Filip Neduk est de ces auteurs qu'on aime passionnément, son plaisir à créer des passerelles entre jeux de société et jeux vidéo est communicatif, ses mécaniques généreuses créent des champs de bataille excessifs et spectaculaires. Adrénaline en singeant les FPS avait été un coup d'essai plein de panache, Sanctum est un coup de maître portant à la perfection les excès du hack and slash. Un chef-d'œuvre de théâtralité à effets où la composition se charge de figures imposées : on se bat contre des démons, on se couvre des meilleures armes et lorsque le Seigneur des Ténèbres entre en scène, dans un rituel quasi-lyrique, c'est un opéra en extasie.
Sanctum est un jeu de Filip Neduk, illustré Filip Murmak, Frantisek Sedlacek, Ondrej Hrdina, Jiri Kus, René Roder et Lucas Binda. De 1 à 4 joueurs à partir de 12 ans pour des parties de 60 à 100 minutes. Édité par Czech Games Edition, localisé et distribué par IELLO.
Les siècles passèrent. Les récits devinrent des légendes et le sarcophage de jade fut oublié. De souverain en souverain, le trône de Sanctum finit par échoir à un roi aussi faible que perfide. Mais à la stupeur générale, sa vision se révéla exacte ! Le roi trouva enfin le pouvoir qui l'appelait de toutes ses forces ! Ivre de convoitise, il brisa le sceau de ses propres mains. Le sarcophage de jade était à nouveau ouvert, le Seigneur des Ténèbres était libre. Qui allait pouvoir venir au secours de Sanctum ?
Les joueurs incarnent des héros cherchant à se frayer un chemin au travers de hordes maléfiques, afin de pouvoir vaincre le Seigneur des Ténèbres se dressant à leur tête. À leur tour, les joueurs peuvent combattre les démons ; à l'issue de ces combats, s'ils parviennent à les vaincre, ils gagnent des niveaux ou de précieux objets. Sinon, auprès des feux de camps, ils se reposent et en profitent pour s'équiper ou récupérer des potions nécessaires au reste de leur périple.
La partie se déroule en plusieurs actes successifs, au cours desquels les démons deviennent plus forts, mais vous font également gagner plus de niveaux et de meilleurs objets. Lorsque les joueurs atteignent l'Acte V, ils luttent pour créer une brèche dans les Remparts de Sanctum. Le premier qui y parvient ouvre alors une voie que tous doivent suivre – celle les confrontant au Seigneur des Ténèbres.
D'abord, notons d'emblée que les figurines présentes sont sublimes, d'une grande finesse et élégance. Si les noms sont plus nuancés, ce sont bel et bien les archétypes du hack and slash : la Rôdeuse, un Hors-La-Loi, un Pourfendeur et une Danseuse.
Si les designs sont séduisants et qu'on s'empresse de les identifier à une classe connue (guerrier, archer, magicien, paladin), il n'en sera rien. Vos magnifiques plateaux personnels vont accueillir, côté gauche l'équipement entièrement flexible que vous déciderez d'offrir à vos héros ; ainsi, si le Profondeur s'apparente à un guerrier barbare, rien ne vous empêchera de l'équiper d'un capuchon et des babouches pour en faire un magicien !
Les cartes de démons sont magnifiques et offrent tant sur le verso des créatures stylées, puissantes et charismatiques ; et sur le verso des objets d'équipements conséquents, variés, respectueux de l'univers fantasy, tout en offrant des possibilités nombreuses et cohérentes. Ainsi, une carte démon vaincu peut-être mise de côté pour son matériel ou défausser pour empocher l'expérience qu'elle offre.
Puis, uniques à chaque personnage, les tuiles et cartes de compétences viennent s'installer sur le côté droit du plateau personnel. Sur ces tuiles, des gemmes de compétences viendront s'y installer et matérialiser l'idée de gagner de l'expérience. Si vous décidez de transformer votre victoire en prise d'expérience, vous déplacez les gemmes vers une zone de réserve tout en haut du plateau pour libérer des compétences ou des bonus qui viennent renforcer votre personnage.
Rien ne se perd tout se transforme et les gemmes libérés vont servir à payer les coûts d'équipements. Ces équipements possèdent de nouveaux emplacements de capacités (le rouge pour parer les dégâts, le bleu afin de vous aider à toucher plus facilement les démons en modulant la valeur de vos dés) ou des facilités d'attaques en gagnant la valeur de dé indiquée.
Les combats sont d'une simplicité absurde puisque chaque carte démon possède plusieurs valeurs de dé que vous devez obtenir pour les tuer. Au début de la partie, vous ne possédez que deux dés et si la chance ne suffit pas vous pourrez obtenir ces valeurs en utilisant une ou plusieurs capacités d'équipement ou de compétences gagnées pour modifier vos dés.
Les plateaux traversés sont magnifiques, très agréables, chargés de détails évocateurs. Les héros progressent le long des plateaux Acte et deviennent, comme les ennemis, de plus en plus puissants jusqu'aux Remparts de Sanctum. À l'Acte VI, la confrontation avec le Seigneur des Ténèbres et les règles d'affrontements changent : nul repos n'est possible, vous devrez triompher ou mourir. Comme dans un hack and slash, les ennemis de parcours ne posent que rarement de problèmes, le grand défi est le boss de fin de niveau et ici il est à la hauteur. C'est un feu d'artifice ! La mise en scène est spectaculaire et intime puisqu'il s'agira, lors d'un combat éreintant pour chaque joueur, de mettre à l'épreuve son héros face aux coups du Seigneur mais aux aussi face à des pénalités d'attaques terribles puisque pénalisantes.
Vous comprenez que la primordiale gestion de l'inventaire dans votre partie va prendre ici tout son sens. Si vous avez procédé à des choix d'équipement laborieux, si vous avez tâtonné entre objets ou expériences, si vous avez fait des choix de cœur parce que tel objet peu intéressant mais tellement fashion allait si bien à votre personnage, alors vous serez puni face au Seigneur des Ténèbres. Sanctum est un bonheur qui récompense votre capacité à vous projeter, à agencer un inventaire, à tirer partie des compétences et à anticiper la gestion de ses mécaniques afin de décrocher des Hauts Faits qui mettront les joueurs en concurrence. Les Hauts Faits sont des récompenses offertes pour avoir été le premier joueur à accomplir un objectif défini et qui vous apporteront des bonus à utiliser lors de l'affrontement avec le Seigneur des Ténèbres.
VERDICT – À réserver aux adultes et notamment aux sessions en couple, Sanctum est un vrai jeu de gestion et très anecdotiquement un jeu d'affrontement. Autant avoir été prévenu car on risque de tomber de haut et de s'ennuyer ; durant plusieurs actes les combats ne sont qu'un prétexte aux joies délectables de découvrir de l'équipement et de s'en équiper. Si l'on est pas sensible à cette dimension de gestion fine d'équipement et de priorisation des compétences, alors aucune chance que le combat final vous parle et vous paraisse incroyable d'intensité et de dramaturgie. La thématique est puissante, sérieuse et fidèle. Dans un Diablo, si on passe autant de temps à combattre c'est bien pour équiper à la perfection son avatar, de ce point de vue là Sanctum est un monstre d'ingéniosité qui respecte à la perfection son genre et la montée en puissance inhérente au plaisir pris par les hack ans slash.
LE DESIGN ▶️ ★★☆☆☆
LES RÈGLES ▶️ ★★☆☆☆
LE FUN ▶️ ★★☆☆☆
LE PRIX ▶️ ★★☆☆☆
L'AVIS ▶️ ★★☆☆☆