Test | Dishonored 2
08 déc. 2016

Les pleins pouvoirs

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Dishonored 2

Sorti il y a quatre ans, Dishonored avait marqué le jeu vidéo au point que nous l'avions nous-même récompensé d'un Atome d'Or. Toujours développé par la talentueuse équipe française d'Arkane Studios, Dishonored 2 avait donc fort à faire pour être à la hauteur de la légende. Verdict.

L'histoire

L'histoire se déroule une quinzaine d'années après les événements de Dishonored. L'impératrice Emily règne sur Dunwall et son père Corvo – héros du premier volet – reste à la fois son garde du corps et son conseillé. Alors qu'une réception protocolaire est organisée, Emily apprend qu'une tante cachée revendique le trône... par la force puisqu'elle s'en prend à Corvo. Tandis que celui-ci est sauvé, un premier choix vous est proposé.

C'est en effet à cet instant que vous devez choisir votre protagoniste, à savoir Emily ou son père. Nous reviendrons sur les différences en matière de gameplay plus tard, mais sachez que votre dessein est là : sauver le royaume de l'usurpatrice Delilah. Dishonored 2 est aussi malin que son grand frère dans la mesure où il met une fois de plus tous les personnages sur un pied d'égalité, comme pour donner du corps à l'univers. C'est réussi puisque chaque rencontre est entourée d'un mystère attisant votre curiosité. D'ailleurs, les personnages secondaire finissent de donner une âme à cette aventure. Quoi de plus naturel que de tomber par inadvertance sur des civils ou des cambrioleurs ?
Sisi impératrice, si si la famille !

Avant-propos

Emily, Corvo, furtivité, meutres... faîtes vos choix.

Dishonored était un jeu de game designer, et même plus précisément de level designer. Le titre brillait par sa capacité à vous laisser de la liberté sans que vous ne le sachiez véritablement. C'est en partageant votre expérience de jeu avec vos amis, une fois l'aventure terminée, que vous vous rendiez compte de la multitude de possibilités offertes. Vous êtes passé par cette fenêtre en pensant que c'était le chemin tracé par les développeurs ? Pas vraiment, puisque l'un de vos copains a eu la bonne idée de se transformer en poisson pour trouver une entrée menant à une cave insalubre. Enfin c'est ce que vous croyiez, avant qu'une autre personne ne vous apprenne qu'il suffisait de ramasser une invitation tombée par terre pour passer comme un prince une porte lourdement gardée. Dishonored relevait de l'orfèvrerie dans sa façon de dissimuler les choix proposés, à une époque où chaque jeu se contente de montrer sans subtilité au joueur les possibilités qui s'offrent à lui.
L'art de choisir

Le principe

Vous pouvez aussi décider de faire le jeu en vous privant de tous les pouvoirs. Bon courage !

Dishonored 2 poursuit la réflexion entamée par Arkane il y a quatre ans, et vous propose une fois de plus de jouer avec le jeu comme un développeur le ferait lors de phases de test. Ainsi, tout le monde se souvient de la téléportation du premier volet : ce pouvoir vous permettait de vous déplacer où bon vous semble, dans une vingtaine de mètres. Avec l'implémentation d'une telle capacité, les concepteurs transformaient l'expérience en une sorte d'exercice de "triche" orchestré.

Cette suite conserve cet aspect et le pousse même plus loin, grâce à l'implémentation de nouvelles capacités, et notamment d'un nouveau pouvoir appelé Domino. En effet, ce dernier vous permet de lier deux, trois ou quatre ennemis afin de les éliminer (ou de les étourdir) d'un coup. Prenons un exemple concret : quatre gardes sont présents dans une salle, vous liez leurs âmes et, si l'un d'eux s'éclipse (ou non), il vous suffit de l'étourdir pour que les trois autres perdent également connaissance.

Là où le système devient passionnant, c'est qu'il n'est pas disponible de suite et qu'il vous faut donc l'améliorer pour pouvoir éliminer quatre cibles d'un coup. Mais peut-être vaudrait-il mieux acquérir Ombre Errante, une capacité vous permettant d'être plus discret afin de vous faufiler plus simplement derrière votre adversaire. Peut-être alors que vous ne pourrez lier que trois âmes à ce moment de l'aventure, mais le jeu n'en vaut-il pas la chandelle ?
Domino day

Les soldats robotisés peuvent aussi voir derrière eux.

Et puis un dernier exemple : pourquoi ne pas laisser Domino au stade minimum, et améliorer Emily pour faire en sorte que les adversaires se désintègrent directement une fois transpercés ? Ainsi, vous pourriez lier deux âmes, vous faufiler derrière un ennemi, le transpercer, le voir se désintégrer et observer le second en faire de même. Et encore, dites-vous qu'il ne s'agit là que d'un échantillon, Dishonored 2 vous permettant par exemple de ralentir le temps, de renvoyer les balles avec votre sabre, etc.

L'intelligence de cette suite, c'est de faire en sorte que chaque choix influent constamment sur l'aventure, sans que vous en ayez conscience. Impossible, notamment, de savoir ce qu'il se passera dans la mission suivante, et si certaines situations ne seront pas compromises compte tenu de vos choix de gameplay. Ainsi, il vous faudra parfois vous éclipser plutôt que de perdre du temps bêtement pour acquérir un objet gardé par quatre soldats armés.

La progression

La vision permettant de voir à travers les murs, l'un des rares pouvoirs "classiques" du jeu.

Comme dans le premier volet, pour acquérir vos pouvoirs, il vous faut sortir un cœur vous indiquant des runes ou des "charmes". Le jeu favorise donc l'exploration et c'est souvent cette exploration (ou plutôt votre curiosité) qui donnera naissance à votre cheminement. Encore une fois, grâce à la téléportation le jeu se sert brillamment de la verticalité pour vous inciter à fouiller les bâtiments. À l'instar des jeux des années 1990, chaque armoire est susceptible de cacher quelques deniers.

Mais cet épisode brille surtout par la variété de ses ennemis. Des soldats aux gardes mécaniques en passant par des sorcières ou des molosses, le jeu varient les situations avec un certain talent. Et là encore, il vous faut ruser et faire marcher vos méninges pour vous adapter à chaque situation. Un joueur ayant économisé des carreaux anesthésiant pour son arbalète pourra gérer une situation devant laquelle d'autres joueurs privilégieront la fuite. D'autres moins scrupuleux préféreront faire parler les armes létales, voire la poudre avec des enchaînements toujours aussi spectaculaires. Lier des gardes avec un pouvoir, foncer sur eux, faire une glissade, tirer sur l'un d'eux avec un carreau enflammé et les voir tous brûler comme le premier : Dishonored 2 permet de telles choses.

Un mot tout de même sur les choix moraux présents au sein du jeu. Si cette suite est maligne, c'est parce qu'elle pousse constamment à l'expérimentation, au divertissement et à l'excès. De ce fait, faire le jeu "proprement", sans tuer personne, peut être vécu comme une véritable frustration tant certaines capacités ou armes ont l'air rigolotes.
Où tu veux, quand tu veux

Pour qui ?

Les marchands permettent d'acheter de l'équipement, mais aussi de l'améliorer grace à des plans.

Inutile de vous dire que Dishonored 2 est de ces jeux que vous referez vingt fois dans votre vie. Destiné aux fans d'infiltration mais plus encore à ceux qui veulent faire des "expériences", cet épisode propose une rejouabilité monstrueuse. Entre le choix des héros (Corvo conserve bien sûr une grosse partie de ses pouvoirs du premier volet), les approches furtives, létales ou encore la présence d'un indicateur de morale, l'addition peut s'élever à une centaine d'heures de jeu, tout cumulé. Car si le premier run sera pour beaucoup basé sur l'infiltration, c'est parfois en expérimentant et en rentrant dans le tas que vous vous amuserez et découvrirez les possibilités hallucinantes du titre. Dommage qu'il ne soit pas possible de sélectionner les chapitres une fois l'aventure terminée, ce qui aurait été pratique pour glaner quelques succès.
Ceux qui en veulent

L'emballage

Certains intérieurs sont très réussis sur le plan graphique...

Dishonored 2 est beau. Toutefois, il n'impressionne pas plus que cela graphiquement. Si les intérieurs sont réussis, les extérieurs sont globalement décevant et font un peu pâle figure sur cette génération. A contrario, certaines bâtisses impressionnent, ce aussi bien graphiquement qu'en matière de design. Mention spéciale à ce manoir coincé entre passé et présent, et dont certaines pièces sont en tous points remarquables. Esthétiquement, le jeu d'Arkane est probablement ce qui se fait de mieux en ce moment. Plus qu'un lot de consolation.
Une direction artistique remarquable

L'anecdote

Mais quelques rares extérieurs déçoivent franchement.

Au fil des ans, le premier Dishonored a donné naissance à un certain nombre de vidéos sur le net. Ainsi, des joueurs s'étaient amusés à faire des runs impressionnants, sans aucun temps mort, en comptant les temps images par images pour réussir certaines actions. De l'aveu même des développeurs, jamais ils n'auraient imaginé ce phénomène, et il n'avaient pas du tout penser le jeu pour ce type d'expérimentations. Au regard de la densité de cette suite, en matière de gameplay, il nous tarde de voir comment la communauté va réagir. D'ailleurs, des vidéos apparaissent déjà, comme celle-ci qui vous montre 80 façons différentes de venir à bout d'un ennemi (en l'occurrence un boss, même si cela est anecdotique).

La communauté à l'honneur
Les Plus
  • Une direction artistique magnifique
  • L'ambiance et le naturel des personnages
  • Des nouveaux pouvoirs qui rendent les possibilités presque infinies
  • Un level design toujours aussi remarquable
  • Une progression parfaite en mode Normal
  • Deux héros
  • La gestion avisée des choix moraux
  • Une aventure qui dure 20h minimum (en jouant le jeu)
  • Une rejouabilité monstrueuse
Les Moins
  • Quelques détections bioniques de la part des ennemis (mais c'est très rare, à la limite du bug)
  • Un petit manque de précision dans les téléportations, parfois (c'était déjà le cas dans le premier)
Résultat

Après quatre ans d'attente, Dishonored 2 ne déçoit pas et procure la même sensation que son prédécesseur en son temps. À une époque où les jeux sont faits dans la précipitation, cette suite offre un nombre de possibilités incalculables, qui témoignent d'un sens du détail effrayant. Rares sont les jeux vous proposant de les recommencer des dizaines de fois, tout en vous promettant qu'aucune partie ne se ressemblera (si vous y mettez du vôtre). Jeu de développeurs transformant les joueurs (et les héros qu'ils contrôlent) en surhommes, Dishonored 2 livre une définition du jeu vidéo rarement entrevue ces dernières années. Le jeu de l'année est français.

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