Test | Call of Duty : Modern Warfare
13 nov. 2019

De très bonne guerre

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Call of Duty : Modern Warfare

Difficile de savoir où donner de la tête avec Call of Duty. Œuvre capable de travestir le passé de façon nauséabonde (World War II), mais aussi de vous propulser dans l'espace à travers des plans-séquences tout bonnement uniques et grisants. C'est d'ailleurs après le surprenant (et injustement mal-aimé) Infinite Warfare que le studio Infinity Ward s'est attelé à Call of Duty : Modern Warfare. Derrière ce nom, un symbole puisque Modern Warfare (2007) reste pour beaucoup l'épisode du renouveau pour la série d'Activision... en ayant posé les bases du FPS moderne. Autrement dit, le nom de ce reboot était annonciateur de belles ambitions.

L'histoire

En tant que reboot plutôt malin, Call of Duty : Modern Warfare ne reprend pas la trame de son homologue sorti en 2007. Non, le jeu a la bonne idée de proposer quelque chose de nouveau, avec une fin/ouverture faisant le liant avec la saga initiale... mais nous préférons vous laisser découvrir tout ça par vous-même.

En revanche, il est impératif d'aborder différents aspects du titre. Si Modern Warfare a eu un impact en son temps, c'est justement car il a participé à une forme d'émancipation du jeu vidéo, ce à travers une identification prononcée et une caméra (subjective) spectaculaire. En ont résulté des polémiques, notamment à la sortie du deuxième volet nous faisant incarner un agent de la CIA infiltré dans un groupe terroriste... et pouvant tirer sur des civils lors de l'attaque d'un aéroport. Si Call of Duty est passionnant, ce n'est pas tant par son multijoueur que par ce rapport parfois radical à l'identification et à la réalité... et qui a fait que la franchise s'est souvent perdue ces dernières années. Bien qu'Infinite Warfare avait pour lui des plans-séquences démentiels (vous pilotiez un vaisseau dans l'espace avant de partir à l'abordage de stations... puis de reprendre votre route, sans coupure ni temps de chargement), la série n'a que peu usé de radicalité sur cette génération de consoles.
Une série qui résume les enjeux modernes du médium

Certaines scènes marquent par leur rapport au réel.

L'un des aspects intéressants de Call of Duty : Modern Warfare, c'est qu'il mêle d'une façon organique réalité et fiction (pour ne pas dire spectacle). Ainsi, le jeu donne parfois l'impression de la jouer petit bras, notamment lorsque les développeurs inventent un pays du Moyen-Orient (l'Urzikstan) tandis qu'ils citent explicitement la méchante Russie. D'un autre côté, pour ce qui est de l'image et du visuel, force est de constater que l'on y croit. De même, le titre devient étonnamment immersif lorsqu'il nous place hors de l'action pure et dure. Cela est par exemple valable pour le début du jeu : dans les rues londoniennes, une attaque terroriste se prépare. Vous suivez une camionnette avant que celle-ci n'explose en pleine rue, et que s'ensuive une attaque de terroristes massacrant des civils. Si on peut toujours trouver à redire (au final, est-ce bien crédible de faire affronter au joueur une cinquantaine d'individus ?), la sensation d'une réalité intelligemment altérée est présente. Et il en ira de même pour tout le jeu, notamment lors de passages à l'identification forte.
Un goût de réalisme étonnamment dosé

Le principe

Si vous jouez en 4K et surtout en HDR (avec des noirs plus prononcés), l'immersion est totale.

Nous pensons à ce niveau ingénieux dans lequel vous êtes retranché dans une ambassade avec des bureaux protégés par des vitres blindées. Les assaillants sont dehors. Ils entrent et vous voient mais ne peuvent vous atteindre : ils tuent des civils sous vos yeux en espérant que vous ouvrirez la porte. Plus tard, vous les affrontez en devant vous servir des vitres blindées précédemment croisées. Malin. Nous n'allons pas vous gâcher les surprises, mais disons simplement que ce rapport à l'identification est régulièrement présent, aussi bien à travers une scène vous faisant affronter un colosse à l'allure de Minotaure (vous comprendrez en jouant) qu'à travers des opérations dans des maisons cachant des terroristes.

C'est probablement l'aspect le plus réussi du titre : au sein d'une force spéciale, vous progressez dans des bâtisses pour y débusquer des terroristes. Vision nocturne et mise en scène sont au programme. Dans ces moments (et c'est dommage que le recul des armes et le mixage sonore ne soient pas encore plus prononcés), Call of Duty : Modern Warfare n'est pas sans rappeler la scène d'action finale de Zero Dark Thirty, excellent film de Kathryn Bigelow nous faisant vivre la traque de Ben Laden.
Des idées et une probable inspiration cinématographique

Un bel exemple de passage annexe : il faut aider l'assistante à se cacher des opposants.

En plus de ces passages (et nous avons préféré ne pas tous les citer), Call of Duty : Modern Warfare sait aussi varier le rythme à travers des séquences plutôt modernes. Le titre diversifie les phases de gameplay pour vous empêcher de vous ennuyer, en vous proposant par exemple de piloter des drones ou même de participer à quelques phases d'infiltration. C'est globalement réussi et – encore une fois – l'expérience joue savamment avec la réalité. Comme de coutume et pendant les six heures que dure la campagne, le rythme ne faiblit pas, tantôt aidé par des variations maîtrisées (une course poursuite haletante à Saint-Pétersbourg) ou de vrais moments de bravoure visuels. À coup sûr, les adeptes des campagnes de la série y trouveront leur compte.
Diversité moderne

Le multi

Concernant le multi, difficile d'être dépaysé.

Finalement, plein de joueurs préfèrent la série d'Activision pour son multijoueur. Ici, le rapport à la réalité est un peu plus douteux : on a connu des choix de meilleur goût que de permettre au joueur d'envoyer des frappes de phosphore blanc en guise de récompense (une des armes de guerre les plus discutables qui soit). Sachant que certains joueurs jouent à peine à la campagne solo... cette approche du ludisme est un peu dérangeante (d'autant que la série est tout de même connue pour ce genre de maladresses).

En dehors de cela, le multijoueur réinstaure les Killstreaks (des atouts/attaques déblocables en fonction du nombre d'adversaires tués à la suite). Des nouveaux modes sont présents et notamment l'un d'eux intitulé Gunfight, dans l'ère du temps puisque proposant de courtes parties de quarante secondes entre deux équipes de deux joueurs. Si les joueurs se plaignent toujours de quelques soucis inhérents au genre (abondance de "campeurs" ou, plus singulier, bruits de pas trop prononcés), difficile de douter de la viabilité sur le long terme d'un pan toujours aussi complet.
Une valeur sûre
Les Plus
  • Un nouveau moteur graphique qui fait fort
  • Assez impressionnant en 4K/HDR
  • Un vrai numéro d'équilibriste
  • Les forces de la série sont là, et plus particulièrement celles de Modern Warfare
  • Un jeu fascinant dans sa manière de faire du réalisme "mais pas trop"
  • Une campagne au top, avec une belle diversité
  • Multi forcément solide
Les Moins
  • Le titre pouvait aller plus loin sur le plan du réalisme... mais est-ce que la fascination ne vient pas justement de là ?
Résultat

Call of Duty : Modern Warfare est probablement l'un des deux meilleurs épisodes de la série sortis ces dix dernières années. Il y aurait beaucoup à en dire, et notamment sur la façon dont le jeu travestit consciemment la réalité, sur le plan moral de cette démarche... Certes, Modern Warfare pose des questions, mais il est indiscutable que quiconque y apportant un avis tranché serait bien plus maladroit que le titre lui-même. C'est toute la réussite de ce reboot et ce qui le différencie – par exemple – de World War II (qui était bien plus réducteur dans sa façon de caricaturer la guerre et le passé). Bien sûr, le titre pourrait aller plus loin, entrer de plein-pied dans un réalisme exacerbé... mais son soupçon de fiction et de ludisme lui confère ici une aura étrange, à la frontière entre la guerre vidéoludique et la guerre télévisuelle (à défaut de la vraie guerre, peut-être). Un titre fascinant, lui-même à la frontière entre le bien et le mal.

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