faire croire que l'on peut devenir développeur de jeu vidéo en un clin d'œil... il n'empêche que sans spécialisation et talent, la démarche reste assez vaine. Dreams est donc un outil, un peu fastidieux par son enrobage superflu mais effectivement assez efficace et impressionnant. La question est alors la suivante : est-ce que les jeux qu'on y trouve valent n'importe quel autre jeu produit par des professionnels ? Non. Est-ce qu'on s'y amuse véritablement ? Trop rarement. Difficile de noter un tel titre donc, super sur le papier mais qui se confronte vite aux limites de la théorie.

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