Test | 13 Sentinels : Aegis Rim
30 oct. 2020

Première option pilotage de méchas

Testé par sur
13 Sentinels : Aegis Rim

Le célèbre studio Vanillaware sous la houlette de son directeur créatif Georges Katimani a forgé sa réputation sur des jeux d'aventure-action en 2D au gameplay solide et à la réalisation léchée. Avec 13 Sentinels : Aegis Rim, Vanillaware sort de sa zone de confort en proposant une aventure sous forme de scénettes en 2D mâtinée de stratégie en temps réel qui vous invite à incarner alternativement 13 personnages dans une histoire qui mêle intrigues amoureuses, méchas et voyages dans le temps. Voyons si le jeu réussit son examen d'entrée dans le cercle fermé des visual novels.

L'histoire

Le lycée, cette période bénie, bercée d'insouciance où chacun se frotte à ses premières expériences, les couloirs de l'établissement bruissant d'histoires d'amour, d'amitiés et de rivalités. Les personnalités et les goûts se forgent au gré des premiers émois et des groupes qui se forment. À ce moment de l'existence les seules préoccupations qui agitent le bocal des jeunes étudiants sont le rendu d'un travail en retard, accrocher le regard de la fille du deuxième rang en cours de bio, manger, ou encore la fin inopinée du tube de Biactol. Enfin, ça c'est pour le commun des mortels parce que les lycéens protagonistes de 13 Sentinels : Aegis Rim doivent, eux, faire face à des questionnements beaucoup plus velus tels que : "en quelle année sommes-nous ?", "suis-je bien moi ?" ,"pourquoi ce chat parle-t-il ?" ou "est-ce que mon robot géant de 2000 tonnes d'acier va tenir le choc face à l'invasion de kaiju qui menace le destin de l'humanité ?".

L'histoire de 13 Sentinels est un hommage aux classiques de la science-fiction. Les inspirations du jeu sont extrêmement variées et même parfois citées, Pacific Rim et Evangelion pour les plus flagrantes (il s'agit de défendre un ordinateur central caché dans le sous-sol de la ville). On retrouve également des références à Terminator, Matrix, La Guerre des mondes, Retour vers le futur et on en passe, disséminées tout au long de l'aventure. Les complotistes ne seront pas en reste, l'histoire d'un des personnages consistant en gros à injecter aux autres des nanoparticules (même si elles ne sont pas, ici, activées par la 5G).

De la science-fiction certes, mais ce que propose surtout et avec brio 13 Sentinels en filigrane, ce sont des histoires de liens, des histoires d'amour qui traversent les siècles, les dimensions, et résistent même aux manipulations des souvenirs et de l'esprit.

Dire que l'aventure proposée est touffue est un euphémisme et le nombre des personnages suivis (13 donc) n'arrange pas les choses. Au final, certaines storylines sont moins intéressantes que d'autres et peuvent s'apparenter à du remplissage. On se dit parfois que cette profusion aurait mérité d'être un peu plus ramassée.

Cependant, pour aider le joueur à s'y retrouver dans l'immense flot d'informations auquel il est confronté, un système d'archives reprend l'arc narratif de chaque personnage et offre un résumé de chaque événement vécu par les 13 sous forme de chroniques. En parallèle, un codex s'attarde sur des éléments, des détails de l'histoire, des objets particuliers ou personnages qui se débloquent en remplissant des objectifs dans le mode tactique ou avec des points mystères obtenus eux-aussi dans la partie tactique.
Une histoire à 13 tiroirs

Le principe

Vanillaware oblige, il est souvent question de nourriture dans 13 Sentinels.

Le titre était d'autant plus attendu que l'équipe de George Kamitani nous a plutôt habitués par le passé à des jeux d'action-aventure en 2D à la patte graphique inimitable et aux finitions exemplaires immédiatement reconnaissables. Les plus notables étant Odin Sphere, Dragon's Crown et Muramasa. Autant de jeux basés sur le même principe où il est permis d'incarner différents personnages, chacun étant doté d'une storyline différente.

Mais ici, point d'action ni de hack and slash puisque 13 Sentinels est principalement un jeu de type visual novel agrémenté d'un mode tactique qui vous place aux commandes de gigantesques robots de combat, les Sentinelles.

On retrouve ce principe des storylines dans 13 Sentinels qui, comme son nom l'indique, propose de suivre en parallèle, à travers des scénettes parfois vaguement interactives, l'évolution de 13 lycéens. La trame narrative se révèle très vite touffue et complexe, puisant ses inspirations dans de nombreux classiques du cinéma et de la littérature de science-fiction. Recouper les informations et assembler les morceaux du puzzle prend vite dans 13 Sentinels : Aegis Rim les proportions d'un jeu dans le jeu.

Sans trop en dévoiler, si l'action principale se déroule dans les années 80, l'histoire vous propose rapidement de voyager vers d'autres époques car la bataille pour la survie de l'humanité dont il est question dans 13 Sentinels ne se déroule pas seulement en 1985 mais sur une temporalité étendue. Chaque personnage voit ainsi son histoire exposée au travers de courtes scènes qui permettent par pan de dévoiler progressivement le destin attaché à ce protagoniste.

Les interactions au sein de ces historiettes sont assez limitées, on se contente d'appuyer sur le bouton pour faire défiler des lignes de textes. Tout au plus le joueur doit parfois choisir un thème à évoquer parmi les éléments découverts et mémorisés par le personnage, ou encore trouver l'élément du décor qui déclenche une interaction et la suite de l'histoire. Même si cette quasi-absence d'interaction est inhérente au genre du visual novel, on aurait aimé plus de gameplay, le matraquage de bouton pour faire défiler du texte et le côté statique de certaines situations menant parfois au bord de la somnolence.
Soap horrifique

La partie tactique

Une interface chargée et une action souvent peu lisible.

Deuxième mode de jeu, sur lequel on passera moins de temps que sur le mode histoire, le mode tactique propose des affrontements en semi-temps réel sur une carte représentant la ville avec en son centre le terminal que 6 Sentinelles, choisies parmi les 13, doivent défendre.

Il existe 4 type de Sentinelles allant du modèle spécialisé dans le corps-à-corps au modèle tactique pouvant se déplacer en volant et utilisant des systèmes de contre-mesures. Vous devez former votre équipe au début de chaque phase en tenant compte de la fatigue, nommée ici la cérébralyse, des personnages.

Au fur à mesure des batailles et de votre avancée dans le mode histoire, vous pouvez ajouter et faire évoluer l'armement des Sentinelles et ainsi essayer un nombre non négligeable d'attaques en corps-à-corps, à distance ou diverses contre-mesures (l'indispensable EMP) pour lutter contre des adversaires de plus en plus puissants et carapaçonnés.

Ce mode tactique, s'il n'est pas déplaisant, ne tutoie pas pour autant les sommets du fun. La faute à une carte morne et grise, à des Sentinelles et des ennemis représentés par des icônes très sommaires. Résultat, vu le nombre souvent pléthorique d'ennemis sur la carte, l'action est assez confuse et l'on est souvent confronté à de gros soucis de lisibilité.

Mais ce mode n'est pas complètement honteux et offre même un challenge assez relevé (en mode difficile) dès la deuxième partie de l'histoire. À la fin de chaque bataille, un rang est attribué et des éléments du codex sont débloqués en fonction d'objectifs prédéterminés.

Si les 2 parties du jeu, le visual novel et le jeu tactique, n'ont absolument rien à voir, elles s'influencent donc l'une l'autre, il faut finir certaines parties du jeu tactique pour débloquer des storylines, et avancer dans le visual novel permet de récolter des points qui permettent d'améliorer les Sentinelles dans le mode tactique.
Robots dans la brume

L'habillage

Les Sentinelles se montrent peu mais ces moments sont toujours particulièrement soignés.

Le jeu prenant place dans un environnement contemporain, on a moins affaire à la virtuosité graphique habituelle du studio. La faute aux paysages urbains moins propices au merveilleux des décors d'un jeu d'heroic fantasy ou se déroulant dans le Japon médiéval et surtout à leur faible variété. Les actions de l'histoire ont lieu souvent dans les mêmes environnements (et pour une bonne partie au sein du lycée Sakura) qui font figure de décors de théâtre, ce qui est assez peu finalement considérant la durée de l'aventure (comptez une bonne quarantaine d'heures). Cette critique se doit cependant d'être tempérée tant, Vanillaware oblige, le travail sur certains arrière-plans est d'une qualité exceptionnelle.

Le character design quant à lui est particulièrement réussi, chaque héros étant immédiatement identifiable de part ses caractéristiques physiques et ses postures. Cela étant, les animations restent sommaires, donnant parfois l'impression que le personnage glisse dans le décor.
Bienvenue au lycée Sakura

Pour qui ?

La destruction de la ville aurait-elle déjà eu lieu ?

Clairement 13 Sentinels : Aegis Rim ne se destine pas aux amateurs de jeux tactiques, ceux-là passeront leur chemin et chercheront une expérience à travers des jeux moins arides graphiquement et plus riches en terme de stratégie. Le véritable public du jeu se compose d'abord des amateurs de curiosités et des fans du studio Vanillaware qui retrouveront là le savoir-faire graphique et scénaristique du développeur. Mais surtout, le jeu s'adresse plus particulièrement aux amateurs de visual novels et tous ceux qui ont fait leurs armes sur la série culte des Danganronpa ou encore sur un Virtue's Last Reward dont 13 Sentinels reprend parfois les mécaniques d'embranchement scénaristique. Ils trouveront une aventure complexe, riche en rebondissements et beaucoup de lecture.
Si vous aimez lire

L'anecdote

On aurait aimé voir ces méchas animés sur le champ de bataille.

Les premières esquisses de 13 Sentinels : Aegis Rim datent de 2013 et, si à l'origine cette histoire de méchas doit soutenir la production d'une gamme de jouets, cette dimension est abandonnée quand le jeu passe sous l'égide d'ATLUS. Le développement à proprement parler débute en 2015 et s'avère rapidement compliqué, Katimani travaillant, contrairement aux habitudes du studio, seul sur le script et œuvrant au même moment également sur d'autres jeux. Le jeu finit par sortir 4 ans après, initialement au Japon en 2019 pour arriver sous nos latitudes en septembre 2020.
À l'origine, 13 Sentinels se destinait à une gamme de jouets
Les Plus
  • Plus qu'un jeu, une véritable œuvre couvrant une multitude de thèmes empruntés à la science-fiction
  • La patte Vanillaware
  • Il y a des robots géants
  • Une histoire dense et particulièrement bien écrite
  • Une traduction française de qualité
Les Moins
  • La patte Vanillaware mais en plus terne
  • Il m'est arrivé de m'endormir
  • Un mode tactique plus qu'anecdotique
  • Ça aurait pu être plus court
Résultat

On espérait beaucoup de 13 Sentinels, on attendait tout le talent de Vanillaware sur un nouveau type de jeu, cette capacité du studio à crafter des petits joyaux vidéoludiques. Au final on se retrouve avec une aventure d'une densité effectivement peu commune, un roman à tiroirs composé de 13 tableaux aux motifs complexes. Si l'ensemble est souvent captivant, il est aussi parfois inutilement embrouillé, jusqu'à l'ennui. Ces quelques critiques, auxquelles on peut ajouter un mode tactique en demi-teinte et peu convainquant, ne doivent pas occulter que 13 Sentinels, à travers ce mix visual novel/tactical, est un jeu unique et fascinant à l'ambiance maîtrisée, soutenu par le savoir-faire graphique de Vanillaware. Quand bien même l'histoire peut perdre le joueur par moments, elle n'en reste pas moins bien écrite et parfois touchante tant le destin progressivement révélé de ces 13 pilotes, tous intimement liés, est exceptionnel.

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