Test | God of War
16 mai 2018

Gros blockbuster ou grand jeu ?

Testé par sur
God of War

Nous avions quitté Kratos sur PlayStation 3. Le temps est passé et c'est sur PlayStation 4 que sort God of War. Un titre sobre pour un épisode qui doit à la fois composer avec un souhait de refonte et le fardeau des grosses franchises : un passé duquel elles ne peuvent sensiblement s'extirper.

L'histoire

God of War débute alors que Kratos prépare la crémation de sa femme. Aidé de son fils Atreus à qui il ne cesse d'inculquer ses règles et valeurs, il reçoit la visite, une fois chez lui, d'un mystérieux étranger révélant très vite sa vraie nature ainsi que celle de Kratos : ce sont des Dieux. En effet, ce dernier agresse directement le héros qui, après avoir caché son fils, peut libérer toute sa force face à cet être qui se régénère au point d'être immortel. Une fois le combat terminé et l'étranger replié, Kratos entreprend enfin la quête qu'il avait en tête : apporter, avec son fils, les cendres de sa femme au point culminant de la région. Un parcours qui se révélera vite être semé d'embûches.
Caprice des Dieux

Spoiler

L'histoire se concentre sur Kratos et son fils.

Impossible de ne pas évoquer le fond de God of War sans spoiler le scénario. Pourtant, il est primordial d'aborder cette facette pour faire ressortir les enjeux du jeu. Tout d'abord, et c'est probablement l'un des éléments les plus sous-exploités de l'expérience, Kratos n'a de cesse, durant la première moitié de l'aventure, de s'humaniser en inculquant des valeurs à son fils. Ce sont là les premières aspirations réalistes, qui deviennent intéressantes lorsque l'on sait que le joueur, a contrario de Kratos se prenant pour un homme, a toujours aimé se prendre pour un Dieu.

C'est cette dichotomie qui est représentée au milieu du jeu, lorsqu'Atreus tombe malade car il est lui-même au cœur d'un dilemme, bloqué dans sa propre condition. C'est d'ailleurs après avoir appris sa vraie nature que le gamin file un mauvais coton, se sentant supérieur à d'autres, qu'il s'agisse d'un nain servant à forger les armes, ou même de Modi (pourtant l'un des fils de Thor) qui ne cesse de provoquer l'enfant.

Il faut aussi souligner une volonté – assez vaine – d'harmoniser les mythologies. Derrière son titre laissant penser à un reboot, God of War est une vraie continuité, celle d'un Kratos ayant fui son passé pour se réfugier dans de nouvelles Terres. Si le jeu fait ici et là référence à des événements s'étant déroulés autrefois – qu'il s'agisse de l'apparition de Zeus ou plus simplement de pots reprenant l'imagerie de la première trilogie – il ne met jamais réellement les pieds dans le plat. Cela laisse un sentiment vraiment étrange, comme si cet épisode pouvait se suffire à lui-même mais aussi comme si les développeurs n'avaient pas réussi à couper le cordon.
Même les Dieux sont tiraillés

Le principe

Parfois, le jeu est tout bonnement magnifique.

La vraie évolution de God of War tient d'abord de l'immersion. Contrairement à ses prédécesseurs, il s'inspire du jeu qui a influencé le jeu vidéo moderne par sa mise en scène et sa structure : Resident Evil 4. Caméra derrière l'épaule ou presque, et structure plus linéaire mais parfois entrecoupée de zones ouvertes. Il est intéressant de noter que la claque graphique infligée par le jeu (la modélisation des personnages et certains décors sont incroyables) se fait peut-être au détriment du game design ou du level design. C'est l'impression que l'on a lorsque nous parcourons une partie boisée et automnale près de la maison de la sorcière Freya, mais que le le chemin se résume à un couloir fait de quelques bifurcations.

Côté jeu, deux points essentiels. Passons rapidement sur les combats qui se révèlent être l'élément décevant du titre. Premièrement car, sous couvert de réalisme, ils sont simplifiés : loin d'un Bayonetta, God of War ne pousse jamais à l'enchaînement de combos. Pire, il privilégie souvent le fait d'y aller de façon directe, pourquoi pas en lançant sa hache sur les ennemis. En résulte une brutalité certaine, mais des affrontements peut-être trop présents compte tenu de ce qu'aurait pu apporter une vraie quête de réalisme à ce niveau. Soulignons tout de même les quelques combats contre les boss, assez salvateurs pour le jeu.

Toutefois, God of War brille avant tout par son level design et sa gestion de l'exploration. Kratos peut être amélioré en craftant des armures à l'aide d'argent et d'objets récupérés ici et là. Il rencontre alors des nains dans un schéma qui rappelle là aussi Resident Evil 4 (et son marchand). Plus simplement, le titre permet d'explorer des donjons rappelant les tombeaux des derniers Tomb Raider, mais avec un côté un peu moins scolaire par endroit (on apprécie par exemple le fait de pouvoir aborder un lieu par différents endroits). Grimper, activer des mécanismes avec les flèches d'Atreus et pousser différents éléments fera le plaisir des fanas du genre. Plus globalement, c'est tout Midgar, zone ouverte dans laquelle Kratos et son fils peuvent naviguer dans une barque, qui constitue le moteur ludique du jeu.
Une efficacité redoutable

Pour qui ?

A Midgar, Kratos et son fils naviguent sur une barque pour atteindre différents points.

C'est d'autant plus vrai que les niveaux constituant l'aventure (et auxquels vous accédez en activant des portes dans un temple) sont assez décevants et manquent d'originalité, tout comme le bestiaire qui tourne parfois en rond (en particulier les sous-boss). God of War possède toutefois un atout de taille : sa progression aux petits oignons. Contrairement à d'autres jeux, terminer l'expérience d'une traite ne laisse pas au joueur un goût amer mais bien au contraire, puisque l'histoire veut que les protagonistes soient parfois pressés par le temps. Globalement, les joueurs désirant terminer l'aventure en ligne droite (comptez tout de même une vingtaine d'heures) seront satisfaits et n'auront jamais eu à farmer ou explorer bêtement le monde pour rien. En revanche, difficile de ne pas avoir envie de flâner par endroit, et si certains veulent terminer le jeu à 100%, une trentaine d'heures supplémentaire ne semble pas être de trop, surtout au regard de certains ennemis tels que des valkyries redoutables.

Pour ce qui est de la cible, il est évident que God of War déroutera certains fans de la série. En effet, le combat n'est plus réellement au cœur du jeu et c'est plutôt l'exploration qui prime. Pas assez pour véritablement qualifier le jeu de réaliste cela dit. Si on imagine mal des joueurs bouder leur plaisir, nous vous conseillons d'attendre le vrai début de l'aventure : une fois arrivé à Midgar, God of War prend son envol sur le plan ludique. Et à défaut d'être révolutionnaire, c'est particulièrement efficace, au point de pouvoir être comparé à un Darksiders en son temps (qui avait aussi ses qualités et ses défauts).
Ceux qui aiment explorer

L'anecdote

En combat, Atreus peut tirer des flêches ou invoquer des bêtes. Il peut aussi être amélioré.

God of War se révèle quand même être assez agaçant dans sa façon de faire le minimum. Certes, le jeu est magnifique et la caméra serrée ajoute à l'immersion, tout comme le fait que l'expérience se déroule toujours dans une même continuité de temps. Hélas, cela met aussi en exergue des incohérences crasses. Alors que tout s'apparente à un long plan-séquence, jamais Kratos et Atreus ne se reposent ni mangent. Jamais l'action n'est coupée et ce pendant près de vingt heures. Ce n'est certes pas crédible, mais cela va surtout contre le réalisme mis en avant par les graphismes : le héros et son fils ne partagent pas de vrais et beaux moment d'intimité, qui sont pourtant la clé des jeux modernes lorgnant sur cette approche. Et finalement il en va un peu de même pour les combats, certes moins simples qu'autrefois mais pas assez radicaux pour renforcer cette orientation. Finalement, on a un peu l'impression d'avoir un Zelda déguisé en quelque chose de plus mature. Autant dire que le ressenti rappelle là encore Darksiders.
Un réalisme à deux vitesses
Les Plus
  • C'est en général très beau
  • Une exploration savoureuse et qui à elle seule justifie l'achat
  • Une progression rythmée et au poil (même en ligne droite)
  • Une certaine ambition scénaristique dans la volonté de faire une refonte dans la continuité
  • Un réalisme de surface, visuel, mais terriblement étouffé lorsqu'il s'agit de l'intégrer au jeu
  • Les musiques
Les Moins
  • Une technique qui influe peut-être trop sur le level/game design
  • Des affrontements assez décevants
  • On craint le pire pour la suite (vu l'ouverture)
  • Cela manque de moments forts et de diversité
Résultat

God of War est avant tout un gros blockbuster. Cela implique une certaine saveur, ici présente dans une progression au poil et une gestion de l'exploration accrocheuse. God of War c'est donc le plaisir des AAA avec, comme marque de fabrique dans le cas présent, un passage phare puis une maestria qui retombe par la suite. On dit souvent qu'un grand film repose sur une ou deux grandes scènes, est-ce le cas d'un jeu vidéo ? Rarement. Est-ce le cas de God of War ? Assurément pas. Reste un plaisir primaire qui donne envie de tout parcourir, qu'importe les nombreuses incohérences (en particulier dans le game design). C'est déjà pas mal, puisque le jeu met à l'amende la plupart des dernières productions s'étant attelées à l'exercice du jeu d'aventure "à la Zelda".

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