Test | White Night
19 mars 2015

Des sueurs froides audacieuses

Testé par sur
Aussi disponible sur
White Night

En dehors de quelques actualités, White Night s'est plutôt fait discret avant sa sortie. À vrai dire, il aura fallu attendre l'apparition du jeu sur le Xbox Live, un mois avant son arrivée et avec un trailer intrigant, pour sentir l'enthousiasme et les frissons monter en nous. Vendu comme une aventure cinématographique, le titre de OSome Studio est avant tout un grand jeu.

L'histoire

Il serait ridicule de résumer l'aspect cinématographique de White Night à son esthétisme. Évidemment, nombreux sont ceux qui verront en sa direction artistique (et dans le protagoniste narrant l'histoire) un hommage à Frank Miller et son Sin City, ou encore un clin d'œil au film français Renaissance – prouesse graphique datant déjà d'une dizaine d'années. De plus, les cinéphiles ne manqueront pas de remarquer les coups de coude à Alfred Hitchcock, le cinéaste britannique qu'on ne présente plus. De Rebecca au manoir de Psychose, White Night fait plus ou moins dans la finesse ; un peu comme son discret héros se réfugiant dans la bâtisse après avoir percuté une femme en voiture. Un manoir lugubre et qui, comme vous en doutez, vous promet une nuit blanche teintée d'angoisses.

Mais ce serait résumer l'aspect cinématographique d'un jeu à l'intégration de références ; ce qui, entre nous, est une vision bien simpliste de la chose. Si White Night se revendique légitimement comme lorgnant vers le septième art, c'est avant tout pour l'omniprésence de la mise en scène. Chaque plan fixe simule la place du personnage, à mi-chemin entre l'ombre et la lumière, entre la mort et la vie. Ici, chaque geste anodin ou axe de caméra a valeur d'effet d'annonce donnant de la densité à l'histoire (pourtant simple). Un constat d'autant plus flagrant au début du jeu, alors que le héros titube juste après son accident. Les valeurs de plan (souvent étonnamment éloignées) participent globalement à cette sensation singulière de nos jours : celle de ne jamais être à sa place.
Une vraie mise en scène

Le principe

Le début du jeu est génial, aussi bien pour ce qui est de la narration que de la mise en scène.

Le fait de ne jamais être à sa place, c'est aussi le moteur de gameplay de White Night. Le jeu se base sur une idée on ne peut plus simple : la lumière est salvatrice, et chaque seconde passée dans la pénombre aura raison de vous (et de votre santé mentale – la vôtre mais aussi celle du protagoniste). Pour vous filer un mince coup de main, le propriétaire des lieux a jugé bon de laisser des boîtes d'allumettes ici et là, allumettes qui vous servent presque uniquement à progresser dans le noir. En effet, et c'est tout le côté extrême de White Night (à en devenir maboule) : ces allumettes ne vous servent jamais à venir à bout des ennemis, des ombres sournoises qui rôdent dans la maison. Là encore, la mise en scène joue un rôle prépondérant. Constitué de plans fixes, le jeu transforme le manoir parcouru en un labyrinthe dans lequel vous perdez vos repères. De ce fait, les allers-retours liés aux énigmes sont pour le moins stressants, et il n'est jamais simple de se souvenir de l'emplacement exact des pièces. Les allumettes se consument donc rapidement, ce qui renforce la tension omniprésente. De même, la présence de points de sauvegarde sporadiques est légitime : comme dans Alien Isolation, vous avez autant peur de perdre votre progression que le personnage de perdre la vie.

Toutefois, à force de faire des choix radicaux et d'inscrire son concept dans un système formel, White Night prône parfois les intentions cinématographiques au détriment du ludisme. Ainsi, il n'est pas rare que le titre fasse dans le symbolisme exacerbé. C'est le cas, par exemple, lorsque l'on se rend compte que le héros est véritablement prisonnier de ce système tournant autour de l'ombre et de la lumière. Impossible pour lui, notamment, de prendre un objet si celui-ci n'est pas illuminé, y compris une clé que l'on sait présente à tel ou tel endroit. De même, le bonhomme peut interagir avec un décor seulement si celui-ci est éclairé, et s'il a les deux mains libres. Un exemple criant reste ce couteau planté dans une table de la cuisine : vous le voyez avec votre allumette, avez envie de le saisir, mais la manipulation ne sera possible que si vous éclairez préalablement la pièce grâce à un interrupteur, tout cela pour pouvoir éteindre l'allumette et retirer le couteau (obligatoirement) avec les deux mains. Le genre de détails qui a tendance à vous désolidariser de l'action et du personnage. Dommage.
Un jeu d'ombres au centre de tout

Pour qui ?

Lorsque vous parvenez à les éclairer, les fauteuils font office de points de sauvegarde.

White Night ne se destine pas à tout le monde. Ses choix radicaux ne feront qu'entraîner de la frustration chez bien des joueurs. Ce jeu, c'est aussi le retour de la bonne vieille "soluce" à consulter sur internet après avoir tourné en rond pendant de longues minutes, à griller des allumettes parfois jusqu'à en mourir. En d'autres termes, White Night cible avant tout les joueurs férus d'analyses, capables de comprendre le cinéma, ainsi que ceux des années 90 qui n'avaient pas peur de supporter des énigmes tordues et des game over.
Les vieux de la vieille

L'anecdote

Typiquement le genre de situation qui fait peur.

White Night propose une vision assez terrifiante de la peur. Dans le jeu, chaque mètre parcouru dans le noir représente un danger, d'autant que l'exploration est souvent au cœur des énigmes. En plus de vos allumettes, il vous est parfois possible d'actionner des interrupteurs pour allumer des lampes (seul moyen de venir à bout des spectres). Une phase de recherche effrayante, surtout que les systèmes d'allumage ne sont jamais mis en évidence. À vous de scruter les murs avec une allumettes... Et si vous passer à côté du Graal lumineux, tant pis pour vous !
Seul dans le noir
Les Plus
  • Très joli
  • L'écriture qui ajoute du cachet
  • Un parti pris graphique qui fait office de système formel pour l'intégralité du concept
  • Des intentions artistiques tranchées, rares de nos jours
  • Une vraie mise en scène cinématographique
  • Une horreur à la fois invisible et omniprésente
  • Le jeu est long (une dizaine d'heures en comptant les morts)
Les Moins
  • Un jeu qui semble parfois sacrifier la cohérence et le bon sens sur l'autel de l'horreur
Résultat

White Night est un jeu élitiste. Il ne faut pas simplement aimer le cinéma pour pouvoir l'apprécier, mais plutôt être capable de le comprendre. En effet, beaucoup de choix paraitront insensés à bon nombre de joueurs, qu'il s'agisse de l'aspect die'n retry ou de la gestion terrifiante des points de sauvegarde. Néanmoins, ces derniers sont autant de signaux forts au service d'une horreur parfaitement mise en scène. En ce sens, le jeu ne tient pas tant d'Hitchcock – même si des clins d'œil et thématiques y sont liés – que du cinéma en général. Probablement le jeu le plus cinématographique de ces derniers mois, loin devant certains blockbusters qui, derrière des prétentions semblables, trébuchent lamentablement.

Partagez ce test
Tribune libre