La folle histoire de la N64, mi-ringarde mi-d'avant-garde
19 mars 2023

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Il est des consoles qui marquent durablement au cours de notre vie de joueurs et de joueuses. La Nintendo 64 en fait clairement partie. Anachronique par bien des aspects, elle a réussi la prouesse d'avoir à la fois un pied dans le futur, par sa puissance et sa révolution 3D, et un pied dans le passé avec son format cartouche incompris à l'heure de l'explosion du CD-Rom. Dans un ouvrage passionnant, documenté et riche en anecdotes, Patrick Hellio nous sert par le menu – gastronomique – l'épopée de cette incroyable console.


L'histoire de la Nintendo 64, la plus américaine des consoles, Patrick Hellio, Third Editions, 2023.


Dans cet ouvrage, c'est tout un pan de l'histoire du jeu vidéo qui vous est narré. La force de Patrick Hellio réside dans sa capacité à ne pas se contenter d'un survol convenu d'anecdotes maintes fois ressassées. Bien au contraire, au même titre que dans son précédent ouvrage dédié à la saga Resident Evil, vous avez droit à ce qui s'approche de l'exhaustivité. Revenant bien des années avant le lancement de la console 64 bits de Nintendo, à coups de news et articles excavés de magazines de jeux vidéo de l'époque, d'entretiens glanés sur les sites de studios, de témoignages identifiés dans différents ouvrages, Patrick fait pour vous le travail que tout joueur assoiffé de faire grandir son savoir vidéoludique se devrait de faire : creuser un sujet passionnant pour en retenir l'essence, le meilleur, sans jamais pousser jusqu'à l'indigestion.



Nintendo Sixtyyyy-fouuuuuuuur !!!


Si vous êtes encore là sans avoir appelé votre libraire pour vous mettre un exemplaire de côté, c'est que la Nintendo 64 ne soulève pas chez vous une grande excitation. Quelle erreur. Dans cet ouvrage, vous apprendrez notamment que c'est Silicon Graphics (vous savez, les grosses stations de travail 3D qui ont fait le succès de Jurassic Park en 1995, jusqu'à apparaître à l'écran dans la salle de contrôle) qui s'est approché de Nintendo après avoir essuyé un refus de collaboration avec SEGA. Que le projet de la N64 était dans un premier temps d'envahir les salles d'arcade. Que la fameuse manette en trident, avec un stick analogique, a été conçue en même temps que le développement de Mario 64, et longtemps après que d'autres studios aient démarré leurs recherches de jeux. Que la N64 devait à terme bénéficier d'un lecteur optique, qui sera abandonné au profit de l'extension par disque dur DD64 sur le territoire japonais. Ce qui a entraîné l'abandon de Square au profit de la PlayStation pour son carton qu'a été Final Fantasy VII. Que la date de sortie en France a été décalée car la branche locale de Nintendo n'était pas en super forme... Impossible ici de poursuivre cette liste car l'ouvrage n'est composé que d'incroyables rebondissements, à tel point que Patrick Hellio semble parfois se rapprocher du polar. En bon détective, il vous emmène sur les traces disséminées ici et là pour reconstituer la vie et la mort d'une console improbable, attendue et décriée, adorée et rejetée, pour devenir des années après un objet de culte par de nombreux joueurs nostalgiques. Convaincus ?



Un livre qui se dévore, mais pour les images il va falloir rallumer votre machine.


Chose étrange, cet ouvrage est à l'image de la Nintendo 64 elle-même : un étonnant paradoxe, composé de sursauts de génie confrontés à des mécaniques désuètes. À commencer par le format de l'ouvrage : Third Editions propose un compromis, pas vraiment un grand format, mais pas vraiment un livre de poche non plus. Le résultat n'est pas très maniable : un livre intransportable dans une poche et un peu trop large, à la couverture souple. Sa prise en main n'est clairement pas des plus agréables, on regrette la couverture cartonnée et le marque-page intégré de Resident Evil par exemple. De plus, hormis le travail de couverture assez cool réalisé par Pierre Roussel, l'intérieur du livre est absolument dénué de visuels. Oui, on le sait, ça n'est absolument pas le même travail mais il est vrai que proposer un texte brut, sans photos, captures ou illustrations, manque au produit global. Il est donc conseillé de garder un écran à proximité pour regarder les fameux trailers, démos techniques ou simplement les images de jeux que le livre évoque à tour de bras.



Avouez que ça vous démange de relancer Goldy ?


Pour l'anecdote, j'ai adoré la Nintendo 64. Ma découverte de la console a eu lieu lors d'un voyage scolaire en Allemagne en 1997, quand quelques-uns de mes camarades de classe, profitant du taux de change, se sont acheté avec leur argent de poche une manette de la console, qui n'était pas encore sortie. On s'est tous passé la manette de main en main et mon premier contact avec le plastique doux et chatoyant, le stick nerveux et parfaitement placé, ont ouvert mon imaginaire sur des mondes 3D inconnus jusqu'alors. Évidemment, personne ne comprenait le concept des trois poignées. N'ayant pas suffisamment d'argent de poche pour m'offrir la console quelques mois plus tard à sa sortie – ni même une manette, non mais qui étaient ces gens ? -, avec mon petit frère nous avons fait un pacte : la gagner à un concours. Et c'est ce que nous avons fait, en jouant à l'époque à Pikto sur Canal J : un jeu par téléphone à la télé, où il fallait peindre des murs blancs à l'aide de ses touches du combiné. Le délai de latence était incroyable, c'était mon frère qui répondait aux questions (j'étais trop vieux pour jouer), et c'est notre mère qui nous a soufflé la réponse à l'énigme finale. Résultat : une Nintendo 64, Rogue Squadron et F1 World Grand Prix sont arrivés quelques semaines plus tard au courrier. On était les enfants les plus heureux du monde.


Comme vous le voyez sur la cartouche Mario 64, on créait des étiquettes comme beaucoup de jeunes joueurs à l'époque.


📖 👀 À lire et à offrir : L'histoire de la Nintendo 64, la plus américaine des consoles, Patrick Hellio, Third Editions, 2023, 216 pages, 24,90 €.

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