Test | Martin Mystère – la BD à portée de clic
16 nov. 2005

Testé par sur
Martin Mystère

Inspiré de la BD éponyme, Martin Mystère, le jeu, a récemment fait son apparition dans les bacs. Le succès plutôt inattendu de Runaway a remis le point'n'click au goût du jour, et le genre accueille ainsi une nouvelle aventure mettant en scène le célèbre "détective de l'impossible" et son fidèle acolyte Java. Les amateurs (du genre comme de l'oeuvre) apprécieront l'attention, mais, face au vénéré Myst V et à l'arrivée prochaine de Runaway 2, l'investissement vaut-il vraiment le coup ?

On nous aurait menti ?

Ceux qui connaissent la série animée et non la bande dessinée, seront certainement surpris en découvrant la jaquette du jeu. En effet, celui-ci s'inspire de l'oeuvre originale, qui n'a pas grand chose à voir avec son adaptation télévisée, si ce n'est le nom des personnages principaux – Martin Mystère (quelle surprise), Diana et Java. Ne croyez donc pas le pipeau qu'on vous claironne au dos de la boîte : c'est uniquement de la BD qu'est tiré le jeu. C'est ainsi qu'on y incarne un new-yorkais trentenaire spécialisé dans les enquêtes à tendance surnaturelle, aidé dans son entreprise par sa pulpeuse et éternelle fiancée, et surtout par une armoire à glace rescapée du Néanderthal qui ne s'exprime que par des grognements (mais que les deux conjoints comprennent parfaitement, un peu comme Lassie dans la série bien connue). Voilà, le décor est planté. Rentrons donc dans le vif du sujet.

Pitch : en-cas brioché aux pépites de chocolat

Ce cher Pr. Eulemberg ne vivait pas dans un cabanon.

L'aventure commence alors que notre héros apprend la mort pas tout-à-fait accidentelle d'un certain Professeur Eulemberg. Il devra donc rejoindre le lieu du crime et aider la police à résoudre cette sombre affaire. Cependant, sa première mission sera tout d'abord de réussir à sortir de chez lui, sachant qu'il est en robe de chambre et que sa douce Diana est visiblement partie avec la clef de la penderie, précisément pour qu'il ne sorte pas et qu'il se repose. Mais il en faut davantage pour arrêter M. Mystère, qui finira même par aller poser ses questions jusqu'au Mexique. Il y découvrira alors un lien particulier entre la civilisation aztèque et le mythe de la vie éternelle, le genre de rapprochement qui n'étonnera pas beaucoup les habitués de la BD. Au fur et à mesure de sa progression, Martin notera dans son petit bloc-notes, accessible depuis l'inventaire, là où il en est dans l'histoire ; dans la pratique, c'est un peu vague, mais utile si on reprend la partie au bout d'une semaine voire un mois.

Une prise en main pas si évidente que ça

Bon, pas d'action possible sur les enveloppes. Mhhh, on dirait qu'il y a quelque chose dessous...

Classique dans ce genre de jeu, l'ergonomie est fondée sur le principe d'un curseur qui change d'icône en fonction de l'action possible : une croix par défaut, une loupe pour décrire un objet, une main pour le manipuler ou le ramasser, une bulle de BD pour entamer la conversation avec quelqu'un, et un engrenage pour associer deux objets entre eux. Et lorsque plusieurs actions sont possibles, on change de curseur avec le clic droit. Enfantin. Enfin, c'est ce qu'on croit. Parce que souvent, certaines actions sont ambiguës. Par exemple : après avoir ramassé une clef, parfois il faudra l'associer à la serrure adéquate, et parfois simplement manipuler la porte (et la clef s'utilisera toute seule). Ce genre de comportement variable est très perturbant. Entre autres conséquences, il arrive ainsi de croire qu'on est bloqué alors qu'on ne l'est pas, ou encore, il arrive qu'on s'arrache la moitié des cheveux de la tête tout en maugréant une malédiction vaudou envers les développeurs du jeu. Mais bon, passons. Un coup d'œil dans l'original manuel de jeu nous apprendra la dernière touche à connaître : F1, pour accéder au menu de sauvegarde et de chargement.

Martin fait du bricolage

Environ la moitié des objets de l'inventaire restera inutile jusqu'à la fin. Ceci dit, certains sont amusants.

Attardons-nous maintenant sur le cœur de ce genre de jeu : les énigmes. Ici aussi, le jeu fait dans le classique : on fouille partout (quitte parfois à utiliser l'ancestrale technique du balayage minutieux de l'écran), on papote avec tout le monde, et on essaye toutes les associations d'objets auxquelles on pense dès qu'on est un peu bloqué. Car il arrive que le jeu sombre allègrement dans les travers habituels du genre, à savoir que certaines actions à réaliser sont tout-à-fait indevinables pour le commun des mortels, tandis que d'autres semblent évidentes alors qu'elles ne fonctionnent pas (dans de tels cas, une soluce peut s'avérer salvatrice pour la santé mentale du joueur). On peut tout de même signaler quelques bonnes idées, comme notamment le fait que l'une des énigmes fasse intervenir la boîte originale du jeu. Mais globalement, un seul mot d'ordre : bien retenir les descriptions d'objets, car elles dissimulent souvent une indication sur la façon de les utiliser.

Ahreu...

Quelques courtes scènes cinématiques ponctuent l'aventure.

Malheureusement, la très mauvaise traduction des textes rend indéchiffrables certaines de ces fameuses indications : mots manquants, orthographe ou grammaire grossière, traduction approximative... Mais bon, la plupart du temps, on comprend. La traduction n'est pas le seul point noir de la réalisation : les personnages ne sont pas franchement détaillés, les animations sont sommaires et mal calées, et quelques gros plantages surviennent occasionnellement. Malgré tout, ces problèmes-ci ne sont pas réellement handicapants pour un point'n'click. Côté bons points, par contre, on apprécie par exemple que chaque interlocuteur ait sa propre couleur de texte durant les dialogues. Au niveau du son, les musiques ne sont pas extraordinaires mais restent correctes, bien qu'inégales. Pour vous donner une idée du style, elles rappellent celles des séries animées Tintin et Blake & Mortimer. Et puisqu'on parle du son, il y a quand même quelque chose d'assez gênant de ce point de vue : la coupure et la reprise brutale de la musique avant et après une période parlée. Autant de petits détails qui témoignent d'une finition très moyenne.

Dernier tour d'horizon

La carte est accessible à tout moment, et c'est d'ailleurs très pratique.

Eh bien voilà, vous savez presque tout ce qu'il y a à savoir sur ce Martin Mystère : Opération Dorian Gray. Toutefois, il me reste encore quelques précisions à vous livrer, et en premier lieu, que le jeu possède un humour omniprésent qui pousse à poursuivre l'aventure au moins autant que le scénario. De plus, d'amusants clins d'oeil sont disséminés dans le jeu, et il est toujours rigolo d'en découvrir un nouveau entre deux énigmes biscornues. Il y aurait bien d'autres remarques à faire, notamment sur l'inventaire basique et peu pratique, mais l'important a déjà été dit. Notez qu'en guise de bonus, au fur et à mesure que vous avancerez dans l'aventure, vous débloquerez quelques illustrations (artworks, etc), et que vous pourrez également revoir chacune des petites séquences cinématiques que vous avez déjà vues. Sachez enfin que le jeu tourne parfaitement bien sur de toutes petites configs (cf. notre config de test).
Les Plus
  • La licence bien choisie et bien retranscrite
  • Les décors variés et agréables
  • L'humour
  • Les multiples clins d'œil (au développeur, à l'auteur de BD, etc) qui parsèment le jeu
  • L'originalité du livret, présenté comme un journal
Les Moins
  • L'ergonomie, soit changeante, soit simplement mauvaise
  • Certains blocages injustifiés
  • Les textes horriblement mal traduits (heureusement, ce ne sont souvent "que" des fautes d'orthographe ou de grammaire)
  • La réalisation obsolète
Résultat

Cette seconde adaptation du développeur Artematica (après Druuna en 2001) fait pâle figure. Un point'n'click qui, certes, peut revendiquer de jolis décors, un humour fort sympathique et un scénario dans la lignée de l'oeuvre originale (bien que beaucoup moins dense) ; mais désolé les amis, il s'agit d'un jeu, d'un truc interactif quoi, pas d'une BD. Le tableau est gâché par une ergonomie aléatoire et des blocages aussi injustifiés que frustrants ; sans quoi le jeu serait très agréable, dommage. Une progression laborieuse qui n'aide pas à pardonner les nombreux autres défauts, moins gênants. Un conseil : découvrez plutôt la licence en lisant quelques bandes dessinées, et jouez à Myst V ou attendez Runaway 2 (plus proche de l'univers d'Alfredo Castelli que ne l'est la saga de Cyan). Un titre presque moyen, en deçà des autres productions éditées par Nobilis, et qui justifie donc un peu moins sa trentaine d'euros.

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