Interview | Grow Home
15 avr. 2015

Entretien avec Pete Young

Interview par

Grow Home est un petit jeu d'autant plus attachant qu'il a été développé par un studio rompu aux titres AAA très encadrés. Nous avons voulu en savoir plus sur l'origine de ce développement récréatif et inspiré. Rencontre avec Pete Young, le producteur du jeu.

"Nous voulions bousculer notre façon de faire des jeux à Reflections."

Commençons par une petite présentation. Sur quels jeux avez-vous travaillé auparavant et à quel poste ? Et bien sûr, quel était votre rôle dans le développement de Grow Home ?

P.Y. : Je travaille chez Reflections depuis maintenant plus de 15 ans. J'ai démarré en tant que programmeur sur Stuntman pour la PS2. Plus tard, sur Driver: San Francisco j'ai eu un rôle plus créatif, en étant responsable de l'ensemble de l'aspect multijoueur. Depuis je me suis orienté vers la production, en passant un peu de temps sur The Crew avant de changer encore une fois pour créer l'équipe à l'origine de Grow Home. Sur ce jeu, j'ai la double casquette de producteur et de chargé de la stratégie marketing ainsi que de tout l'aspect business. Cela dit, dans une équipe aussi réduite nous sommes tous impliqués dans les différents aspects du projet. Ce n'est pas simplement limité à l'intitulé de notre poste.




- Trailer de lancement de Grow Home


Finalement, au milieu de ces titres AAA, Grow Home c'est un peu votre récréation, non ? Justement, comment êtes-vous parvenus à libérer du temps pour développer un projet qui, si nos informations sont exactes, n'était pas destiné à une sortie commerciale ?

P.Y. : L'idée de l'équipe est venue d'un souhait de bousculer notre façon de faire des jeux à Reflections. Nous avons derrière nous une trentaine d'années d'expérience dans le développement de jeux AAA et un solide héritage technique, mais nous sommes aussi beaucoup plus que cela. Nous avons créé une opportunité d'expérimenter sur une plus petite échelle, avec quelques contraintes très difficiles à tenir et la volonté de créer un vrai produit, pas seulement un exercice abstrait de recherche et de développement.

Dans cet esprit, nous avons démarré avec l'intention de créer un jeu qui pourrait bénéficier d'une sortie commerciale. Nous n'étions simplement pas sûrs de ce que serait ce jeu. Nous avions déjà fait des essais et joué avec l'animation procédurale. Sur l'une des premières démos, nous avons remarqué que l'un des jouets que nous avions créé avait un certain charme. Une personnalité se dégageait de ses mouvements et le rendait attachant. Nous avons développé ce personnage pour en faire BUD, le robot de Grow Home. Les joueurs aiment que ce petit robot puisse grimper partout et ils ont la possibilité de contrôler ses mains indépendamment. C'est une expérience vraiment amusante, intéressante et différente de ce dont ils ont l'habitude.

"Nous n'avons pas réellement voulu passer un message écologique."

Dans Grow Home, le joueur est un peu maître du level design. Il façonne l'environnement dans lequel BUD va pouvoir ensuite évoluer. Cet aspect créatif pourrait-il déboucher vers des mods où la communauté pourrait proposer ses propres niveaux ?

P.Y. : Nous avons déjà été étonnés par la créativité dont on fait preuve les joueurs et nous gardons un œil sur le streaming, les vidéos et les captures d'écran qu'ils partagent. Il a été fascinant d'observer les différentes expériences qu'ont les joueurs, en particulier les histoires créées par leurs interactions avec l'environnement du jeu.

On pourrait certainement imaginer des mods créés par la communauté comme complément fort de l'expérience, mais ça ne fait pas actuellement partie de nos projets. À l'heure actuelle, nous sommes concentrés sur le fait de vous apporter des expériences de jeu uniques, amusantes et intéressantes.


Grow Home aborde un sujet teinté d'écologie. Est-ce un thème qui vous tient à cœur ou un simple prétexte pour rendre le héros plus attachant ?

P.Y. : Je pense que nous gagnerions tous à porter plus d'attention à l'impact que nous avons sur notre environnement. C'est une bonne chose que vous ayez noté cette corrélation avec le jeu. Cela dit, avec Grow Home, nous n'avons pas réellement voulu passer un message écologique. Notre objectif était de créer un gameplay engageant et une expérience unique, et le contexte et l'histoire du jeu ont simplement servi d'emballage. La mission de BUD consistant à faire pousser cette plante géante était un très bon support pour l'expérience de jeu que nous souhaitions proposer, et collait parfaitement à l'ambiance détendue, excentrique et non-conflictuelle du jeu.

"Nous avons réfléchi à l'intégration d'un mode multijoueur."

À la fin du jeu, si BUD revient sur la terre ferme, on peut trouver une carcasse à son effigie flottant sur la plage. En récupérant chaque pièce, est-il possible de les assembler et d'obtenir un deuxième robot ?

P.Y. : Ce serait génial ! Quelle bonne idée, j'aurais aimé que nous y pensions aussi. La carcasse que vous avez trouvée provient de l'un de vos précédents accidents. Il n'y a malheureusement pas d'astuce secrète pour reconstituer votre corps brisé, mais les téléporteurs peuvent servir de placards à trophées bien pratiques pour les morceaux que vous récoltez. Les globes oculaires en particulier font froid dans le dos.




- Vidéo de présentation de Grow Home par les développeurs


Vous qui êtes habitué au multijoueur, notamment avec le récent The Crew, avez-vous pensé à un aspect multijoueur pour Grow Home ou ce mode vous paraît-il complètement inadapté au concept de départ ?

P.Y. : À Reflections, nous sommes très habitués au développement du multijoueur et connaissons bien les difficultés et les délais liés à l'implémentation de telles fonctionnalités. Durant le développement de Grow Home, nous avons réfléchi à l'intégration d'un mode multijoueur, mais ce n'est pas quelque chose que nous pouvions bien faire avec une si petite équipe. Nous avons aussi convenu qu'il y avait quelque chose de fort dans l'atmosphère relaxante et quelque peu solitaire du jeu, donc trouver un moyen d'introduire contextuellement d'autres joueurs aurait été un problème délicat à résoudre.


BUD est très attachant et son univers coloré correspond assez bien à ce qu'on peut retrouver visuellement dans les dessins animés actuels. Imaginez-vous l'adapter en dessin animé justement à l'image de ce qui a pu être fait pour les Lapins Crétins par exemple ?

P.Y. : C'est une excellente idée, mais nous n'avons pas de projet allant dans ce sens pour l'instant. BUD est un personnage si adorable, on ne sait jamais où il pourrait apparaître ensuite.

"Le design du jeu a été notamment inspiré par les origamis."

C'est l'artiste Jack Couvela qui a imaginé et dessiné le personnage du robot BUD. Savez-vous où il a puisé son inspiration ?

P.Y. : Grow Home est un jeu très différent de tout ce que nous avons fait auparavant à Reflections. Pour nous, les mouvements de BUD ont un caractère enfantin, espiègle et naïf, nous avions donc besoin d'une direction artistique qui irait dans ce sens. Cela a conduit l'équipe à rechercher des formes géométriques simples et colorées. Un autre facteur était la taille réduite de notre équipe ainsi que le calendrier serré, il nous fallait donc aussi un style avec lequel il serait très rapide de travailler. En particulier, Jack était inspiré par les origamis, la découpe du papier et les collages. La récente mode du "low poly" utilisée par les illustrateurs numériques a aussi été une grande source d'inspiration.

Nous voulions faire une distinction claire entre notre personnage mécanique, BUD, et le monde organique étranger de plantes et d'animaux qu'il explore. Nous avons fait ceci en créant BUD à partir de formes carrées, tandis que les plantes utilisent des éléments triangulaires. Nous savions que ce paysage géométrique composé de surfaces planes devait donner l'impression d'être solide, et pour ça nous avions besoin d'un éclairage sophistiqué. Inspiré par les films Pixar comme Wall-E, il provient surtout de lumières qui rebondissent sur les bords de chaque élément, leur donnant ainsi une vraie forme, même sans être éclairés par le soleil ou la lune.


Jack Couvela a d'ailleurs lancé récemment un appel sur Twitter pour inciter les joueurs à acheter la version PC du jeu afin de favoriser sa sortie sur consoles. Entre nous, cette sortie console est déjà dans les cartons, n'est-ce pas ?

P.Y. : Il est encore trop tôt pour en parler mais c'est vrai que nous avons toujours eu d'autres plateformes à l'esprit. Nous trouvons que jouer à Grow Home avec une manette accentue vraiment l'expérience d'escalade.


Pour finir, et en changeant de sujet, vous avez travaillé sur la série Driver. Auriez-vous une bonne nouvelle à nous annoncer à son sujet ? Ou plutôt, est-il raisonnable de garder espoir sur le développement d'un nouvel opus ou d'un reboot ?

P.Y. : Avec Driver: San Francisco, nous avons poussé l'innovation du gameplay et nous sommes désireux de poursuivre cette démarche au travers de jeux comme Grow Home, en explorant des expériences de gameplay inédites, amusantes et innovantes ainsi que de nouveaux challenges de développement.
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