Dossier | A bord de Cold Fear avec Darkworks
26 févr. 2005

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Quand une équipe française de renommée internationale s'apprête à proposer un titre alléchant après plusieurs années de développement, nous sommes bien évidemment sur les dents. Cold Fear débarque dans quelques jours sur Xbox, PS2 et PC. Afin de l'accueillir comme il se doit, nous avons proposé à Darkworks de le présenter en long, en large et en travers.

Première partie

Quand une équipe française de renommée internationale s'apprête à proposer un titre alléchant après plusieurs années de développement, nous sommes bien évidemment sur les dents. Cold Fear débarque dans quelques jours sur Xbox, PS2 et PC. Afin de l'accueillir comme il se doit, nous avons proposé à Darkworks de le présenter en long, en large et en travers. Puisque vous n'avez pas forcément les mêmes questions à leur poser que nous, ils ont gentiment accepté de participer à un forum spécial, dans lequel vous pourrez dialoguer directement avec eux sur Cold Fear.

Alone in The Dark – The New Nightmare

Vous n'aviez pas donné signe de vie depuis 2001, date de sortie d'Alone In The Dark – The New Nightmare. Mais où étiez-vous donc passés ?
Nous avons d'abord travaillé pour un grand éditeur japonais puis pour un éditeur américain sur deux projets originaux ainsi que sur une préproduction pour une licence. Pendant cette période la chute du yen et du dollar face à l'euro a fini par rendre le business extrêmement difficile. En quelque mois nous étions devenu 30 à 40% plus cher qu'une prod US ou Japonaise. Cold Fear est un rescapé de cette période : nous avons récupéré les droits et signé avec Ubisoft.

Ces arrêts ont été des moments très difficiles à vivre – surtout parce qu'ils se sont succédés – mais, a posteriori, ces projets avortés ont considérablement enrichi notre expérience à tous points de vue, business, gamedesign, technique... Surtout ils nous ont permis de continuer à développer notre chaîne de production à la fois souple et solide et de nous améliorer considérablement.

Que retenez-vous de l'expérience The New Nightmare ?
The New Nightmare a été une grande aventure. Nous avons énormément appris et énormément donné pour ce titre. Mais tout va si vite dans ce milieu que cela nous semble à des années lumières de ce que nous faisons aujourd'hui. The New Nightmare nous a apporté la notoriété, ce qui est une donnée fondamentale dans ce secteur.

Jean-Pierre Raffarin en visite chez Darkworks

Comment gère-t-on un tel succès – près de 1.200.000 exemplaires – lorsqu'on est un studio "indépendant" ?
Petite précision initiale, c'est près de 1.4 million d'exemplaires à ce jour. Ensuite, je voudrais indiquer que The New Nightmare a tout juste été à l'équilibre financier pour nous, et encore. Enfin, le titre appartenant à Infogrames, nous n'avons pas eu grand chose à gérer. Dès avant la remise du master, nous avons dû commencer à travailler sur de nouveaux projets qu'il nous a fallu vendre.

Grâce à une augmentation de capital, nous avons pu investir dans nos outils de production, dans le recrutement et dans ces projets. En fin de compte, chaque nouveau projet est une remise en cause en profondeur. Ce n'est qu'au bout du troisième ou quatrième succès qu'une société de développement s'installe durablement.

En décembre 2002, M. Le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin vous a rendu visite, avant sa rencontre avec les représentants de l'APOM et du SELL pour évoquer les difficultés du développement français. Sur votre site officiel vous évoquez cette rencontre comme "l'un des moments les plus forts de la vie de Darkworks". Pouvez-vous nous expliquer cet enthousiasme surprenant ? Deux ans après cette visite, la situation a t'elle évoluée et, surtout les promesses ont-elles été tenues ?
Imaginez-vous : vous créez une société en 98, vous participez à la fondation d'une association professionnelle en 2001 et en 2002, vous recevez le premier ministre pour lui expliquer à la fois votre métier et vos difficultés. Mais c'est aussi tous les à-côtés de cette visite qui nous ont marqué, comme les snipers sur les toits, la visite du service de déminage, la horde de journalistes qui l'accompagnait.

À l'issue de réunion, nous avons tous pensé qu'au moins une partie de nos problèmes seraient réglés assez rapidement. Je dois dire que nous attendons toujours la mesure phare qui permette, à l'instar du crédit d'impôt audiovisuel, de relocaliser les emplois en France. Il est grand temps que les bonnes intentions se concrétisent.

Le héros est perdu au milieu de l'Antarctique

Parlons maintenant de Cold Fear. Comment le présenteriez-vous en quelques mots ?
Cold Fear est un action/horror dans un environnement en mouvement. Avec ce titre original, nous essayons de créer un nouveau rameau de l'arbre "jeux d'horreur" et nous espérons beaucoup qu'il en devienne une branche maîtresse.

L'antarctique, des formes de vies "particulières"... Le background de Cold Fear ressemble un peu à celui de The Thing. Quelles ont été vos sources d'inspirations ?
Un jeu vidéo est une œuvre collective, il est impossible de retracer toutes les sources d'inspiration. Nous nous sommes beaucoup documentés sur les tempêtes, les naufrages, les baleiniers et les plateformes pétrolières. L'élément marin a été notre thème fédérateur. Nous avons, par exemple, beaucoup visionné The Perfect Storm. Mais The Thing, non, du moins, pas consciemment. Il d'ailleurs amusant de noter le nombre de référénces qu'on nous attribue, que ce soit dans le domaine du jeu, du cinéma ou de la littérature. Ce qui tendrait à me faire penser que chacun y trouve ce qu'il veut.

Quels différents types de features originales comprendra Cold Fear ? Pourriez-vous par exemple nous dévoiler les caractéristiques du speargun, l'une des armes originales du jeu ?
La première partie de la question est vraiment ouverte. Environnement interactif, shoot, aventure, etc. Je ne vois pas très bien comment y répondre... En ce qui concerne le speargun, c'est une arme vraiment originale : ses flèches, qui peuvent être tirées dans n'importe quelle partie du décor ou sur n'importe quelle entité, attire les êtres "contaminés" pendant un certain laps de temps. Il est ainsi possible d'attirer les ennemis près d'un objet explosif puis de le faire exploser d'où économie de munitions ou alors de jouer des inimitiés entre différents types d'ennemis pour les amener à se battre entre eux. Mais attention, le nombre de flèches transportables est limité !

L'omniprésence de l'hémoglobine comme garde-fou

Sur le forum du jeu, la comparaison avec la série Resident Evil est récurrente. De quelle manière comptez-vous vous démarquer de cette référence ?
Cette référence est inévitable car Resident Evil est LA référence du jeu d'horreur. Cependant, j'ai le sentiment que si on prend les éléments un par un, on se rend vite compte des différences fondamentales. Il y a d'abord l'univers de la mer, de ses intempéries avec un traitement beaucoup plus moderne (les mercenaires), plus réaliste aussi (le bateau). Il y aussi le fait de pouvoir shooter en se déplaçant, ce qui, mine de rien, introduit une différence majeure en terme de gameplay. Bien sûr on va nous dire "caméra au-dessus de l'épaule". il faut savoir que cette feature était déjà présente dans tous nos prototypes depuis nos projets 2001 alors que nous n'avions aucune idée de ce que Capcom préparait. C'est amusant de constater que nous avons eu la même envie qu'eux d'offrir un shoot beaucoup plus maîtrisable.

Le choix d'un titre en anglais, même pour le marché national, est-il réellement nécessaire ? Pourquoi ?
C'est une évidence. Cold Fear est une marque internationale, c'est pourquoi il est important d'avoir une marque qui puisse coller à tous les territoires.

Les dernières images diffusées illustrent un parti pris hémoglobine qui semble très prononcé. Comment souhaiteriez-vous justifier ce choix alors que d'autre titre du genre (tels que Obscure d'Hydravision par exemple) ont déjà prouvé que le sentiment de peur peut être provoqué par des stratagèmes moins évidents ?
Notre orientation très action, très shoot – y compris à longue distance – nous a conduit tout naturellement à une signalétique très claire de la réussite du joueur (j'ai touché !). Et très vite, nous avons décidé de forcer le trait. Pour nous, l'hémoglobine est un signal, un panneau qui dit "attention ceci n'est qu'un jeu, on s'amuse". Je suis beaucoup plus gêné par des titres qui dissimule cet aspect des choses. L'évidence n'est pas toujours là où l'on croit. Il s'agit de faire peur pas de traumatiser, d'atteindre quelqu'un dans son équilibre psychologique.

Deuxième partie

Une vue à la deuxième personne pour les scènes d'action

Le premier trailer du jeu laisse entrevoir une vue à la troisième personne "fixée sur la gauche" dans les scènes d'action. Quelles nouvelles possibilités cette vue originale peut elle apporter au gameplay selon vous ?
C'est la vue "au-dessus de l'épaule" ou 2ème personne. Il s'agit avant tout de redonner au joueur le contrôle de sa vision. Ainsi son tir sera plus précis, plus efficace. Pour résumer la 3ème personne, plus cinématographique, correspond à l'exploration, à la découverte, la 2ème personne, à l'action.

La bande originale de Cold Fear va accueillir un invité prestigieux : Marilyn Manson. S'agit-il avant tout d'un choix musical pour souligner l'ambiance lugubre du jeu ou d'un choix stratégique pour bénéficier de la notoriété essentiellement sulfureuse de l'artiste ? Plus généralement, comment se passe ce genre d'accord ?
Il est clair qu'il y a un peu de marketing là-dedans, mais nous pensons que l'univers et l'ambiance du jeu correspondent bien au style de Marilyn Manson. Nous l'avons contacté, il a visionné le jeu et il a donné son accord. Il y a de plus en plus de passerelles entre les différentes industries culturelles. C'est beaucoup plus facile qu'il y a quelques années.

Le studio anglais Blue 52 (Stolen) développe actuellement Deadlight, un FPS disposant d'un pitch assez similaire à Cold Fear. Lorsqu'on travaille plusieurs mois sur un projet et qu'on s'aperçoit qu'une autre équipe a eut les mêmes idées, on est surpris, amusé, agacé ? En général, au cours d'un développement garde-t-on un œil sur ce qui se fait et se prépare ailleurs ?
Les studios font souvent des annonces sur des titres en montrant quelques screenshots et des artworks. Malheureusement pour les développeurs, la réalité est qu'un jeu n'existe véritablement que lorsqu'un éditeur signe un contrat d'édition et qu'une date de sortie est annoncée. Mais il est toujours agréable d'être copié.

En fait un projet de jeu vidéo est une machine assez lourde, il est toujours très difficile de revenir sur les choix initiaux. On regarde parfois, quelque fois on apprécie et puis on retourne à ce qu'on était entrain de faire et qui a été décidé quelques mois auparavant.
L'énigmatique Project_03 du studio
Que devient Projet 1906, votre premier projet qui vous a servi de carte de visite auprès des éditeurs ? Pensez-vous que vous y reviendrez un jour ?
Le marché du jeu a bien évolué depuis 1997. Malgré tout nous sommes toujours surpris par le vaste intérêt qu'a suscité ce projet et ses visuels depuis son annonce. Il faut que nous prenions le temps de mettre en ligne nos archives sur ce projet.

Pour finir, pourriez-vous nous dire deux mots sur votre fameux "Project_03" ?
Nous avons choisi cette domination pour nos projets (02, 03) parce que les projets évoluent énormément notamment quand à leur titre ou leur gameplay. Au final, notre prochain projet... ressemblera probablement très peu à l'image présente sur notre site.
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