Test | Stories Untold

04 févr. 2020

Difficile de vous raconter quoi que ce soit à propos de Stories Untold : sachant que le jeu est court et gainé dans les moindres détails, il n'y a que peu de place pour vous vanter ses mérites narratifs. Pour un jeu textuel, il ne s'embarrasse pas de belles-lettres et s'apparente plus à une série télé en quatre épisodes. Les trois premiers ressemblent à un épisode de la Quatrième Dimension où chaque épisode est sans décor ou personnage récurrent et tout fonctionne sur un principe de récits (de science-fiction ou horrifiques) avec un dénouement surprenant. Le dernier épisode tranche radicalement en vous envoyant du côté du Lost Highway de David Lynch.

D'un côté comme de l'autre c'est étincelant de maîtrise, le jeu étant court (quatre heures), les développeurs ont construit des scènes au cordeau qui fonctionnent sur un principe très spectaculaire. Chaque morceau de texte (et sa réponse attendue), chaque énigme, déclenche instantanément un réflexe visuel, narratif qui bouscule constamment le joueur et consigne son attention.

À la manière d'un autre chef-d'œuvre, The Silver Case, Stories Untold se joue des codes et utilise les outils vidéoludiques comme bon lui semble pour vous empoigner dans son antre de la folie. L'aventure vous sera toujours racontée face à un écran (effet de distanciation) où il sera question de taper sur un clavier, de manipuler des outils ; ensuite ce qui semble inerte prend vie. Ce qui est magistral est que sur de très courts scénarios, à travers les arrière-plans fixes et l'exécution incommode des énigmes, une routine s'installe, une familiarité entre le joueur et l'endroit où il se trouve se fait et permet le basculement dans le fantastique. Et ça marche puisque s'installe chez le joueur de la peur, de la nervosité, de la tension, de la terreur...

Dans Stories Untold vous n'êtes que le spectateur d'une histoire écrite d'avance et sur laquelle vous n'avez aucune prise. Stories Untold est en réalité un film interactif qui prend des allures autant d'aventure textuelle que de point'n'click et que de jeu de réflexion ou d'aventure à la première personne. Vous les raconter ou vous les décrire serait vous les gâcher car ils sont la narration et qu'importe finalement leur qualité puisqu'ils n'ont pour utilité que d'être des passeurs de paroles. Ils s'inscrivent dans la globalité d'une œuvre d'art totale.

Ensuite, aucune inquiétude à avoir : face aux différentes jouabilités, la Switch s'en sort parfaitement. Les phases de texte n'ont plus à être tapées au clavier (Dieu merci parce que sur Switch bonjour la galère), mais on a droit à une liste de commandes qui fonctionne parfaitement. Soyez rassuré, les contrôles de la Switch ne dégradent en rien l'expérience de jeu, Stories Untold en fonctionnant sur un rythme lancinant et hypnotique ne demandera rien de plus que la Switch ne pourra vous offrir. La console de Nintendo se révèle véritablement la console de tous les possibles.

Stories Untold est à conseiller à ceux qui aiment les expériences, son concept radical pouvant dérouter. Un jeu adulte qui s'adresse à des joueurs en capacité d'apprécier une proposition artistique où les temps morts sont aussi essentiels que les moments en friction. Le jeu reste tout de même accessible de par ses thématiques extrêmement répandues dans la "binge-culture" actuelle. Ses épisodes extrêmement ramassés et son tempo spectaculaire sont très gratifiants pour les joueurs.

L'écriture du jeu est éblouissante, la capacité qu'il a de vous projeter et de vous inclure dans le scénario par une frugalité de moyens est prodigieuse : lignes de texte, bruitages, musiques, effets de lumière, voix off, différents éléments graphiques... Il est frustrant de ne pouvoir vous en dire plus tellement il y a d'instants magiques, dans tous les sens du terme. S'installe un dialogue prégnant entre le joueur et l'expérience ludique qui tient de l'art de la prestidigitation, c'est une claque horrifique qu'on n'avait pas ressentie depuis Silent Hill 2.