Test | Dungeon Siege
17 avr. 2002

Testé par sur
Dungeon Siege

Annoncé comme le "tueur de Diablo", autant dans son gameplay que dans ses graphismes, le nouveau jeu de Chris Taylor (le créateur de Total Annihilation) avait tout l'air d'être ce qu'on en annonçait. L'est-il ? L'est-il pas ? Plus de détails après le lien...

Un jeu qui marche au gaz, sans mauvais jeu de mots

S'il y a un jeu que les amateurs de Diablo attendaient au virage, il s'agit bien de Dungeon Siege, premier né de la société Gas Powered Games, fondée par le célèbre Chris Taylor qui avait travaillé pour Cavedog sur l'élaboration Total Annihilation en son temps, et qui avait créé la nouvelle société peu après la regrettable fermeture de Cavedog. Quoiqu'il soit vrai qu'on leur aurait presque pardonné le cauchemardesque Total Annihilation Kingdoms, il n'en reste pas moins que le flop total de ce dernier est probablement une des causes majeures de la disparition de Cavedog, quoique les causes n'en aient jamais été totalement éclaircies par les gens concernés.

Exit Cavedog, Incipit Gas Powered Games

Le quasi-tout début du jeu

Toujours est-il que quand une compagnie comme Cavedog s'éteint, ses employés, eux, n'en meurent pas pour autant ; preuve en est Chris Taylor, dont les idées ne manquent pas, qui n'a pas hésité à partir dans une direction toute autre qu'un hypothétique Total Annihilation 2, et pas n'importe quelle direction : le "hack n'slash", jeu de massacre de monstre à la centaine où toute réflexion dans la manière de jouer est à proscrire, le tout avec beaucoup d'épées, de haches, de magies qui font boum, de zombies, de démons baveux, et un zeste d'éléments de jeux de rôle. Ce marché est bien entendu contrôlé exclusivement par l'incontournable Diablo, ainsi bien sûr que par sa suite Diablo 2, adversaires titanesques en termes de concurrence. Si des jeux comme Darkstone avaient tenté de contrer l'infatigable Diablo, ils n'y avaient que très superficiellement réussi, et bien vite les joueurs retournaient à leur fidèle jeu blizzardien. C'est pourtant précisément à ce marché du hack n'slash que Dungeon Siege s'attaque, non sans une réussite certaine, mais sans combler complètement les attentes des habitués de Diablo. Hélas.

Diablo VS. Dungeon Siege : Round 1 - FIGHT!

Toujours le tout début ; deux loups qui vous assaillent

Pas d'affolement (rapport au "hélas" plus haut), et qu'on se le dise, Dungeon Siege est un bon jeu. Comme ça, c'est dit, vous le savez, et on peut passer à autre chose. Non? Bon, alors on continue : bien que certains l'apprécient, il apparaît évident à beaucoup qu'on ne puisse pas considérer Diablo 2 comme une réussite graphique, là où par exemple son ancêtre Diablo avait étonné tout le monde par la réussite de son visuel. C'est tout d'abord à ce point faible de Diablo 2 que s'attaque Dungeon Siege, et l'entreprise a ici pleinement réussi ; Dungeon Siege est un jeu renversant de beauté, de détails visuels qui font plaisir, sans tomber dans l'excès. On peut facilement le considérer comme le plus beau jeu du genre, de très loin, car ici Diablo 2 ne fait absolument pas le poids, même s'il n'est pas totalement approprié de comparer un monde en 3D comme celui de Dungeon Siege avec la relative platitude des deux dimensions du monument de Blizzard.

Plein les mirettes

Tout seul dans une sombre forêt...

Comme vous pourrez le voir vous-même sur les images du jeu réparties ça et là dans ces pages, les développeurs de Gas Powered Games n'ont pas lésiné sur les détails visuels ; rien n'a été laissé au hasard, et même les pièces d'or tombées par terre ont leur minuscule texture, tout à fait réussie au demeurant. Les décors extérieurs sont de toute beauté : arbres, arbustes, panneaux indiquant la direction des lieux que vous serez amené à visiter, champs labourés, ponts, rivières, cascades, falaises vertigineuses, maisons, villes, châteaux, tours de garde, etc., bref, pour un peu, on s'y croirait. Le moteur graphique du jeu est clairement une réussite et donne une dimension gigantesque aux environnements du jeu ; ce qui n'est d'ailleurs pas entièrement faux (il faut environ une heure et demie pour traverser la campagne solo de bout en bout sans tuer de monstres ni jamais s'arrêter). La météo est aussi au rendez-vous dans les zones en extérieur, et vous aurez droit à pluie et/ou neige dans différents endroits du monde que vous explorerez au trot tout en fracturant les crânes de vos ennemis.

Toujours plus de plaisir visuel

Le détail des textures est proprement ahurissant

Quant aux environnements intérieurs, tels que grottes, cryptes, donjons et autres, ils ont eux aussi eu droit à leur dose de travail de la part des graphistes qui, là aussi, ont fait des miracles. On retrouve dans ces cryptes et autres cavernes le même genre d'ambiance pesante que dans les sombres souterrains de Diablo ; si l'ambiance sonore y contribue aussi, la réussite graphique est quand même l'élément central de cette atmosphère stressante, faite d'ombres fuyantes et de couloirs mal éclairés par des bougies ou des torches fatiguées par les courants d'air. Des détails en apparence insignifiants n'ont pas été laissés au hasard, jusqu'à des inscriptions presque lisibles sur les pierres tombales, ou la texture du bois, ou encore une apparente irrégularité de la pierre, envahie par les lichens.

Encore plus de jouissance oculaire

On aurait envie d'organiser un pique-nique ici !

Quant aux personnages, qu'ils soient joueurs, non-joueurs, monstres, amis, ennemis, tous sont des trésors de détail, et on ne peut ici que se plaindre d'une chose, à savoir que les visages sont totalement figés dans une expression neutre, quelles que soient les circonstances. Les textures appliquées aux personnages ou aux monstres, ainsi qu'à leurs armes et armures, sont de toute beauté, comme en témoignent ici aussi les images du jeu, et les développeurs semblent avoir diligemment réussi à trouver un compromis idéal entre détails élevés et un nombre de polygones raisonnable pour nos machines ; cela n'a pas empêché le jeu de ramer abominablement par moments sur la machine de test, mais on y reviendra. Les effets visuels de vos sorts sont aussi particulièrement réussis, qu'il s'agisse de sorts de soins, de boules de feu, d'éclairs, d'invocations ou autres ; bref, tout le visuel du jeu frise l'irréprochable.

John Williams Revisited

Pour la peine, on a dérangé le pique-nique des méchants

Autre point où Dungeon Siege excelle, l'ambiance sonore et musicale ; la musique, tout d'abord, est un modèle du genre, collant parfaitement à l'action, qu'il s'agisse d'un thème énergique et épique ou du grondement sourd et permanent des basses accompagnant vos pas dans des souterrains, tout ici est de circonstance, ajoutant par conséquent au plaisir de la vue celui de l'ouïe, et on ne va certainement pas s'en plaindre. De même, les bruitages sont tout à fait réussis, sans réellement justifier qu'on s'y attarde : râles, cris, bruits de ferraille, sons organiques, rien de révolutionnaire, juste ce qu'il faut, et après tout on n'en demande pas plus.

Je te tape, tu le tapes, il nous tape...

Un camp ennemi au bord d'un lac

En termes de gameplay, n'attendez pas de Dungeon Siege de quelconque fioriture tactique ou stratégique ; c'est là toute la force (ou la faiblesse, diront les mauvaises langues) du hack n'slash à la Diablo : de l'action pure et dure, zéro réflexion, zéro stratégie, on y va, on rentre dans le tas, et on fracasse tout ce qui bouge. C'est ce concept qui a fait le succès de jeux comme Gauntlet, ou bien évidemment Diablo. Dungeon Siege a renforcé encore davantage ce système en mettant en place une sorte d'IA, réglable par le joueur sur plusieurs niveaux, et perrmettant en gros de ne rien faire pendant les combats, sinon regarder comment ça se passe, et faire boire des potions à vos personnages qui en ont besoin. Fini de vous acharner sur le bouton de votre souris pour tuer du monstre, Dungeon Siege le fait à votre place. Avantage? Inconvénient? Manque d'interactivité? Ici, c'est le joueur qui décide de sa préférence en termes de gameplay, mais pouvoir se dispenser de passer ses nuits à cliquer sans arrêt est certes agréable.

Alors, la différence?

Un moulin dans une ville que vous visiterez

Si la comparaison entre Dungeon Siege et Diablo est sans cesse faite, c'est bien évidemment car il s'agit de jeux du même genre. Jusqu'à maintenant, n'ont été mentionnées ici que les similitudes évidentes entre le géant de Blizzard, et le géant en puissance de Gas Powered Games ; qu'en est-il des différences? Effectivement, il y en a, pas toujours fondamentales, mais qui méritent mention. Tout d'abord, le système d'expérience est totalement différent : Dungeon Siege ne connaît pas de classes de personnages, et aucun personnage n'est prédestiné à combattre dans tel ou tel style. Quatre types de combat vous seront proposés, à savoir combat rapproché ("Melee"), combat à distance ("Ranged"), magie naturelle ("Nature Magic") et magie de combat ("Combat Magic").

"MONTJOIE !"

Les décors des maisons que vous visiterez sont aussi de toute beauté

Vous gagnez de l'expérience dans ces compétences en vous battant dans ce style, mais pas forcément en tuant des ennemis ; uniquement en leur tapant dessus ; concrètement, cela signifie que vous gagnez de l'expérience en permanence, dès lors que vous vous battez. L'idée est très bonne, et son application tout à fait efficace ; par ailleurs, le jeu utilise trois attributs de base, à savoir Force, Dextérité et Intelligence. La force se rattache bien sûr au combat rapproché, la dextérité au combat à l'arc, et l'intelligence aux deux types de magie. Selon le type de combat dans lequel vous vous spécialisez, vous gagnerez plus vite de l'expérience dans l'attribut qui y est rattaché, ce bien sûr aux dépens des deux autres attributs. Concrètement, cela signifie qu'un guerrier augmentera naturellement vite son attribut de force et sa compétence de combat rapproché ; les compétences de combat à distance et de magie ne bougeront pas d'un iota, sa dextérité montera à une vitesse moyenne, et son intelligence frisera la stagnation totale. L'avantage du système est que vous pouvez faire des personnages beaucoup plus polyvalents que ceux de Diablo, limités dès le départ par la classe que vous avez choisie pour votre héros.

M'enfin ils sont où les défauts?

Votre inventaire et votre écran de statistiques

A présent, il faut clarifier les choses : si Dungeon Siege et Diablo sont des jeux comparables, et si Diablo ne tient pas la route face à Dungeon Siege en termes de graphismes ou plus simplement d'ambiance, le monstre de Blizzard a quand même une expérience dont Gas Powered Games semble manquer, dans la mesure où leur jeu manque de la profondeur de Diablo, en plus d'un certain manque de plaisir à monter son (ses) personnage(s). Le fait de changer de niveau dans Dungeon Siege ne requiert aucune réaction du joueur, sinon son acquiescement de la chose en tant que fait. Le jeu se limite à un message et un petit son pour vous l'annoncer, et c'est tout ; vous pouvez continuer à fracasser du monstre pendant ce temps, peu importe, vous n'avez pas les cinq petits points à attribuer dans vos compétences, tout est géré pour vous, tout seul, et cela pourrait être frustrant pour certains joueurs. Il eût été facile d'ajouter ce système de points et d'approfondir la gestion des armes, en séparant par exemple l'usage des épées de celui des haches ou des masses d'armes, comme dans Baldur's Gate et consorts, et ainsi permettre plus de choix au joueur, sans pour autant l'isoler dans ses choix.

Et aussi...

Dans la comparaison avec Diablo, Dungeon Siege n'échappe pas non plus à un aspect quelque peu lassant. D'une longueur d'environ 20 heures en jouant de manière soutenue, sans trainer, le jeu de Chris Taylor ne vous laissera pas de temps morts trop longs entre deux combats, sinon bien sûr dans les villes que vous visiterez. Cela signifie que pendant minimum 20 heures de votre vie, vous allez être le témoin / acteur d'une tuerie incessante, doublée de la relative interactivité de vos clics dans un monde ne laissant pas beaucoup de place à la liberté de mouvement, ainsi que de l'usage régulier des raccourcis clavier pour les potions de santé et de mana. La liberté de mouvement est aussi un défaut de Dungeon Siege, dans la mesure où il est linéaire au possible. Le monde de la campagne solo est une grosse ligne droite dont vous ne pouvez dévier, et la position des monstres est prédéfinie. La campagne multi se démarque du solo à ce niveau, mais on y reviendra. En bref, pour résumer, pas de génération aléatoire de donjons à la Diablo, le monde est ici préconstruit. Chose agréable, le jeu n'a besoin que d'un seul chargement, au demeurant court, après quoi vous pouvez, si vous le voulez, jouer tout le jeu d'une traite sans vous arrêter et sans jamais voir un écran de chargement, un peu comme dans Diablo 2, quoique même ce dernier imposait des temps de chargement à chaque changement d'épisode.

Ah, le linéaire...

Un bel exemple du rendu de la perspective et du relief dans le jeu

C'est bien là le point noir de Dungeon Siege : comme déjà mentionné plus haut, il est totalement linéaire. Concrètement, cela signifie que vous devrez tout accomplir dans un ordre prédéfini et immuable ; le jeu offre quelques quêtes très secondaires, qui néanmoins ne vous rapporteront pas grand chose, excepté une ou deux d'entre elles. Cet état de faits est certes regrettable, quoiqu'ici Diablo 2 ne puisse pas réellement se vanter d'avoir fait mieux, et si vous voulez du non-linéaire, orientez-vous plutôt vers Baldur's Gate 2, qu'on ne saurait trop vous recommander malgré les différences fondamentales de gameplay entre ce dernier et Dungeon Siege.

Et le multijoueur?

Hou qu'ils sont baveux.

Evidemment, impossible de parler d'un tel jeu sans parler du mode multi, bien présent, et c'est tant mieux. Jouable par IPX, TCP/IP direct, ou via les serveurs de Microsoft (Zone.com, anciennement connu sous le nom d'IGZ (Internet Gaming Zone), Dungeon Siege vous propose en multi de rejouer la campagne solo à plusieurs, en coopératif bien sûr, ou même par équipes séparées, libres ou non de s'entretuer sur le champ de bataille (à noter que la possibilité de vous entretuer est activable ou désactivable à volonté dans les options), ou de jouer une campagne totalement différente, faite cette fois un peu à la manière d'un MMORPG, quoique dans un environnement moins vaste.

Utrae - Basilicus - Helios

Beaucoup de bave et de pattes velues

Là où la campagne solo n'offre qu'un seul chemin possible, la campagne multi vous permet de vous promener à votre aise partout où vous le désirerez et d'aller aux différents endroits du jeu par différents moyens, que ce soit à pied par le plus court chemin, toujours à pied, cette fois par l'un ou l'autre chemin plus long, ou encore de vous servir de ce qui s'appelle le "Basilicus", autrement dit un système de téléportation vous permettant d'accéder aux huit villages de la campagne sans devoir y aller à pied. L'accès à ces villages est d'ailleurs restreint par le niveau de votre personnage, allant du niveau 1 pour le village de base au niveau 50 (environ) pour le dernier village. La campagne multi est en revanche très pauvre en quêtes, et votre seule tâche sera de réunir 8 pierres, ce qui est relativement vite fait une fois que votre personnage a atteint un niveau respectable. Si votre héros n'a, en revanche, pas le niveau, l'accès aux différentes zones lui sera automatiquement interdit, soit par le Basilicus qui vous dira que votre niveau est insuffisant, soit par des monstres qui se feront un plaisir de vous faire très mal en très peu de temps, vous invitant par la même occasion à filer à l'anglaise.

Beuh?

Autre point notable de la campagne multi : vous y retrouverez les mêmes endroits que dans la campagne solo, quoique sous des noms différents, et souvent dans d'autres contextes. On peut soit considérer cela comme positif, dans la mesure où vous aurez l'impression relative de vous promener dans le même monde, sans que sa disposition soit identique, ou voir la chose négativement et penser que les développeurs ont simplement choisi une solution de facilité en ne différenciant pas fondamentalement le monde de la campagne solo de celui de la campagne multi.

Qu'à cela ne tienne...

Un des boss que vous rencontrerez

Mais ce qui rend Dungeon Siege très intéressant (encore plus qu'il n'était déjà, devrait-on dire), c'est la disponibilité prochaine de l'outil de génération de campagnes, annoncé comme suffisamment puissant pour pouvoir produire des campagnes de l'acabit de celles fournies avec le jeu, en plus d'être relativement facile d'utilisation. Dans la mesure où, bien sûr, ledit éditeur n'est pas encore disponible à l'heure de l'écriture de ce test, il n'en reste pas moins que sa sortie est, dit-on, imminente, et il va de soi que nous vous en tiendrons informés. Plus concrètement, cela signifie que si les joueurs se prennent au jeu (autant au sens concret que figuré), Dungeon Siege pourrait acquérir une dimension inégalée et apporter au joueur une variété infinie, outre bien sûr les choix discutables des développeurs au niveau de la gestion de vos personnages.
Les Plus
  • Les graphismes ahurissants
  • L'ambiance sonore
  • Le facteur fun
  • La rejouabilité quasi-inépuisable du jeu grâce à l'éditeur à venir
Les Moins
  • Pourra en ennuyer certains
  • Manque quand même de profondeur comparé à Diablo
  • Un peu exigeant en termes de puissance pour votre PC
Résultat

En bref, s'il est vrai que Dungeon Siege ne tient pas réellement la comparaison avec Diablo 2 en termes de gameplay, il n'en reste pas moins un très bon jeu qui devrait satisfaire tout amateur de hack n'slash, aussi fanatique de Diablo qu'on puisse être. À noter, la présence de nombreux Coréens sur les serveurs de Zone.com, ce qui indique que même les plus fervents vénérateurs de Blizzard, représentée en l'occurrence par la communauté des joueurs coréens, peuvent vouloir essayer autre chose que le jeu phare de la compagnie d'Irvine. Et c'est exactement ce qu'on vous recommande vivement de faire, à vous fans de Diablo, à vous qui n'avez jamais essayé un hack n'slash, ou à vous qui cherchez un peu de détente pour vous changer radicalement de votre Counter-Strike ou Quake3. Si vous cherchez un jeu amusant, défoulant, scandaleusement bien fichu comme il est rarement donné d'en voir, quoi qu'il arrive, Dungeon Siege est fait pour vous, et on ne saurait trop vous le conseiller et vous le répéter.

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