Test | Baldur's Gate III
20 août 2023

Quel gosier grand tu as

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Baldur's Gate III

Mes aïeux ! Drôle de sensation que de s'occuper du test de Baldur's Gate III. Voilà plus de 20 ans que la série principale était portée disparue. Pour tout vous dire, Baldur's Gate II était l'un des premiers jeux PC de votre serviteur. Et autant être clair : en 20 ans, on a eu le temps de tout oublier ou presque. Cela tombe bien puisque le développement de Baldur's Gate III a cette fois-ci été confié à Larian Studios (Divinity), pour ce qui semble être un renouveau. Pour le meilleur et pour le pire ?

L'histoire

Le pitch de Baldur's Gate III repose sur une idée assez savoureuse sur le plan de l'identification. Après avoir conçu votre personnage, voilà ce dernier pris au piège dans un vaisseau de flagelleurs mentaux, des créatures tentaculaires qui n'augurent rien de bon quant à son sort, mais aussi quant à celui du monde. Après quelques pérégrinations et après avoir (éventuellement) sauvé d'autres prisonniers, le héros est hors de danger... avec un petit souci toutefois : un parasite semble avoir pris possession de lui, ainsi que de ses camarades de fortune. La larve de l'Absolue entend tout, permet de communiquer par la pensée et, bien sûr, tout le monde souhaite s'en débarrasser avant qu'il ne soit trop tard. Si l'idée est plus maligne qu'elle en a l'air (même si Larian aurait pu aller plus loin), c'est parce que ce parasite peut être vu comme le joueur soumis aux absolus développeurs, et conférant au héros un don d'omniscience. Un propos qui s'accentue avec l'aspect multijoueur puisque, de ce fait, le joueur-parasite ne rencontre ni plus ni moins que d'autres joueurs-parasites. Voici une intellectualisation plutôt fine et à laquelle nous ne nous attendions pas forcément en lançant Baldur's Gate III.

En dehors de cet aspect, il convient de s'attarder sur quelque chose de bien plus concret : les personnages, l'une des réussites du studio sur le plan narratif. Cela faisait longtemps que nous n'avions pas été marqués par de telles personnalités qui – rappelons-le – ne sont même pas spécialement nécessaires à l'aventure. Vous pouvez en laisser mourir ou en mettre de côté. C'est précisément dans ce détail que Baldur's Gate III prend toute sa démesure, lorsqu'il vous montre ce travail de finition colossal (et c'est loin d'être le cas de tous les autres compartiments du jeu), alors que bien des joueurs n'entreverront que 25 % des possibilités narratives offertes par l'expérience. Ainsi, malgré cette dimension facultative, le jeu brille par certaines émotions qu'il procure, qui plus est portées par un rythme assez palpitant (en ligne droite). D'un autre côté, soulignons quand même que Baldur's Gate III souffre d'un léger syndrome Breath of the Wild : si le gigantisme est présent en matière de relief et de donjons, le monde semble manquer de densité et il se dégage parfois l'impression qu'il n'est constitué que de quelques villages ou bastions. Ce n'est pas un drame, mais quelques cinématiques auraient pu donner plus d'ampleur aux enjeux de l'histoire. Sans vous en dire trop, le procédé est d'ailleurs employé dans le troisième (et dernier) acte.
Ils en ont dans la tête

Votre gardienne explique qu'elle doit partir car elle doit veiller sur d'autres... joueurs ?

Libertaire au possible en apparence, l'expérience vous propose de faire comme bon vous semble : un groupe d'individus est présent dans un repère ou sur votre chemin ? À vous de décider si vous souhaitez lui parler ou tracer votre route. Et si jamais vous abordez le chef de la bande, encore faudra-t-il mener la conversation à bien. Enfin si on veut, puisque dans Baldur's Gate III, tout ou presque se résout à l'instar d'un jeu de rôle papier, c'est-à-dire avec des jets de dés. Votre classe et vos compétences vous permettent (à vous et à vos camarades) de bénéficier de bonus en fonction des situations. Un barbare saura faire appel à sa force brute tandis qu'un voleur aura plus de chances de crocheter des serrures ou de persuader un interlocuteur.

À l'échelle du monde de Baldur's Gate III, sachez que tout cela relève d'une folie des grandeurs rarement vue dans un jeu vidéo (et encore plus ces dernières années). Néanmoins, cette façon de narrer une histoire s'avère parfois périlleuse. C'est le cas lorsque, sélectionnant une réponse sans conséquences apparentes, votre personnage engage finalement un combat. Certains diront que "c'est le jeu, ma pauvre Lucette", mais voici en réalité une sortie de secours bien aisée pour une expérience visant le meilleur, et donc la crédibilité et la précision. Nous aurions aimé, par exemple, un minimum d'indication quand une réponse s'avère belliqueuse alors qu'elle ne l'est pas fondamentalement au moment de sa sélection. D'autant que souvent, le jeu ne se prive pas pour nous proposer d'attaquer en fonçant tête baissée. C'est une critique fréquemment faite à bien des (mauvais) titres à embranchements narratifs, et il serait trop conciliant de passer outre ici.

Dernier reproche – et non des moindres – concernant la narration : il est usant d'être presque systématiquement privé de son libre arbitre lors des dialogues. Étant donné que la plupart des réponses nécessitent des jets de dés, il se dégage du titre l'agaçante impression d'être porté par le hasard plus que par des choix. On peut même se demander si cela ne va pas à l'encontre du médium. Plutôt que d'adapter et faciliter l'expérience d'un jeu de rôle papier, Baldur's Gate III la transpose avec un mimétisme un peu absurde, transformant le jeu vidéo en des amas de statistiques, et se servant de la démesure de son contenu comme d'une carte joker. Ici, le joueur n'a plus besoin d'être lui-même perspicace (responsable) puisque l'aventure, lors de ses dialogues du moins, ne le récompensera jamais à moins d'être soutenu par le hasard. Pour un jeu vidéo à but immersif, il y a un souci à autant mettre de côté le libre arbitre. C'est d'autant plus dommage que l'idée initiale du scénario (les parasites et l'Absolue) et l'allégorie qui l'accompagne auraient pu justifier bien d'autres partis pris. Fort heureusement, sachez qu'à certains moments pivots de l'aventure, le jeu se ressaisit en accordant (en laissant croire ?) au joueur le pouvoir qu'il mérite.
Faut-il tout pardonner aux jeux gargantuesques ?

L'exploration

Bien sûr, vous pouvez incarner les quatre membres de votre groupe comme bon vous semble.

Passé ce constat, il faut avouer que Baldur's Gate III sait mettre en avant son côté immersive sim. Tout dans l'expérience semble avoir son importance. Vous voulez vous engager dans un bastion ? Pensez à observer un minimum le terrain pour ne pas être pris au dépourvu. Même si le jeu n'initie pas vraiment le joueur (c'est un scandale sur lequel nous reviendrons), sachez qu'il est même possible d'engager un dialogue avec un PNJ, pour ensuite incarner un camarade qui lui fera les poches ou tendra un piège. Oui, ça peut aller très loin. En plus de cela, les affrontements reposent sur des amoncellements de statistiques et de compétences rarement vus jusqu'ici. Et disons-le de suite : cela peut s'avérer effrayant pour de nombreux joueurs n'ayant pas l'habitude du genre – d'autant plus que, comme nous le verrons, l'interface n'aide en rien.

Il n'empêche que les possibilités sont sidérantes. Les interactions avec l'environnement, les embuscades, l'infiltration, la gestion d'éléments comme le feu, le vol à la tire, les relations, etc. C'est bien simple, il reste des dizaines d'exemples et vous ne pouvez avoir idée de la chose. Toutefois, le plus impressionnant reste l'aspect organique de la progression – qui va de pair avec la narration et la façon dont les personnages se "déploient" et interagissent les uns avec les autres. Plutôt corsé au niveau de la difficulté, Baldur's Gate III propose un cheminement criant de réalisme et le joueur a vraiment l'impression de construire son propre voyage. Vous pouvez faire des détours, rencontrer des individus, chercher votre chemin à tâtons... et de tout cela découle un réel sens de l'aventure et de l'exploration. Bien que parfois épuisant, ce sentiment de vulnérabilité est à coup sûr l'atout du jeu.
Le goût de l'aventure

Les combats

Baldur's Gate III utilise la narration environnementale comme peu d'autres jeux savent le faire.

Bien que nous verrons que l'interface du titre est catastrophique, les combats et notamment les actions basiques sont finalement assez simples. On dispose d'une certaine distance de déplacement ainsi que d'un nombre d'actions limité. C'est alors à vous qu'il incombe de venir à bout des ennemis en fonction de ces deux paramètres, mais également selon les compétences (magie, invocations, buff de caractéristiques, malus, etc.). Comme dit plus tôt, sachez que plus encore que pour d'autres jeux tactiques, tout se joue ici à base de stratégie et de probabilités. Cela peut sembler frustrant mais l'important est surtout de savoir dans quoi vous vous embarquez en achetant Baldur's Gate III. Aussi, même si tout repose sur des jets de dés et des statistiques, avouons que c'est peut-être un peu plus justifié ici que dans les dialogues de l'aventure.

Là où le bât blesse, c'est plutôt dans le manque de peaufinage global des affrontements. Dans un jeu basé sur un trop plein de hasard, il y a quelque chose d'extrêmement frustrant à y ajouter le hasard des bugs et de la technique. Par exemple, la trajectoire automatisée des personnages est rarement la meilleure, vous obligeant à faire les déplacements en plusieurs étapes afin d'optimiser vos actions. Surtout, si vous appuyez simplement sur un ennemi à attaquer, il arrive que votre combattant fonce dessus en entrant dans les zones défensives d'ennemis alors qu'il aurait pu s'en passer. Dans le même genre, il est arrivé à plusieurs reprises que le relief des cartes soit mal géré, et qu'un personnage face un aller-retour inutile pour finalement se prendre une attaque ennemie au passage. Il y a quelque chose de particulièrement frustrant à voir le hasard de la technique se mêler au hasard des systèmes de jeu.
Allumer le feu !

L'accessibilité

Les possibilités sont folles, et il faut parfois ruser pour esquiver/tendre des pièges.

Un peu dans la même veine, nous voici à parler de ce qui est peut-être le gros point faible du titre, à savoir son accessibilité et – d'une certaine façon – son ergonomie. Aux premiers retours concernant Baldur's Gate III, beaucoup de néophytes s'interrogeaient sur le fait que le titre semblait austère, proposant par exemple une personnalisation du protagoniste ultra poussée. Coupons court à ce point précis : l'éditeur en question est probablement la seule chose simple au moment de lancer l'aventure, d'autant qu'il est moins fourni que ceux d'autres jeux. Pour le reste, il est vrai que le titre de Larian met en avant une philosophie particulière...

Tout d'abord, il y a la configuration des touches à la manette : non pas que l'ensemble soit catastrophique (encore que), mais il faut une sacrée mémoire pour se souvenir de tous les menus et sous-menus. Le joueur se retrouve alors avec une manette surchargée de boutons plus ou moins utiles. Les joueurs PC trouveront probablement leur compte au clavier et à la souris, mais ceux sur consoles ne manqueront pas de constater la paresse de l'ensemble, et ce aussi bien sur le plan pratique qu'esthétique (bonjour l'inventaire). En revanche, le point sur lequel tout le monde devrait s'accorder est l'interface, qui multiplie les menus, sous-menus et inscriptions à n'en plus finir. Honnêtement, ça faisait longtemps que nous n'avions pas vu un truc pareil, et il est légitime de se demander si des efforts ont été ne serait-ce qu'envisagés.

Dans le même genre, le jeu fourmille de détails qui ne paraissent pas importants de prime abord, mais qui en fin de compte peuvent fatiguer. Bien que proposant de sauvegarder n'importe quand, le jeu ne fait que très rarement des sauvegardes automatiques. Plus important : il n'est pas rare de valider un dialogue (ou une action) sans vraiment le vouloir, à cause d'une latence en passant les cinématiques. Une touche "de secours" – permettant de passer des dialogues sans valider des choix – aurait été bienvenue. Dans un autre genre et aussi bizarre que ça puisse paraître, la mini-carte n'est pas fixe par défaut et tourne conjointement à l'axe de la caméra. Il faut penser aller dans les options pour régler ce souci. D'ailleurs, la carte du monde – déjà mal fichue – ne propose pas de voir les différentes strates du royaume, malgré la fonction de voyage rapide disponible. Il est donc parfois compliqué de visualiser la destination où vous souhaitez vous téléporter. La liste est extrêmement longue...
Ergonomie -5

En matière de lisibilité et d'interface, le titre est à contre-courant des efforts de l'époque.

Mais le problème n'est peut-être pas tant ce constat que la philosophie qui semble, de ce fait, animer Baldur's Gate III. Car en plus de tout cela, le jeu propose un début d'aventure pour le moins austère et peu engageant. Les tutoriels se multiplient à vitesse grand V et disparaissent parfois avant même que vous ayez eu le temps de les lire. Un choix d'autant plus discutable que le jeu n'oblige que rarement à pratiquer une action pour l'assimiler. Ainsi, passez ou ratez une indication, et peut-être que vous ne saurez même pas qu'une fonction est présente.

Le jeu n'indique pour ainsi dire qu'une partie de ses possibilités ; et il donne parfois l'impression de faire exprès de le faire mal, afin de laisser la communauté "gérer le reste" et profiter du gameplay émergent. La démarche est malheureuse dans la mesure où elle repose sur une sorte d'élitisme nauséabond – chose que des modèles libertaires comme Metal Gear Solid V : The Phantom Pain ou The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom nous ont épargné. "N'indiquons pas cette fonctionnalité fondamentale au joueur, on risquerait de lui dire que ça peut être utile." Voilà ce que les développeurs semblent nous dire. Le parti pris est d'autant plus ridicule (ou maladroit) dans un jeu fourmillant d'autant de possibilités.

À notre époque, tout cela est bien regrettable puisque Baldur's Gate III aurait pu, par son univers, ses dialogues et le côté organique de l'ensemble, attirer bien des joueurs du dimanche. Il aurait pu être intéressant de s'adresser également à eux, en leur permettant par exemple de parcourir la majeure partie du monde, ne serait-ce qu'en voyageant de ville en ville (ou de région en région). C'est (avis personnel) ce que devrait toujours viser ce type de jeu basé sur un contenu colossal, et qui pourrait justement séduire les personnes qui voudraient juste se plonger dans un univers.
Tout pour les vues

Pour qui ?

Quel dommage de ne pas avoir pensé aux joueurs qui auraient juste voulu se perdre dans ce monde.

Comme dit plus tôt, Baldur's Gate III est un jeu élitiste. Il faut le savoir en s'engageant dedans. Les non-initiés auront toutes les chances de lâcher l'expérience durant les dix premières heures de jeu (voire dès la première heure). Certains ne manqueront pas de dire "Bien fait pour eux !", sauf que bien des jeux, depuis 15 ans, nous montrent que l'on peut concilier différentes visions. Baldur's Gate III fait ainsi le choix de rester fermé au monde. En allant un peu plus loin, on peut même se dire que cette austérité est d'autant plus dérangeante que les joueurs console, pourtant habitués aux jeux narratifs, seront également les premiers à tilter devant l'absurdité de certains points de Baldur's Gate III. Jouer des réponses à des dialogues sur des jets de dés a en effet quelque chose de dépassé dans un secteur qui propose des expériences AAA immersives, où les embranchements narratifs ne se basent par sur le hasard, mais bien sur l'identification et la faculté du joueur à appréhender une situation pour – finalement – être récompensé pour sa perspicacité.
Un titre se la jouant tireur d'élite

Les graphismes

Notez le nombre de tours de l'ordinateur, en haut. Il y a le temps de se faire un café.

C'est bien beau tout ça, mais est-ce que le jeu est joli ? Franchement, oui. Cela passe d'ailleurs autant par la technique (relativement solide malgré des bugs) que par la direction artistique. Les designs des différents personnages et plus généralement des différentes races sont particulièrement convaincants, tout comme le naturel qui se dégage des différents visages – renforcé par la qualité d'écriture mettant en avant les personnalités. À noter qu'ici, la majeure partie de l'aventure a été faite sur Steam Deck (d'où les remarques destinées aux joueurs console) et le jeu tourne correctement – après avoir trifouillé les réglages dans les options, et si on excepte un troisième acte gourmand et mal optimisé. Les plus joueurs pourront même s'amuser à distinguer les captures PC/Steam Deck dans ce test.

On regrette tout de même deux choses. La première, ce sont les temps de chargement paraissant interminables au lancement de l'expérience et des sauvegardes. On parle respectivement de trois minutes et d'une minute, ce qui est énorme – surtout si vous chargez des parties régulièrement. La deuxième, c'est que les combats sont franchement longuets par moment (10 à 15 tours joués par l'ordinateur) et qu'une fonction permettant de passer les tours, ou du moins de les accélérer, aurait pu révolutionner l'expérience. Nous avons bien conscience des éventuelles contraintes techniques qu'il peut y avoir là-dedans, mais si d'autres jeux le font... Ce point ne sera pas forcément pris en compte dans la conclusion de ce test, car nous supposons que cette fonctionnalité débarquera tôt ou tard, mais le fait est que d'ici là, entre les temps de chargement et les longueurs, le joueur est privé d'un plaisir régressif : celui de pouvoir jouer avec le destin et les probabilités.
Prendre le temps de se faire beau

La durée de vie

Les inspirations sont nombreuses : LOTR, Game of Thrones, Berserk, Dark Souls, etc.

Bien sûr, certains pourront passer des centaines d'heures sur Baldur's Gate III. D'ailleurs, il est conseillé de consacrer une partie entière au multijoueur. En effet, il semblerait que les héros ne soient pas liés à votre compte mais à votre campagne, ce qui occasionne tout un tas de soucis lorsque vous invitez vos amis et que vous vous retrouvez bloqué avec leurs personnages dans votre campagne – ou inversement. Une drôle d'idée qui, selon notre Maverick national, pourrit littéralement l'aspect multijoueur.

Cela dit, reste la question de savoir combien de temps dure effectivement l'aventure. Et là, tout dépend de votre façon de jouer. Le jeu peut se parcourir (plus ou moins) en ligne droite en une soixantaine d'heures. Attention : le mot ligne droite est ici relatif. Il s'agit ainsi d'essayer de suivre la trame principale le plus naturellement du monde. Au passage, le calvaire proposé par la carte du monde peut faire perdre énormément de temps, et votre perspicacité sera donc mise à l'épreuve. Pour quelqu'un souhaitant remplir ne serait-ce que quelques quêtes secondaires, sachez que le nombre d'heures de jeu peut très vite grimper.

Surtout, il faut se rappeler que Baldur's Gate III brille par le côté organique de sa narration. De ce point de vue, vous serez éventuellement tenté de recommencer une partie pour voir ce qu'il en est des autres options. Passez à côté d'un personnage au début de l'aventure où faites exprès de ne pas le recruter, et votre périple n'aura plus rien à voir. Et franchement, le naturel et la façon dont tout cela est agencé sont véritablement déconcertants. Sur ce plan, Baldur's Gate III est vraiment un grand jeu.
Voir midi à sa porte de Baldur

La question

Baldur's Gate III aurait gagné à être plus moderne, notamment dans ses sauts et son infiltration.

En voyant les habituelles notes Metacritic sortir, certains n'ont pas hésité à avancer que Baldur's Gate III était la preuve que le tour par tour, de nouveau salué, n'aurait pas dû quitter le paysage vidéoludique. Toutefois, c'est oublier que le titre de Larian contrebalance justement cet aspect avec les composantes les plus modernes de ces dix dernières années : le gigantisme et l'immersion. À titre personnel, j'ai toujours considéré que le jeu vidéo se dirigerait inexorablement vers le réalisme ; et cet aspect ne se résume justement pas au visuel où à la narration. Certains jeux – même indépendants – l'ont parfaitement compris en intégrant par exemple des mécaniques de survie.

Baldur's Gate III fait ainsi le pari de noyer des aspects archaïques (combats au tour par tour, jets de dés, etc.) dans une démesure totale. Rappelons que le dernier jeu à avoir fait cela était – peut-être – Red Dead Redeption 2 et ses fusillades (par exemple) qui n'avaient pas grand-chose de moderne. Pourtant, les deux jeux ont ce rapport au réalisme gargantuesque qui – comme toujours – soulève des questions. Bien des joueurs pensent que pour profiter de Baldur's Gate III, il faut tout explorer et ainsi profiter de l'intégralité d'un contenu colossal. Je pense que ce n'est pour ainsi dire pas une obligation : le réalisme et l'immersion, c'est aussi suivre sa propre quête en se disant, comme dans la vraie vie, que le marchand du coin a une histoire. C'est aussi ça, le luxe de la démesure, se dire que le monde autour de nous est "vivant" et accepter de passer à côté de choses futiles... tout en sachant qu'elles ne le sont probablement pas. Comme dans la vie.
Pas seulement old school
Les Plus
  • Un sens de la démesure évident
  • Un aspect "immersive sim" impressionnant
  • Une profondeur digne d'un jeu de rôle papier
  • Le goût de l'aventure comme rarement
  • Techniquement, relativement solide
  • Direction artistique au top
  • Une écriture plus fine qu'il n'y paraît et des dialogues réussis
  • Quelques passages mémorables et des personnages voués à devenir cultes (vraiment)
  • La gestion des relations et de leurs scripts, d'un naturel déconcertant
  • La fin de l'acte 2
  • L'acte 3, un peu plus vivant
  • Des centaines d'heures de jeu en perspective, pour ceux qui aiment les expériences à rallonge (et recommencer)
  • Une OST remarquable, et qui n'aura pas volé ses récompenses à la fin de l'année
Les Moins
  • Une philosophie ridiculement élitiste
  • Le joueur est quasiment privé de libre arbitre à cause des dés, paradoxal vu le discours du jeu
  • Une ergonomie et une austérité problématiques
  • La carte du monde et ses icônes, une vraie vision de l'enfer
  • L'impression d'avoir affaire à un jeu de rôle qui ne tire pas pleinement avantage des facilités apportées par le médium
  • Des soucis inhérents à beaucoup de jeux à embranchements narratifs (choix pas toujours clairs, etc.)
  • Le jeu aurait TELLEMENT gagné à être un peu plus moderne sur certains points
  • Un acte 3 gourmand et qui ternit le bilan technique
Résultat

Ne paniquez pas : la note a (littéralement) été attribuée sur un jet de dés, et Baldur's Gate III ne l'a pas totalement volée. Nous faisant passer par toutes les émotions, le jeu est dans un sens fascinant. D'un côté, l'immersion est à son sommet en matière de production, d'écriture et d'interactivité. Néanmoins, le titre oublie parfois les fondamentaux et fait le choix de l'élitisme en se rendant diablement austère. Autant être clair : dans l'industrie du jeu vidéo en 2023, cela ressemble à une régression et à un acte manqué. Parce que même en passant outre des choix de game design parfois discutables, il est difficile de fermer les yeux sur tous les soucis d'interface et d'ergonomie. Les boomers défendant le bastion du PC trouveront probablement en Baldur's Gate III un porte-étendard et un nouveau cheval de bataille mais, ici, nous aimons penser que l'on peut faire des expériences profondes, démesurées et accessibles. Baldur's Gate III reste néanmoins un très grand jeu-monstre, difforme, gargantuesque, destiné à une élite, mais livrant un discours malin sur l'identification ainsi que son lot de moments mémorables. Un terrible mélange d'amour et de haine, en somme... Mais avec une autre philosophie et quelques autres choix, il aurait assurément pu prétendre au fameux titre de jeu de l'année. On attendra d'éventuelles améliorations pour relancer les dés.

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