Test | The Last of Us : Part II
07 juil. 2020

Un come-back qui ébout Ellie

Testé par sur
The Last of Us : Part II

Une suite, projet casse-gueule par excellence, qui peut soit asseoir un univers et confirmer les très bonnes impressions initiales, soit réchauffer et paradoxalement tiédir l'expérience d'origine, aussi puissante soit elle. C'est là tout le défi de The Last of Us : Part II. Et maintenant que sa licence phare Uncharted appartient – a priori – au passé, le challenge de Naughty Dog apparaît d'autant plus risqué. Alors, ce retour d'Ellie et Joel réussit-il le doublé d'être aussi bien justifiable que justifié ?

L'histoire

Comment un simple champignon peut-il provoquer épidémie, émeute, quarantaine, violence et finalement la chute d'une civilisation ? C'est ce que le jeu The Last of Us nous avait brillamment expliqué en 2013, par l'intermédiaire de ses deux protagonistes : le quinqua baroudeur Joel et la jeune innocente Ellie. Cinq ans après les faits, autant vous dire que l'innocence s'est nettement éventée, malgré une vie redevenue paisible grâce à la communauté florissante de Jackson. Mais vous le savez, ce qui est paisible n'est pas vraiment "ludogénique" (ou alors pas longtemps). Une patrouille dans les environs de Jackson va – très – mal tourner, contraignant nos héros à reprendre la route pour tenter de stopper ce mal intérieur qui ronge leur âme encore plus fatalement que ce fameux champignon les cerveaux.

Compliqué de résumer ce The Last of Us : Part II en évitant d'émousser votre surprise. Les twists du scénario sont nombreux et pour le moins hyper impliquants si tant est que vous ayez bien sûr de l'empathie pour les personnages. De cette empathie, vous en aurez justement besoin pour affronter des révélations parfois très déstabilisantes et vous impliquer dans une histoire qui (sur)joue avec la différence de point de vue. C'est malin, c'est plutôt osé même, mais ce procédé peut également perdre pas mal de joueurs en route, souvent habitués à l'accessibilité d'un manichéisme primaire.
Une narration anti-manichéenne qui vous bousculera longtemps après avoir posé la manette

Le principe

Un certain Red Dead Redemption 2 est passé par là...

En toute logique, la patte de Naughty Dog est belle et bien présente dans The Last of Us : Part II. Mais cette patte peut parfois se montrer un peu lourde notamment concernant les phases de gunfight, redondantes, prévisibles et donc à l'intérêt limité. Heureusement, une fois encore, la part belle laissée à l'infiltration permet de contrebalancer ce manque de subtilité.

Mais revenons-en au principe de base du jeu. Dans ce TPS à la narration très prononcée, vous avancez dans un couloir plus ou moins large mais en tous les cas suffisamment bien level-designé pour donner l'impression d'une grande liberté. Le but est bien sûr de dérouler l'histoire qui vous tiendra en haleine (la plupart du temps). Les PNJ qui vous accompagnent régulièrement sont justement là pour vous inciter à accélérer ce déroulement. Résister à leurs interpellations et flâner en route pour explorer les environs (même réduits) vous permettra à la fois de reconstituer vos stocks bien précieux mais également de profiter du sens du détail de Naughty Dog. Cela dit, à force de fouiller chaque tiroir, placard et coffre, vous aurez un peu l'impression d'être plus une simple pilleuse en manque de munitions qu'une véritable justicière assoiffée de vengeance...

Personnage féminin oblige, qui plus est jeune "innocente" en plein apprentissage des lois de la jungle, on ne peut s'empêcher de comparer Ellie à Lara Croft (celle de la nouvelle trilogie). L'aspect survival y est similaire, les cas de conscience également... Il y a fort à parier que Naughty Dog se soit inspiré du travail de Crystal Dynamics sur le reboot. C'est d'autant plus vrai avec ce deuxième volet de The Last of Us, le premier étant sorti quasi à la même période que le Tomb Raider nouvelle génération.
La célèbre et efficace patte du "chien méchant"

La durée de vie

La première partie à Seattle vous offre une exploration plus libre.

Le gros défaut de The Last of Us : Part II, car il y en a un, c'est assurément sa durée de vie. En progressant à une vitesse raisonnable, en mode normal, vous en avez pour une bonne trentaine d'heures. Pour qu'une expérience narrative ne perde pas de sa puissance, elle se doit d'être brutale et donc relativement courte. À moins d'être dans un vrai open world où vous pouvez choisir vous-même de ralentir l'action et la vitesse de déroulement du scénario, plus la durée d'un jeu s'allonge, plus une habitude de progression s'installe, plus les phases de gameplay s'enchaînent à un rythme routinier, plus votre intérêt s'essouffle. Et plus vous devenez attentif aux défauts du jeu...

Assurément, Naughty Dog a souhaité adapter The Last of Us : Part II aux codes de l'open world en se calant sur des durées similaires à des expériences narratives telles que celles de Days Gone et Horizon : Zero Dawn. Et ce, sans en mesurer l'impact sur l'implication du joueur à long terme. C'est vraiment dommage car en réduisant quelques séquences, l'équipe aurait sans doute évité ce délayage un peu maladroit qui ne fait que tiédir l'expérience globale.
Péché de gourmandise

Pour qui ?

À quoi jouait-on avant l'apocalypse ? Uncharted 2 évidemment !

Avoir joué à The Last of Us est évidemment un prérequis pour vous plonger dans ce Part II. L'un ne va pas sans l'autre, notamment pour mesurer à sa juste valeur l'événement majeur qui intervient dans vos premières heures de jeu. S'agissant d'un passage fondateur et justifiant tout le reste de l'aventure, si vous ne savez pas ce qui s'est passé dans le premier volet, vous perdrez quasiment 80 % de votre implication émotionnelle. Pour une aventure qui axe une grande partie de son intérêt sur sa narration, ça risque d'être un vrai problème.

Pour les joueurs du premier volet, cette suite apparaît un passage obligé car ils y retrouvent tout ce qui fait la saveur de leur expérience initiale, l'effet de surprise en moins. Fatalement. Mais l'attachement à Joel et Ellie est tel qu'une nouvelle aventure, même refroidie, vaut clairement le détour.

Pour les nouveaux venus, savoir si vous devez vous lancer dans cette double aventure se résume à deux points : vous appréciez la patte Naughty Dog ainsi que les univers matures, et vous êtes plutôt réceptifs aux narrations qui bousculent vos habitudes.
Commencez par le début

L'anecdote

Ce sont eux les vrais héros que l'on voudrait suivre jusqu'au bout.

En 2013, je concluais le test de The Last of Us par cette phrase : "une suite ne ferait probablement que diluer le charme d'origine.". Face à l'accueil très chaleureux des joueurs, il était assez évident que Naughty Dog cède aux sirènes du deuxième volet. Et force est de constater qu'effectivement, malgré les surenchères du scénario pour rendre l'expérience encore plus "puissante", le charme d'origine s'est un peu éventé. À cause d'abord de la faible présence du duo initial emblématique de la licence et surtout la disparition pure et simple d'Ellie durant un bon tiers du jeu, au profit d'un personnage militaire surentraîné beaucoup moins survival.
Ellie forever
Les Plus
  • Visuellement assez bluffant
  • L'ambiance à la fois poétique et mélancolique
  • Un aspect survival toujours aussi bien rendu
  • Retrouvez Joel et Ellie même furtivement...
  • Un scénario qui ose bousculer les habitudes
  • La guitare : l'autre héros du jeu
  • Des environnements qui savent récompenser la curiosité du joueur
Les Moins
  • Une durée de vie inadaptée qui affadit dangereusement l'expérience
  • Le systématisme des phases de gameplay
  • De nouveaux personnages jouables qui souffrent de la comparaison avec les héros d'origine
  • Une fin étrangement un peu frileuse
Résultat

On le sait, Naughty Dog sait faire des jeux techniquement irréprochables et au gameplay parfaitement huilé. La force de cette équipe c'est aussi de proposer des expériences puissantes, tout à la fois spectaculaires et intimistes. Depuis The Last of Us premier du nom, on savait le studio capable de rendre ses productions encore plus viscérales. The Last of Us : Part II enfonce le clou avec un savoir-faire manifeste et un scénario sans concession qui ne manque pas de bousculer nos habitudes manichéennes. Mais à trop vouloir être généreuse cette suite n'évite pas les maladresses. Ainsi sa longueur amoindrit son impact émotionnel et met en avant des redondances inutiles. Idem du côté de ses choix scénaristiques qui en oublieraient presque un peu trop les deux protagonistes initiaux. Un troisième volet – déjà à l'étude – ne sera finalement pas de trop pour tenter de mettre tout le monde d'accord. Si c'est encore possible...

Partagez ce test
Tribune libre