Test | Shadows Over Loathing
18 mai 2023

Quand RPG rime avec serviette en papier

Testé par sur
Aussi disponible sur
Shadows Over Loathing

Attention, ovni. Mais le genre d'ovni par lequel on a envie de se faire enlever. Shadows Over Loathing garantit une expérience comme rarement vécue par ailleurs. Avec son style griffonné sur une nappe de resto, ses dialogues qui évoquent autant l'absurde qu'une mitraillette à punchlines, le titre apporte au style éculé du RPG une dimension jamais explorée jusque-là. Prenez une grande respiration, c'est partiiii !

L'histoire

Votre quotidien était-il si inintéressant pour à ce point tout quitter ? Une lettre reçue de votre oncle dont vous n'êtes pas si proche réussit à vous faire abandonner votre vie pour venir à son secours, dans une petite ville reculée. Plusieurs personnages relèvent d'ailleurs ce point. Et c'est le propre de Shadows Over Loathing : questionner les évidences et les retourner. Dans le bus qui vous mène au bled paumé du pauvre oncle antiquaire, vous réfléchissez à tout cela quand soudain, la panne sèche met votre périple à l'arrêt. Eh oui, comme le chauffeur vous l'expliquera avec le plus grand calme du monde, le réservoir n'est de base pas assez grand pour le trajet. Allons bon, vous n'allez pas rester planté là !

Ce chapitre introductif est l'occasion pour vous de parcourir les alentours pour glaner quelques litres de pétrole et vous familiariser avec les caractéristiques du jeu. Pour en revenir à la trame, une fois la boutique d'antiquités de votre oncle atteinte, vous êtes embarqué dans une sombre histoire de chasse aux artefacts maudits. La boutique ? Une couverture. En apprenti ghost buster vous partez en quête d'objets possédés, menant systématiquement une enquête-prétexte aux nombreuses ramifications et sous-trames scénaristiques. C'est là que vous saisissez l'ampleur de Shadows Over Loathing – loin d'être le petit jeu d'une après-midi, bien au contraire.
Tout plaquer et devenir chasseur d'objets possédés

Le principe

Se faire agresser à coup de baguette rassie, on aura tout vu.

Avec ses feuilles de capacités, ses combats au tour à tour, ses compagnons, ses items à collecter et combiner, ses pouvoirs à développer et son côté bavard, très bavard, Shadows Over Loathing embrasse totalement le genre RPG sans aucun complexe. Votre héros se construit au fil des rencontres, soulevant parfois le voile sur son passé : a-t-il fait des études de botaniste ? Est-il plutôt introverti ?... Tout cela forgeant un caractère et des aptitudes qui se révèlent évidemment utiles le moment venu. Autrement, résoudre des situations passe par une autre approche ou par défaut, par le combat. Sur un fond d'enquête qui vous emmène dans de nombreux lieux, les quêtes et sous-quêtes s'offrent à vous si vous vous donnez la peine de fouiller les lieux – et de discuter avec les personnages.

L'apparente simplicité du titre n'est en effet qu'une façade et sa richesse peut vite vous submerger. Selon les capacités développées par votre héros, la résolution de quêtes s'en trouve affectée, vous contraignant parfois à des détours inattendus pour développer une capacité pas encore acquise. Et comme vous l'imaginez : cela nécessite une ou plusieurs sous-quêtes, avec pour chacune leur histoire à part entière... Un engrenage général bien huilé, mais à appréhender dans son entièreté.

Les dialogues qui mixent absurde et sérieux avec un certain tempo occupent une place prépondérante dans le titre, avec l'avantage d'être diablement bien écrits, souvent drôles et percutants. En anglais seulement, certes, mais cela n'enlève rien à l'immersion si la barrière de la langue n'est pas un frein pour vous.
Un papier, un crayon, un écran de Switch

L'ambiance

Les descriptions sont toujours un régal d'absurdité.

Ça ne vous aura pas échappé, Shadows Over Loathing présente un style graphique qui interpelle. Des personnages en fil de fer, un jeu totalement traité en noir et blanc, des boutons et encarts dessinés à la main... Si cela peut donner une impression de jeu non abouti, il n'en est rien. Le style est en réalité totalement maîtrisé. Ce qui peut passer pour une faiblesse, un manque de capacité graphique, devient un atout clé de Shadows Over Loathing, un décalage ironique dont le jeu se moque même parfois au sein des dialogues, pour construire une expérience unique. Le basique "c'est moche" de prime abord s'efface rapidement devant un sentiment de fausse simplicité, dévoilant une profondeur assez dingue qui aurait pu passer pour lourde avec un habillage graphique plus fourni. Le bon équilibre, en somme.
Pas de risque de se faire tacler sur le photoréalisme

Pour qui ?

La carte : littéralement un croquis sur une serviette en papier.

Après une sortie remarquée sur PC, le portage Switch permet de toucher un public plus large, ou disons peu habitué à ce genre d'expérience. Shadows Over Loathing fait mieux que certains titres pourtant familiers de l'univers Nintendo... Notamment grâce à l'usage maîtrisé des capacités tactiles de la console. Chose appréciable, car naviguer de menu en menu à la seule force du stick peut appeler une certaine fatigue, résolue donc par le passage au tapotage du doigt.

Au-delà de cette considération aussi pratique qu'appréciable, rendant le titre plus accessible, c'est principalement le genre RPG qu'il vous faudra questionner. Êtes-vous prêt à plonger dans une aventure qui représente un bon paquet de temps pour couvrir l'ensemble des chapitres ? Son approche sans fioritures, presque dans le plus simple appareil, est peut-être la bonne occasion pour tester ce type de jeu sans subir un classique environnement heroic fantasy.

De quoi se laisser tenter par l'aventure
Les Plus
  • Le style visuellement simple et direct
  • L'humour
  • La montée en puissance grâce à l'intro
  • La richesse et la profondeur du titre
  • Un vrai RPG papier mais sur Switch
Les Moins
  • Pas de traduction FR à date
  • Il faut parfois beaucoup tourner pour trouver l'objectif d'une sous-quête
Résultat

Si vous avez raté la sortie PC de Shadows Over Loathing et le découvrez sur Switch, non vous ne rêvez pas : le titre est un ovni visuel assumé, réduisant l'environnement RPG aux éléments les plus basiques d'un crayonné sur une nappe de papier. Et au fond, c'est l'idée. Revenir à l'essence même du genre, sans apparat graphique, faisant écho à nos vaines tentatives étant enfant de concevoir nos propres jeux durant un été. Shadows Over Loathing se révèle d'une profondeur surprenante, d'un rythme soutenu et d'un humour particulièrement corsé, autorisant les nostalgiques à renouer avec la simplicité des mécaniques RPG et laissant aux novices du genre une chance de se faire la main.

Partagez ce test
Tribune libre