Dossier | Le Festival du Jeu Vidéo 2008
07 oct. 2008

Un aperçu du futur

Rédigé par

En attirant 48 000 visiteurs à Paris – Porte de Versailles, l'édition 2008 du Festival du Jeu Vidéo a battu tous les records. Elle a surtout permis au public de découvrir en avant-première les jeux qui vont marquer la fin d'année grâce aux gros éditeurs présents : Electronic Arts, Activision, Ubisoft, dont les chefs de produit répondaient sans détour à toutes les questions, directement sur les stands. Une occasion géniale de tâter quelques nouveautés très attendues et de flairer les tendances qui vont secouer la planète Jeux Vidéo.

Un salon complet

Le Festival du Jeu Vidéo, c'est 130 exposants, des stands d'éditeurs comme dans les grands salons étrangers, un Village Kids dédiés aux jeux grand public et parrainé par la Fnac, la finale Française des World Cyber Games, la remise de trophées par David Cage, la présence de Peter Molyneux pour parler de Fable 2, sans oublier le top model Alison Carroll, la nouvelle Lara Croft ! Son arrivée en chair et en... chair a été évidemment très remarquée. Si l'on rajoute des conférences avec Emmanuel Forsans de l'Agence Française du Jeu Vidéo, le programme était bien chargé. Reste que l'essentiel tient en quelques mots : l'avenir du jeu vidéo, sur lequel les chefs de produit des différents éditeurs tombent tous d'accord, et quelques gros jeux marquants auxquels il était possible de jouer : Mirror's Edge, Tomb Raider Underworld, Fallout 3 et Far Cry 2. Que des suites ou presque, mais d'une qualité qui fait plaisir.

KO debout

Le prochain Need for Speed était jouable – du Burnout Paradise avec des voitures sous licence.

Commençons par la nouvelle qui fâche : le jeu sur PC est en train de vivre ses derniers instants, c'est sûr. Chez Ubisoft, le bilan est morose : aucun jeu exclusif au PC n'est prévu. Même le redoutable Far Cry 2 ne sera pas exclusif au PC : son développement a été prévu sur consoles nouvelle génération dès le début. Les ventes PC en chute libre donnent le ton : chez Electronic Arts, les ventes consoles d'un Command & Conquer 3 au Royaume-Uni représentent trois fois les ventes PC ! Incroyable pour ce bastion historique du PC, un jeu de stratégie mal adapté aux manettes de surcroît. Le piratage est en ligne de mire, tout comme le succès de quelques MMORPG, des jeux grand public gratuits ou vendus à petit prix (directement jouables depuis un navigateur Internet) et la migration des joueurs PC sur console. A l'heure actuelle, il ne reste au PC que des miettes : des portages, qui ne tirent pas toujours la barre vers le haut.

Far Cry 2 : une claque, tout simplement

La bonne claque du moment, c'est Far Cry 2.

Premier jeu, première claque : Far Cry 2 était jouable sur le salon, dans sa version console, et tenait déjà toutes ses promesses. Non seulement la réalisation impressionne, mais la mise en scène est classe. Vous sortez dans une rue inondée de lumière, dans un bidonville où la milice pullule. A chaque coin de rue, un barrage, des hommes en arme qui pour l'instant ne vous accordent pas plus d'attention que ça. C'est simple, ça ressemble comme deux gouttes d'eau à Resident Evil 5 : et si l'Afrique devenait la nouvelle destination tendance des jeux vidéo... ? Vous pouvez vous balader tranquillement ou tirer dans le tas, ce qui déclenche instantanément une véritable guerre. Les rues se transforment en champ de bataille, les balles sifflent, des mercenaires armés surgissent de partout, vous encerclent et... vous mourrez. Pas question de faire péter un quartier avec un pistolet à bouchon, Far Cry 2 vous fait payer chèrement toute erreur stratégique sur le terrain. Mais là, alors que vous vous attendez à recharger votre partie, surprise : une belle métisse vient vous sauver les miches, vous trainant en dehors de la zone de combat dans un état à demi comateux. Resident Evil 5, décidément... La mise en scène, véritablement impressionnante, donne vraiment des frissons. Mais ce genre de soutien n'est pas systématique. Un autre décès plus tard et vous apprenez, durement, que vous ne disposez pas des vies illimitées. Un premier contact bref, intense, violent, qui donne carrément envie d'y revenir – sans parler des véhicules nombreux et accessibles, comme cette jeep que vous pouvez squatter après avoir liquidé ses occupants. Classique mais sympathique, vu la liberté de déplacement et d'action offertes par le jeu.

Mirror's Edge, Tomb Raider : les valeurs sûres

Sur chaque stand, les jeux de fin d'année était jouables.

Si un jeu était attendu au tournant sur le salon, c'est bien Tomb Raider Underworld. Jouable lui aussi, il a mis tout le monde d'accord : c'est beau, c'est fluide, c'est agréable à jouer. Manette en main, il était possible de faire une tour sous l'eau, histoire de dézinguer quelques requins un peu trop désireux de goûter à Lara. Pas touche ! Petite escalade des falaises, l'occasion de jouer avec une caméra complice, visite d'un temple, les environnements présentés étaient soignés et crédibles. L'ambiance jungle / aventure / temple perdu marchait à fond, même si un salon bruyant n'est pas idéal pour bien en profiter. Du déjà vu, peut-être. Mais le charme fonctionne à fond et ça fait rudement plaisir. La vraie surprise, il fallait la chercher du côté de Mirror's Edge, un jeu d'action en vue subjective qui rappelle beaucoup Matrix. La scène d'ouverture du premier film, Trinity qui court sur les toits, vous vous en souvenez ? Dans des décors très colorés, dotés d'un code couleur intelligent pour vous signaler les interactions possibles, c'est exactement ce que vous propose la petite bombe d'Electronic Arts – qui insiste au passage sur ses licences originales, Spore et Dead Space en tête, à côté des licences bien établies comme FIFA, Command & Conquer ou Need for Speed, très proche cette année de Burnout Paradise. Seul le premier niveau de Mirror's Edge était jouable malheureusement, l'occasion de remarquer que les commandes sont simples et intuitives et le jeu très linéaire. A part quelques embranchements, il faudra bien apprendre les itinéraires – les réflexes et l'observation ne suffisant pas toujours. Une fois le parcours bien maîtrisé, l'enchaînement de sauts millimétrés, d'esquives et de contre-attaques fulgurantes donne des frissons de plaisir. Un gameplay particulier, exploitant à merveille la vue subjective, qu'il faudra tester sur la durée mais qui intrigue, clairement.

Fallout 3 : le pétard mouillé ?

C'est peut-être ça, l'avenir du jeu vidéo.

Reste Fallout 3, le dernier grand jeu à nous avoir bien marqué sur ce salon. Entièrement jouable, il permettait de découvrir une liberté d'action phénoménale, tout simplement grisante, en même temps que le système de combat qui fait couler beaucoup d'encre. Imaginez des terres dévastées, un holocauste incroyablement bien rendu, une réalisation superbe – à part quelques textures curieusement nulles pour certains bâtiments, étrange. L'impression d'avoir survécu à une catastrophe nucléaire et de devoir lutter pour survivre est incroyablement bien rendue, avec une impression de danger et de menace permanente – robots, animaux, survivants, tout est dangereux dans le monde post-nucléaire de Fallout 3. C'est déjà la très grande réussite du jeu. Le reste est décevant. D'abord parce que les espaces traversés étaient on ne peut plus vides dans cette version, vraiment : à part quelques fourmis géantes, il était possible de crapahuter pendant une dizaine de minutes sans croiser personne. Curieux. Ensuite parce que le système de combat et l'intelligence artificielle ne sont pas convaincants. Viser soigneusement un ennemi met le jeu en pause automatiquement et permet de cibler précisément une partie de son corps en dépensant des points d'action ; pas très intuitif, plutôt lent, rien ne vaut le tir en mode normal et en temps réel... auquel le jeu n'est pas bien adapté. Dès qu'un ennemi vous a repéré, il fonce vers vous et attaque. Il ne s'abrite jamais. Il vous suit jusqu'à la mort. La méthode qui consiste à tirer tout en reculant marche trop bien, mais vous fait tomber sur d'autres ennemis qui attaquent à leur tour... Pas très intéressant. Une hérésie comparé à ce que les épisodes en 2D avaient réussi à proposer sur le plan tactique, et que des jeux comme Crysis Warhead magnifient en 3D. Il reste à voir ce que vaut le scénario du jeu et à essayer une version définitive, bien sûr, mais il y a de quoi être inquiet.

Voilà ce qu'il fallait retenir de ce salon, avec une tendance lourde qui se dégage : les jeux grands publics, moins présents sur place, se taillent la part du lion auprès d'un public très large. Avec l'affaiblissement alarmant du PC, c'est un nouvel horizon qui se dessine pour les joueurs réguliers – un avenir qui sera déterminé par l'orientation de la prochaine génération de consoles. Tous les constructeurs essaieront de toucher le grand public, tous les éditeurs ayant déjà franchi le pas. Les hardcore gamers ne seront pas abandonnés, tant qu'ils représenteront un marché solide, mais l'essentiel des efforts en terme de marketing et de développement ne se concentrera plus sur eux. Editeurs et constructeurs sont prêts – et vous ?
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