Test | Desperados III
21 juil. 2020

L'aventure omnisciente

Testé par sur
Aussi disponible sur
Desperados III

Il y a 20 ans sortait l'excellent Desperados et c'est avec tendresse et beaucoup d'émotion que l'on est ravi de savoir qu'il nous revient sous les meilleurs auspices. Une licence qui a beaucoup souffert se retrouve enfin entre les mains bienveillantes du studio Mimimi à qui l'on doit l'énorme Shadow Tactics. Cependant les cowboys c'est autrement moins discret que les ninjas et on espère que Desperados a gardé un peu de son impertinence.

L'histoire

Il faut croire que c'est mal parti puisque l'ouverture du jeu se fait en famille, avec notre éternel héros John Cooper, enfant qui se rebelle contre son père. Le ton est donné. Les enjeux de cet épisode tournent autour de la famille, de l'amitié et de l'honneur ; des valeurs viriles et honorables dont on sait par avance qu'elles n'inclinent pas vers la gaudriole. Donc tous nos protagonistes ont une bonne raison de partir à la recherche d'un certain Frank, qui travaille pour une certaine compagnie minière ferroviaire qui s'approprie et pollue les terres, appauvrit et exploite les populations...

Si le jeu vous propose un voyage d'une belle diversité à travers les territoires Américains, il en est autrement de son histoire très académique, qui se réfugie derrière une caméra en vue isométrique qui confère à la mise en scène peu d'entrain. Ses cinématiques soignées finissent par ennuyer et les histoires redondantes ne marqueront pas les esprits, alors même qu'elle fait des efforts dingues d'écriture.

Reste les décors fantastiques et des personnages attachants : archétypes cinématographiques vus et revus mais qui sont ici sublimés. Même si après 20 ans on était en droit de s'attendre à un enrobage graphique de folie, le titre s'en sort bien mais n'éblouit jamais, c'est joli, toujours de bon goût mais pas démentiel.

Le principe

Cinématiques soporifiques.

Vous le savez sans doute déjà, Desperados III appartient à cette catégorie de jeux d'infiltration tactique en vue isométrique où il s'agit de réaliser plusieurs objectifs sur une carte sans se faire repérer, sinon c'est quasiment la mort assurée ou en tout cas le sentiment d'avoir gâché ses statistiques de fin de niveau.

Desperados a la particularité de proposer des cartes énormes qui donnent la parfaite illusion de lieux bac à sable où le joueur s'imagine sans doute se balader comme il l'entend. Il n'en est rien, Desperados est fourbe dans sa démarche. Si les cartes sont démesurément grandes et s'apparentent à des mondes ouverts, il s'agit essentiellement d'un puzzle game où chaque recoin d'un niveau possède sa mécanique, son propre casse-tête pour éliminer (ou pas) les ennemis sans se faire repérer.

Si les objectifs sont divers : libérer des otages, faire exploser, éliminer, récupérer du matériel... les moyens pour y parvenir sont toujours les mêmes : l'observation fine, minutieuse du parcours des ennemis et de la portée de leur champ de vision, conjuguée à une connaissance parfaite des niveaux et de ses moindres recoins.

Patience et abnégation seront les qualités dont vous aurez besoin puisque chaque avancée procède du tâtonnement : y aller au culot pour voir la réaction des ennemis ou si la stratégie mise au point fonctionne. Les échecs seront nombreux, terminer chaque niveau la première fois vous prendra au bas mot deux heures, vous allez finir les niveaux éreinté, sur les rotules. Ce n'est pas tant dû à la difficulté, mais à des mécaniques retorses et une proposition ludique d'un autre âge qu'une jouabilité étouffante n'aide malheureusement pas à assouplir.
Une proposition ludique d'un autre âge

La jouabilité

Là c'est mal barré !

Desperados III en faisant abstraction des habitudes actuelles rend un hommage à la virgule près au jeu d'il y a 20 ans et vous paraîtra d'une lenteur anachronique et absurde qui épuise. Ce qui ne veut pas dire que la maniabilité est mauvaise, pas du tout, bien au contraire. Elle est parfaite et si l'hommage se voulait à l'identique il est réussi au centuple. Néanmoins Desperados III asphyxie et ses phases de jeu tiennent parfois de la charge qui laisse peu de place au plaisir tant l'échec est constant et l'on se retrouve à sauvegarder non-stop. La jouabilité à la manette – si elle fonctionne parfaitement – nécessite tout de même un temps d'adaptation, et même au bout de plusieurs heures il vous arrivera de vous mélanger les pinceaux lorsqu'il s'agira de réagir rapidement.

Dans Desperados III vous allez utiliser les capacités de vos héros pour progresser dans les niveaux et résoudre les parcelles d'énigmes qu'ils vous réservent. Ce ne sont pas des mouvements ou des attitudes naturelles mais bien un nombre de figures imposées que vous devez utiliser ou conjuguer pour réussir. Plus que jamais le système de pause tactique, emblématique de la série, se révèle ici d'une importance cruciale et il faudra apprendre à le maîtriser à la mesure près afin de gagner un temps précieux dans les niveaux, sinon vous serez livré à une errance certaine.

Pause tactique, durant laquelle vous pouvez programmer un certain nombre d'actions que vos personnages exécuteront dès lors que vous leur en donnerez l'ordre. Parmi ces actions, les capacités propres de vos personnages. Sans trop vous en dévoiler en voici quand même quelques-unes : John Cooper possède son lancer de pièce pour distraire les gardes, Hector son énorme piège à ours, le Doc un fusil sniper, Kate se déguise pour se promener à sa guise, et Isabelle Moreau, la petite nouvelle, qui grâce à son vaudou peut prendre possession d'un adversaire. Tout à la fois dans la tradition mais aussi en se permettant une petite incartade mystique, Mimimi réalise un sans faute qu'on ne peut que saluer. Surtout que le jeu garde une lisibilité sans faille avec ses multiples marqueurs de champs de vision, ses points d'intérêt en surbrillance et ses ennemis parfaitement identifiés.
Une lenteur anachronique

Pour qui ?

L'une des très bonnes idées du jeu.

Les amoureux de la licence seront aux anges et l'ont probablement déjà terminé. Les fans d'infiltration tactique trouveront que l'hommage réussi s'abstrait de pas mal de progrès apportés par d'autres depuis 20 ans. Pour les néophytes c'est un immanquable, avec ses personnages charismatiques et son univers aguicheur. Mais attention, la dose d'investissement qu'il demande vous fera prendre quelques cheveux blancs.
Quelques cheveux blancs en perspective

L'anecdote

Des objectifs pour la manche suivante.

En plus d'être déjà très long, une fois chaque niveau terminé des challenges vous seront proposés afin de terminer les niveaux d'autres manières. Cela permet de renouveler la jouabilité et de rajouter une couche de points de vue sur des niveaux que vous allez traverser une seconde fois de manière beaucoup plus décomplexée. D'ailleurs je trouve que ce deuxième run lui convient beaucoup mieux, Desperados III n'est pas à proprement parler un jeu dans lequel les niveaux se terminent sans avoir tué personne, bien au contraire. Les challenges assument cette dualité ombre/carnage et c'est beaucoup plus drôle, beaucoup moins froid, beaucoup plus moderne.
Un deuxième run lui convient beaucoup mieux
Les Plus
  • Une jouabilité parfaite...
  • Le bonheur de retrouver la licence comme dans nos souvenirs
  • Les objectifs pour le deuxième run
  • Les replays de fin de niveaux
Les Moins
  • ... comme il y a 20 ans
  • Graphiquement faiblard
  • Cinématiques et narrations peu valorisées
Résultat

Desperados III est un grand jeu qui propose un challenge à la hauteur et joue les gammes de l'infiltration tactique à la perfection. Cependant l'investissement qu'il demande mérite une mise en garde : l'univers est attrayant, mais la jouabilité et le rythme d'un autre temps alourdissent et contraignent le joueur jusqu'à la rééducation qui se fait parfois dans la douleur. L'impression est désagréable mais la satisfaction est à la hauteur.

Partagez ce test
Tribune libre