Florent Castelnérac : Je dirige le studio Nadeo, à l'origine des séries Virtual Skipper et TrackMania.
Parlons de ShootMania : Storm. Vous avez décrit le jeu comme "un FPS pour les joueurs de FPS". Concrètement, qu'est-ce que ça signifie ?
F.C. : Ça signifie que nous avons pris conscience que ce genre était très populaire. Nous avons donc créé un FPS en prenant soin de ne pas emprunter un univers spécifique, comme la guerre par exemple, toile de fond très souvent utilisé par le genre. Au début du développement, nous nous sommes posés la question suivante : que recherche un joueur de FPS ? Ça peut paraître un peu bizarre, mais pour nous c'était important de partir de là. On pourrait mettre ça en parallèle avec le jeu d'échec et Battle Chess. On a l'impression que l'univers du FPS a commencé par Battle Chess et nous essayons de le ramener vers le jeu d'échec, d'une certaine manière. Peu de gens arrivent à comprendre cette démarche mais moi, ça m'amuse beaucoup (rires).
TrackMania a réinventé le jeu de course. ShootMania ambitionne de faire de même pour le FPS. Vous avez indiqué que vous ne souhaitiez pas reproduire ce qui se fait actuellement, ou ce que vous aimez dans le genre. On sent une envie de le redéfinir. Pouvez-vous nous donner des pistes sur les moyens que vous mettez en œuvre pour y parvenir ?
F.C. : C'est d'abord beaucoup d'années de travail, de réflexion, d'itération... Nous en sommes peut-être à la dixième version du jeu. Au départ, nous sommes partis de nos rêves, de nos fantasmes, des meilleurs moments que nous avons vécus dans tel ou tel shooter, mais pas en essayant de reproduire ce qui a donné ces moments là, mais plutôt en faisant en sorte qu'ils puissent émerger de nouveau dans notre jeu. Il s'agit de ne pas se donner de limites. C'est un peu difficile car on nous targue vite d'avoir trop d'ambition, voire de prétention. Mais en même temps, nous souhaitons réellement attirer le plus de joueurs possibles sur ShootMania. Notre but est de faire jouer ensemble des joueurs experts, comme dans TrackMania, et des gens qui ont un niveau beaucoup plus modeste. A cette ambition, beaucoup vont répondre : "Ce n'est pas possible !" Mais en travaillant les choses, on peut y arriver. Si on regarde l'histoire du shooter, au début c'était du FFA (Free For All). Ensuite, c'était par équipe. Puis enfin, il y a eu Counter-Strike. Il s'est écoulé de nombreuses années entre ces différentes étapes. Et Counter-Strike n'est pas la fin puisque ça continue. La notion de classe, de poste, d'arme... tout est fait dans l'espoir que l'on puisse jouer au shooter ensemble, plus facilement. Nous sommes partie d'une page blanche. Chemin faisant, nous avons beaucoup appris des FPS. Nous avons réappris le shooter plutôt que de réécrire ce qui existait déjà. Voila, c'est une réponse un peu longue, mais c'est un travail de longue haleine qui représente cinq/six ans d'itération, itération, itération...