Test | Virginia
03 oct. 2016

Une drôle d'expérience Lynchéenne

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Virginia
  • Éditeur 505 Games
  • Développeur Variable State
  • Sortie initiale 22 sept. 2016
  • Genres Aventure, First Person Shooter

Quand un jeu sans dialogues est présenté comme une expérience narrative utilisant les codes des films et séries TV, vous avez toutes les raisons d'avoir peur. Mais vous avez aussi toutes les raisons de vous enthousiasmer car l'étrange Virginia vous propose d'expérimenter une voie inhabituelle. Reste à savoir si cette voie sera suffisamment ludique.

L'histoire

Vous êtes Anne Tarver, une jeune recrue du FBI. Votre première enquête vous entraîne dans la petite ville de Kingdom, en Virginie, pour tenter d'élucider la disparition du petit Lucas Fairfax. Épaulé par une partenaire bien plus expérimentée mais que vos supérieurs vous ont demandé de garder à l'œil, vous voilà plongé dans une intrigue de plus en plus opaque, n'hésitant pas à mêler étrange et surnaturel.

Si ce pitch vous fait penser à des séries TV telles que Twin Peaks ou même X-Files, c'est normal. Les développeurs se sont inspirés des expériences télévisuelles de leur enfance pour construire le scénario de Virginia. Cela dit, paradoxalement, ce n'est pas du côté du scénario qu'il faut chercher les atouts de ce jeu. D'abord parce qu'il a peu de chances que vous y compreniez grand chose tant les indices sont minces et les apartés fantasmagoriques sont nombreux. Ensuite parce qu'il utilise une narration effectivement très particulière, de celles que l'on rencontre régulièrement dans les films ou séries.

En progressant dans l'aventure, vous allez vite vous rendre compte que l'équipe de Variable State a été biberonnée aux productions de David Lynch, pour ne citer que lui. Présent, rêve, futur, cauchemar, vous n'êtes jamais certain à 100% d'être là où vous êtes. Avancez dans un couloir et le plan de caméra changera sans prévenir, sautant même souvent à une autre scène sans que vous réalisiez que la précédente s'était achevée. Vous voila face à un découpage rythmé et souvent surprenant. Virginia bouscule vos repères habituels et c'est tant mieux.
My name is Luka

Le principe

La carte ne présage pas la suite de l'aventure mais donnera quelques indices aux curieux.

Pour continuer à vous déstabiliser, Virginia utilise une vue à la première personne propice aux surprises en tous genre dès que vous tournerez la tête. Pourtant, côté graphismes, c'est un style pictural assez naif qui a été choisi. Il est proche du carton classique, avec une palette de couleurs tout sauf effrayante. Et justement, l'histoire, ses rebondissements ou plutôt ses sursauts faudrait-il dire, en sont d'autant plus puissants.

Malheureusement, sur le plan ludique, Virginia propose un gameplay assez basique (peu d'éléments interactifs) et surtout très linéaire. Vous n'aurez pas 36 solutions, pas de nœud à vous faire au cerveau, l'intrigue progresse presque malgré vous. Ainsi, ne vous attendez pas à participer à une véritable enquête avec l'habituelle récolte d'indices et leur recoupement. Non, Virginia est d'abord une expérience narrative par laquelle vous devez vous laisser tranquillement guider.
Suivez le guide même s'il est souvent perché

Pour qui ?

Effectivement, nous sommes bien de retour dans les années 90.

Si vous aimez les jeux d'enquête où vous devez vous creusez les méninges, réunir des pièces à convictions, etc. Virginia ne répondra pas vraiment à vos attentes. Côté action, ne vous attendez pas non plus à du très remuant. Par contre, si vous êtes sensible aux histoires un peu bizarres, si vous appréciez la narration étrange des séries TV telles que Hannibal par exemple (clin d'œil au bison...), si vous appréciez ces histoires qui ne vous prennent pas par la main et vous laissent gérer seul de multiples interprétations, vous pourrez tout à fait y trouver votre compte. L'expérience est courte, une poignée d'heures, mais le prix réduit du jeu est également en conséquence.
Osez la curiosité

L'anecdote

Un style graphique très "carré" pour une histoire qui l'est beaucoup moins.

Histoire de renforcer son côté "underground", Virginia est un jeu sans dialogues. Si les visages des différents protagonistes se révèlent relativement expressifs, c'est surtout l'intervention d'une musique particulièrement travaillée qui permet de donner corps aux situations et personnages. Elle est omniprésente, venant souligner astucieusement chaque échange, environnement et découverte insolite... Cette bande originale jouée par l'Orchestre Philharmonique de Prague a été créée par Lyndon Holland, un jeune compositeur ayant pour l'instant essentiellement travaillé sur des courts-métrage et documentaires pour la télévision. Mais son style est déjà assez dessiné, sorte de mélange entre Mark Snow et James Newton Howard. Voila qui mérite de suivre avec attention sa carrière naissante.
Un jeu muet mais pas silencieux
Les Plus
  • L'ambiance particulière
  • Une narration cinématographique très intéressante
  • La bande originale magistrale
  • L'absence de dialogue apporte une vraie profondeur
  • Un petit air "rétro" très agréable
  • Une densité inhabituelle
Les Moins
  • Un scénario étrangement classique
  • Une interactivité limitée
  • Vous n'allez probablement rien comprendre...
Résultat

Sous ses faux airs de jeu d'aventure naif et accessible, Virginia cache une expérience déroutante. Une narration originale qui interpellera les fans de séries TV bien léchées, une ambiance étrange accentuée par l'absence de dialogues et une musique à cheval entre Mark Snow et James Newton Homard. Mais aussi un scénario très classique et pourtant abscons, un style pictural à mille lieues de l'ambiance générale, et une interactivité presque accessoire... Avec leur toute première production, l'équipe de Variable State (nom fort à propos) surprend et vous entraîne dans une aventure bizarre à souhait qui se démarquera sans mal de ce à quoi vous avez l'habitude de jouer. Joueurs curieux (dans tous les sens du terme), foncez !

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