Test | Immortals of Aveum
28 août 2023

Jack et les gantelets magiques

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Immortals of Aveum

Beaucoup étaient méfiants au sujet de Immortals of Aveum. "Un FPS de plus par EA, SU-PER !" Pourtant, les présentations du titre montraient un étrange mélange entre jeu de tir old school et pouvoirs magiques. Accessoirement, le jeu fait partie de l'excellent label EA Originals (sur lequel nous retrouvons, par exemple, des titres de Josef Fares comme A Way Out et It Takes Two). Enfin, dernier élément susceptible de rassurer : Immortals of Aveum a été dirigé par Bret Robbins, homme visiblement discret mais ayant participé à Dead Space et au Seigneur des Anneaux : Le Retour du Roi (ça ne nous rajeunit pas !).

L'univers

L'univers édulcoré d'Immortals of Aveum a le mérite d'être relativement original dans l'industrie du jeu vidéo. C'est d'ailleurs une chose étonnante puisque le thème de la magie se prête plutôt bien au médium. Le titre nous plonge au milieu d'une guerre magique opposant deux camps, et dans laquelle le jeune Jack se retrouve pris au piège. Après avoir perdu ses proches, il découvre un pouvoir que le camp du bien a préféré récupérer, en lui proposant de le former à combattre pour l'armée. Vraiment rien de surprenant sur le papier. Non, ce qui fait un peu le sel d'Immortals of Aveum, c'est le ton de son histoire qui se rapproche des séries pour ados présentes sur les services de streaming (comme feu Motherland : Fort Salem). Pour le coup, il faut avouer qu'en dehors du jeu Forspoken sorti en 2023, le filon a finalement été assez peu exploité.
Un univers qui plaira à certains

Le principe

On va pas se mentir. Sous certains angles, le héros a parfois des airs de Robert Pattinson...

La vraie bonne surprise d'Immortals of Aveum reste toutefois son gameplay sans fioriture. En fait, un peu à l'instar de son scénario et de son héros, le titre est bas du front mais l'assume plutôt bien. Les mécaniques de jeu sont assez nombreuses tout en étant très simples. Vous disposez de gantelets vous permettant de lancer des projectiles magiques bleus, verts ou rouges. Ces derniers servent évidemment à abattre des ennemis, mais aussi à résoudre quelques casse-têtes pas bien compliqués (repérer des gemmes et tirer avec la bonne couleur sur celles-ci, etc.). Toutefois, le gameplay s'avère assez nerveux pour inciter le joueur à garder la manette en main. Lors de ses affrontements, Immortals of Aveum a une nervosité qui rappelle vaguement les FPS d'antan, tout en intégrant des pouvoirs plus ou moins modernes (ralentis, ondes d'énergie, lasso, bouclier, rayon étourdissant, lévitation, etc.). En découle l'impression d'avoir un peu affaire à une version pour ados du très bon Bulletstorm.

L'autre réussite du titre vient du fait qu'il ne cherche pas à se prendre pour ce qu'il n'est pas. Ici, on ne fait pas dans la réflexion et explorer les lieux n'implique pas d'efforts insurmontables. D'ailleurs, la rapidité à laquelle bouge notre personnage n'est pas sans rappeler Mirror's Edge (au passage, le début du jeu fait un peu penser à ce dernier) et il y avait sûrement quelque chose de mieux à faire en mixant ces deux licences (le parkour stylisé du jeu de 2016 et l'action d'Immortals of Aveum). Toujours est-il que vous devez trouver des caisses et coffres présents dans l'environnement. Dedans, vous récupérez de la vie ou du mana (donc en mode old school) mais également de l'or pour améliorer vos différents équipements. Le loot présent dans Immortals of Aveum n'est pas primordial, mais le plaisir d'augmenter ses babioles a là aussi quelque chose d'assez régressif et satisfaisant (chaque gantelet ayant sa propre cadence de tir et façon de "tirer"). Si bien qu'on se prend véritablement au jeu de la course à la magie. Un sentiment renforcé par l'abondance de ressources – certes un peu ridicule en termes de cohérence et d'univers – qui incite à fouiller les décors pour gagner toujours plus de puissance.

Enfin, s'il n'en a pas l'air de prime abord, Immortals of Aveum est une sorte de pseudo monde ouvert. Ainsi, vous avez la possibilité de vous téléporter dans les différents niveaux afin de les parcourir de nouveau pour récupérer des ressources jusqu'ici inaccessibles. Si ce côté Metroidvania peut sembler dispensable (il l'est, le jeu n'étant pas difficile en mode Normal), l'efficacité du level design peut pousser à chercher le 100 %, voire même à recommencer l'aventure une fois celle-ci terminée. C'est un peu étonnant pour un jeu si propret et gentillet, mais disons qu'Immortals of Aveum a avant tout la bonne idée de proposer au joueur de se divertir sans trop réfléchir.
Alternance entre combats dynamiques et exploration efficace

Les graphismes

Passé un stade, comme les rails de Bioshock Infinite, les flux d'énergie permettent de se déplacer.

Le principal problème d'Immortals of Aveum, c'est qu'il est vendu plein tarif malgré un budget visiblement restreint. D'ailleurs, le début de l'aventure est un peu trompeur : plutôt jolie, l'introduction laisse finalement place à un jeu certes véloce, mais en dessous des grosses productions actuelles. Si bien que le titre aurait facilement pu sortir sur Xbox One et PlayStation 4. La définition de l'image semble se cantonner au pire de l'ancienne génération, les textures sont parfois crados et certains effets spéciaux (flux d'énergie, etc.) paraissent même particulièrement pixelisés. On se réconfortera simplement avec des ambiances basiques mais variées (verdure, lave, neige, etc.). C'est franchement dommage, car le côté pop-corn/blockbuster de l'expérience aurait gagné à en mettre plein la vue. De même, s'il était sorti sur Switch (et franchement, quand on voit certains portages, on pense que le game design aurait pu le permettre), le jeu aurait bénéficié d'un tout autre engouement en évitant des comparaisons qui, dans le cas présent, vont forcément faire mal. On va quand même espérer une mise à jour graphique par la suite...
Une génération de retard

Pour qui ?

Onde de choc, "missiles" téléguidés, rayon laser... vous avez le choix.

Le paradoxe d'Immortals of Aveum, c'est qu'il est vendu plein tarif. C'est dommage, d'autant plus qu'il bénéficie du label EA Originals. L'éditeur a donc sûrement conscience du côté atypique du jeu, et du fait qu'il ne va pas forcément être facile à vendre. Par conséquent, mettre le titre à 50 voire 40 euros aurait certainement aidé à faire passer la pilule. En matière de ressenti, l'expérience se destine finalement aux gens qui cherchent des jeux pas trop exigeants, notamment pour se changer les idées le temps de quelques soirées. Si nous ne devions citer que deux exemples, nous citerions le très moyen Thief ou l'excellent Mirror's Edge : Catalyst... Vous voyez l'esprit ?
Le prix de l'originalité

La réflexion

Dans les réussites liées à l'exploration : il est possible de sauter sur beaucoup d'éléments.

Le jeu vidéo se prête plutôt bien au thème de la magie, et il est par conséquent regrettable qu'Immortals of Aveum n'ait pas profité de l'occasion pour livrer un vrai discours artistique sur tout cela. Le jeu aurait par exemple pu/dû être plus sombre, et se servir de la magie pour camoufler un discours plus radical. Sur le plan du scénario, mais aussi sur la place qu'aurait pu avoir le joueur vis-à-vis de l'expérience. D'autres jeux vidéo tels que le sous-estimé Ni No Kuni sont parvenus à utiliser ce thème avec brio. L'une des malédiction d'Immortals of Aveum est qu'il aurait pu être bien meilleur, aller bien plus loin dans le fond comme dans la forme... et qu'une suite risque précisément d'être difficile à mettre en chantier. Oui, la comparaison avec Mirror's Edge : Catalyst était décidément de rigueur.
Et vos idées ont du génie ?
Les Plus
  • Des combats plutôt dynamiques
  • Un jeu où on pose son cerveau, et qui demande peu d'efforts
  • Le level design, plus malin qu'il en a l'air
  • Une gestion de l'expérience et des améliorations qui incitent franchement à jouer
  • Un aspect semi-ouvert qui fonctionne plutôt bien
  • Une deuxième moitié dans laquelle on profite enfin de tous les pouvoirs
  • Une quinzaine d'heures en ligne droite, et plus si vous jouez le jeu de l'exploration
  • Le sentiment d'avoir l'un des meilleurs jeux de l'année 2014
Les Moins
  • Graphiquement vraiment décevant, et indigne de la génération SX/PS5
  • Une configuration des touches qui ne semble pas optimale
  • Il pourrait y avoir plus de "liant" sur le plan du gameplay, pour des combos et des enchaînements plus spectaculaires
  • Un jeu qui reste quand même très (trop ?) sage
  • Un titre au budget restreint... mais vendu au prix fort
  • Le sentiment d'avoir l'un des meilleurs jeux de l'année 2014
Résultat

Immortals of Aveum est plutôt une bonne surprise. Le titre d'Ascendant Studios ne fait pas partie du label EA Originals pour rien. Plutôt peu commun par son ton, il amuse par une "bêtise" assumée et un retour au FPS bas du front. En fin de compte, il a un peu le goût de la soirée pizza/glace, que nous aimons nous faire seuls, chez nous, en tant que célibataires. C'est un peu comme se plonger dans une série Prime Video ou Netflix, le temps de trois ou quatre soirs. C'est divertissant, globalement peu exigeant, mais Immortals of Aveum sait retenir l'attention du joueur grâce à ses zones ouvertes, son level design efficace et sa gestion généreuse de l'expérience. Il manque assurément au jeu une grande vision artistique, ou un discours intellectuel sur sa propre condition (ou autre), mais il propose tout de même de goûter à l'un des plaisirs primaires du médium : le gain de pouvoir pour écraser ses ennemis. Cela, il le fait plutôt bien (surtout dans sa deuxième moitié, plus variée), et c'est là, aussi, que réside la magie du jeu vidéo. Il demeure fort regrettable que la partie technique fasse tant défaut à l'expérience. L'aura d'Immortals of Aveum aurait sûrement été tout autre avec un autre budget, ou sur une plate-forme plus en phase (comme la Switch).

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