Test | The Excavation of Hob's Barrow
13 mars 2023

Un doux glissement de la raison vers la folie

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The Excavation of Hob's Barrow

Mais qui vous a envoyé cette mystérieuse lettre ? The Excavation of Hob's Barrow, c'est une plongée dans la brume de la campagne anglaise bien avant l'invention du téléphone, de la photographie et même de la radio. Alors quand vous débarquez dans ce bourg reculé en quête d'explorer un tumulus mystérieux, l'archéologue que vous êtes n'a que sa curiosité piquée au vif comme seule compagnie. Dans une lettre qui vous a donc été adressée, la promesse d'une fouille organisée semble s'évanouir avec la mystérieuse disparition de votre correspondant épistolaire. Qu'à cela ne tienne, à coups de doigt, d'actions et de dialogues, vous aller mener cette fouille coûte que coûte ! Et si, finalement, ce tumulus ne vous était pas si étranger... ?

L'histoire

Pluie battante et locomotive sifflante, c'est au beau milieu de la campagne britannique que votre train vous dépose. Vous incarnez Thomasina Bateman, jeune archéologue marchant sur les traces de son père, archéologue également mais plongé dans un profond coma depuis de nombreuses années suite à un accident de cheval. Votre mère avait pourtant tenté de vous détourner de cette profession peu respectable à ses yeux, mais cela a contribué à la détermination de Thomasina à accomplir son rêve : explorer, elle aussi, des tumulus. Tumu-quoi ? Mais si, vous savez : ces monticules de terre recouvrant d'antiques sépultures. On en trouve des millions en Europe. Arrivée par la motivation d'un courrier rédigé par un habitant du coin vantant les mérites de ce tumulus encore inexploré, vous vous retrouvez bien seule sur le quai : personne pour vous accueillir. Direction le pub-auberge du village, où le patron vous prépare une chambre tout en vous renseignant sur les habitants du coin : une ressource importante dans votre quête, vers laquelle vous reviendrez régulièrement si vous coincez quelque part.

Déterminée à mener votre fouille à bien, vous explorez le village et parlez à tout le monde, ce qui ne manquera pas de vous attirer quelques regards en coin et de la méfiance envers cette dame de la ville venue fouiller dans les histoires du coin. Car le tumulus est habité par un gobelin et la dernière fois qu'on l'a chatouillé à coups de piolet le village a mis du temps à s'en remettre. Attendez, il y a déjà eu une excavation ? Qui plus est, votre père a fait partie de cette expédition ? Et en scientifique cartésien il avait connaissance du gobelin ? Et en plus il n'a jamais eu d'accident de cheval ? Pow pow pow. Imaginez le chamboulement pour Thomasina. Voilà bien des mystères qui vont la pousser à braver l'interdit, empoigner son piolet et aller chatouiller elle-même ce fameux gobelin.
De l'insouciance à la démence

Le principe

L'une des premières interactions dérangeantes.

Par une narration à la première personne, Thomasina nous fait part de sa naïve excitation laissant peu à peu place aux doutes, sans jamais céder à la panique mais s'en approchant grandement. Ses fondations sont régulièrement remises en question (papa, tu étais un homme de science et je découvre que tu versais dans le paranormal ?) et c'est par l'exploration que vous incarnez peu à peu le malaise porté par Thomasina. De son assurance ingénue se déroule une lente descente vers la torpeur, l'étrange et l'irrationnel, provoquant une expérience comme peu de jeux peuvent s'en targuer. The Excavation of Hob's Barrow réussit le tour de force de vous embarquer dans une folie progressive, en vous faisant participer à cette déroute via l'exploration et l'interaction.

Point'n click par excellence, The Excavation of Hob's Barrow propose les classiques inventaires, associations d'objets, dialogues, et évidemment énigmes et puzzles destinés à vous faire progresser. Pour rencontrer le noble du coin en vue de trouver des bras capables de creuser, il vous faudra aider sa jeune servante à trouver du lait : pour cela, un fermier souffrant de rhumatisme aura besoin d'une concoction de plantes ; l'une se trouve dans la nature, l'autre dans un jardin privé, tout en haut de la tour de l'église. Comment y accéder ? Ah oui, la clé est dissimulée derrière une plaque funéraire, le curé vous en a fait part quelques temps auparavant... Au-delà de cet exemple, The Excavation of Hob's Barrow est remarquable par sa prouesse de ne jamais vous laisser en plan : des indices sont glissés dans les dialogues et l'environnement, sans pour autant vous donner la réponse facilement. Du génie.
Le génie de la narration

Le portage Switch

Entrée, plat, dessert : un menu complet !

Voilà. Voilà l'exemple parfait d'un portage qui adopte son support comme la peau enveloppe les muscles et les os : l'interface épouse parfaitement les capacités de la machine. The Excavation of Hob's Barrow se joue bien mieux en mode tactile sur Switch : toute l'interface est accessible au doigt, les textes sont lisibles, les actions clairement identifiées : un travail d'une rare finesse, à l'opposé du gâchis que représente le portage de Return to Monkey Island quelques mois plus tôt. Malgré nos gros doigts (pardon mais c'est vrai), impossible de rater l'objet sur lequel interagir, ni de se tromper de réplique, à moins d'être perdu dans ses pensées. Le seul bémol réside dans l'interface de sauvegarde et chargement, où les confirmations d'action sont absentes et le chargement rapide ne pioche que la dernière sauvegarde. Pas de panique, vous n'avez pas perdu votre progression malgré les apparences, il suffit juste de charger manuellement sa partie. Un bémol qui pourrait aisément se corriger avec un patch.
Au doigt et à l'œil

Pour qui ?

C'est ce que je me tue à dire à mon chat.

Par sa narration prenante, son accompagnement doux dans l'exploration et le souci du détail dans les graphismes – notamment ses quelques écrans cut-scenes dessinés en pixel art – The Excavation of Hob's Barrow est un petit bijou qu'il serait dommage de ne pas explorer. Sans être diablement long, il vous occupera quelques heures, le temps de plonger dans l'époque victorienne d'une campagne anglaise oubliée, mystérieuse et pas spécialement accueillante, disons-le. Le tour de force du titre ? Malgré une apparence rétro tout en pixel art, le jeu parvient à créer des moments de peur pure : musique, mise en scène et scénario sont combinés pour déranger et interroger. Voir une chèvre à un endroit où elle n'est pas censée être suffit à vous glacer le sang. Une chèvre. En pixel art.

Amateurs de point'n click, vous serez servis : énigmes correctes sans être coriaces, dialogues utiles et constructifs sans être assommants, mécaniques et puzzles faisant s'activer vos cellules grises sans jamais reposer sur le hasard, c'est un parfum des grandes aventures vécues dans les années 1990 qui se dégage du titre pour votre plus grand plaisir.
Stoppez ce que vous faites et lancez ce jeu !

L'anecdote

Avec le son c'est encore mieux !

Dans une interview de Shaun Aitcheson, l'un des auteurs du jeu, ce dernier évoque une première mouture générale Lovecraftienne, dont le jeu s'est progressivement éloigné. Il en reste clairement des réminiscences dans l'étrange endroit souterrain sous le tumulus. Mais ce qui m'a le plus étonné en lisant cette interview, c'est de découvrir que The Excavation of Hob's Barrow a été réalisé sur du temps libre. Shaun et ses acolytes ont tous un boulot à côté et réalisent des jeux quand ils en ont le temps. Je trouve ça fou. J'ai envie de les prendre dans mes bras, les embrasser : Shaun, John, Laurie, merci pour ce que vous faites. Merci de prendre de votre temps libre pour nous offrir ce genre d'expérience unique, au lieu de traîner sur Instagram ou Twitter (ce que vous faites aussi sûrement mais moins que nous autres). Vraiment : merci.

Créer des jeux ou chiller sur Insta ?
Les Plus
  • Le doublage de qualité, bravo aux acteurs
  • Les cut-scenes tout en pixel art, un régal
  • L'histoire diablement bien amenée
  • Entièrement jouable au tactile
  • La difficulté modérée, avec tout de même quelques challenges
Les Moins
  • L'ergonomie du menu de sauvegarde
Résultat

Vous ne sortirez pas de The Excavation of Hob's Barrow indemne. En archéologue curieuse, tout vous attire dans ce coin de campagne victorienne britannique, où le brouillard permanent participe à l'étrangeté du lieu tout autant que le folklore local. Des habitants peu enclins à s'ouvrir une étrangère, des dialogues intégralement doublés avec l'accent de l'époque, couronnés d'une mécanique point 'n click digne des méga-productions des années 1990 : oui, le titre choque, par sa qualité et l'univers qu'il dégage. Un doux glissement vers la folie où les derniers remparts de la raison cèdent peu à peu : The Excavation of Hob's Barrow est une aventure unique en son genre, à ne manquer sous aucun prétexte.

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