Dossier | .Hack, le mélange des genres
20 févr. 2004

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Devinette : qu'est-ce qui est à la fois un jeu vidéo, un dessin animé et un manga ? Ceux qui ont répondu Matrix peuvent s'octroyer un demi-point, la réponse exacte était .Hack. Pour la première fois, un univers commun cherche à utiliser trois medias distincts pour raconter une seule et même histoire, avec toutes les interactions que cela suppose. C'est déjà alléchant, mais cela devient violemment accrocheur quand on pense que ce projet unique fédère trois grands noms de l'animation japonaise, qui ont participé à des animés aussi connus que Ghost in the Shell et Evangelion.

L'invasion commence

.Hack est à la fois une série de quatre jeux vidéos PlayStation 2, un animé de 26 épisodes et un manga. Ca fait beaucoup mais il n'est pas nécessaire de tout avaler pour tout comprendre. Chaque media se suffit à lui-même et donne simplement envie d'aller un peu plus loin, en creusant l'histoire et en découvrant toutes les facettes des personnages mis en scène. Le scénario est en effet suffisamment bien ficelé pour appâter le joueur et l'inciter à découvrir le reste, sans que cela soit impératif. De quoi satisfaire à la fois les collectionneurs fous et ceux qui cherchaient déjà leur calculette Windows pour évaluer le coût total.

Réalité, virtualité, choucroute

A propos de Windows, .Hack commence de façon humoristique en imposant un nouveau système d'exploitation. Quelque part en 2005, un puissant virus au nom ridicule (le Baiser de Pluton) nettoie proprement les ordinateurs de la planète qui cessent complètement de fonctionner. Deux ans après, un nouvel OS voit le jour, Altimit, et impose un monde persistant en ligne, sobrement baptisé The World. Celui-ci connaît un engouement sans précédent, jusqu'à ce qu'une série de dysfonctionnements plongent certains joueurs dans le coma. C'est ce qui arrive avec Orca au tout début du jeu vidéo, alors qu'il initiait le héros Kite aux joies du classique monstre-trésor dans un donjon pour nioubis. A Kite de découvrir comment le jeu et le monde réel sont connectés, au point que les joueurs puissent être physiquement atteints.

L'histoire façon puzzle

Avec une histoire pareille, qui est volontairement elliptique, il est évident que l'on est vite tenté d'acheter tous les produits dérivés pour mieux comprendre le pourquoi du comment. Le premier jeu vidéo PlayStation 2, Infection, est d'ailleurs vendu avec un animé de 45 minutes montrant ce qui se passe dans le monde réel pendant que l'on batifole dans le jeu vidéo. Dans la première heure, Orca se fait atomiser par une créature inconnue en cherchant à protéger Kite. On réussit à s'enfuir dans le jeu, et c'est seulement avec l'animé qu'on mesure l'importance de ce sacrifice, en découvrant Orca dans sa chambre d'hôpital. L'idée est excellente et est évidemment très bien exploitée. Ce n'est pas vraiment une surprise quand on jette un coup d'oeil au listing des bonnes fées qui se sont penchées sur le berceau de .Hack. On y retrouve Kouichi Mashimo, qui s'est fait connaître avec La Bataille des Planètes, Xenogears ou encore Noir, mais aussi Yoshiyuki Sadamoto, le character design de The Wings of Honneamise et de Neon Genesis Evangelion, sans oublier le scénariste Kazunri Ito, célèbre pour son travail sur Mobile Police Patlabor ainsi que sur les films Ghost in the Shell et Avalon.

Force de vente

Pour peu qu'on soit également séduit par la dimension marketing du projet, on ne peut qu'apprécier que des compagnies aussi variées que Bandai, Panini, Atari et Movie System ait réussi à unir leurs forces pour imposer un univers entièrement neuf, qui ne soit pas basé sur une licence bien rôdée. C'est courageux et c'est astucieux, chaque support promouvant les autres. Il existe de nombreuses portes d'entrée à l'univers de .Hack, ce qui en fait une des meilleures campagnes de pub du moment, à côté des affiches parfumées de l'Oréal, de la distribution de fraises sur le parvis de la Défense par Canderel ou des mini-shampooings Sunsilk collés aux pubs dans le métro. Accessoirement, cela risque aussi de vous faire traiter de pauvre nerd quand vous essaierez vainement, entre la poire et le fromage, d'expliquer à un entourage médusé ce qu'est exactement .Hack. Il faut impérativement être journaliste ou attachée de presse pour y arriver.

Pour connaisseurs

Car c'est clair, .Hack table avant tout sur les nerds. Comme pour Tron 2.0, il faut connaître le monde informatique pour apprécier la chose. Il faut savoir ce qu'est un univers persistant, ce que représente le virtuel et à quoi ressemble une communauté online pour comprendre l'univers de .Hack. Le premier jeu vidéo est à ce titre assez amusant, puisqu'il ressemble comme deux gouttes d'eau à un jeu massivement multijoueur, mais offline. Quand on lance le jeu, on atterrit sur un bureau avec son petit menu démarrer, ses icônes de lancement rapide, ses fonds d'écran qu'on peut changer, puis on se connecte à The World exactement comme si Asheron's Call 2 était directement intégré à Windows XP. Là, on a accès à des forums bateaux où des utilisateurs bidons s'échangent des astuces de pauvre geek sur l'influence des conditions climatiques d'un niveau dans l'obtention ou non de bonus pour les objets jetés dans une marre (authentique). Et une fois en ville, c'est encore pire. On croise des joueurs qui discutent entre eux avec des petits lol qui s'affichent au-dessus de leurs têtes comme dans un mauvais Phantasy Star Online. Il ne manque que les danses du slip ou les déconnexions sauvages pour s'y croire vraiment. Le tout sans payer d'abonnement mensuel ni se connecter au portail CentralStation de Sony avec l'adaptateur réseau, évidemment.

Massivement multi medias

Cet aspect là est très amusant, surtout que les premières minutes sont une véritable introduction aux règles de conduite des jeux massivement multijoueur. Juste avant de se faire dessouder, Orca explique en détail à Kite que dans The World, il a tout intérêt à bien mémoriser les pseudos de ses copains de la vraie vie et à ne surtout pas les appeler par leurs noms réels, entre autre. C'est rigolo et bien vu, même si le jeu en lui-même est plutôt faiblard. Comparé à des titres comme les Final Fantasy, la réalisation est sommaire avec beaucoup trop de brouillard, des décors bien carrés et des textures trop pauvres. Plus étrange, les cinématiques sont basées sur le moteur 3D du jeu et n'exploitent pas, même pour l'intro, des extraits de l'animé qui est pourtant d'un très bon niveau. Pire, le jeu s'apparente à un dungeon-RPG, un genre très prisé des japonais mais plutôt fadasse pour les occidentaux. Les niveaux sont monotones, les morceaux qui les constituent se ressemblent tous, les pièces et les couloirs sont bassement dupliqués et le tout sent bon le level design bâclé. On retrouve là la même limite qu'avec les suites de Matrix, qui avaient elles aussi essayées de contaminer simultanément plusieurs plates-formes (cinéma, DVD, animés, jeu vidéo) au détriment de certaines d'entre elles.

A connaître

Heureusement, ici le scénario et les personnages suffisent à rattraper cette vilaine impression. Surtout que seul le jeu vidéo n'est pas à la hauteur des standards actuels sur console. Franchement, .Hack est un OVNI qui vaut le détour pour les amateurs de manga et d'animé, surtout pour ceux qui aiment bien la fusion tellement à la mode en ce moment entre réalité et virtualité. Pour les joueurs purs et durs en revanche, .Hack n'est pas le meilleur RPG du moment malgré son scénario en téflon. Dans tous les cas, n'hésitez pas à aller faire un tour sur netcine pour terminer ce tour d'horizon, la bande-anonce de l'animé et les premiers épisodes étant déjà disponibles dessus.
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