Test | The Man Who Erased His Name
14 nov. 2023

Alerte rouge au soleil levant

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The Man Who Erased His Name

Récemment renommée Like a Dragon en Occident (afin de coller à l'appellation japonaise), la licence Yakuza semble peu à peu atteindre une sorte de plafond de verre. Avec The Man Who Erased His Name et le retour de son héros emblématique Kiryu Kazuma – qui, comme le titre l'indique, a changé de nom –, on peut effectivement se demander quel sera l'avenir de la saga phare de SEGA.

L'histoire

Censé être six pieds sous terre, Kiryu Kazuma est en réalité caché au sein de la faction Daidoji, qui l'a convaincu de simuler sa mort contre le financement d'un orphelinat. Se faisant petit, le héros culte de la saga est pris au dépourvu quand, durant une mission en apparence banale, il est reconnu par des individus s'en prenant à Hanawa, alors son seul camarade de confiance. Ce dernier se fait finalement enlever, et celui qui se faisait jusqu'ici appelé Joryu voit son ancienne identité réapparaître au grand jour.

Sans grande surprise, le scénario de The Man Who Erased His Name se laisse suivre avec un plaisir relatif. Il convient de préciser que les ficelles de la série se voient de plus en plus, réemployant sans grand effort les archétypique éculés (le gangster gentleman, etc.), des situations ou même des lieux d'autrefois – une grande spécialité de la série. Alors ce n'est pas fondamentalement gênant, et certains continueront de défendre le côté malin consistant à essorer une recette jusqu'à la dernière goûte (de saveur ?), mais on ne peut s'empêcher de s'interroger sur l'avenir d'une licence qui peine à renouveler ses codes.

Car le seul truc à sauver – intellectuellement – de ce The Man Who Erased His Name, c'est peut-être ce côté "méta" malgré lui. L'histoire d'un homme qui n'arrive pas à se séparer de son passé, et celle d'une saga qui finalement traverse la même chose. Il faut "faire mourir Kiryu de nouveau", tout comme il faut conclure une énième fois des arcs narratifs devenus poussifs. C'est peut-être, d'une certaine manière, le fardeau des grandes œuvres populaires du XXIe siècle, de Dragon Ball à Star Wars.
Pour le meilleur et surtout pour le pire ?

Le principe

Heureusement, les cinématiques sont toujours au rendez-vous.

Pour la première fois depuis longtemps, The Man Who Erased His Name nous rappelle aussi que nous avons affaire à une formule vieillissante. Sans univers "original" (Ishin, Judgment) ni concept rafraîchissant (Yakuza : Like a Dragon), difficile d'être porté par autre chose qu'un énorme sentiment de déjà-joué. Tandis que nous parcourons les lieux bien connus des derniers épisodes en date, nous nous retrouvons projetés au sein d'affrontements qui semblent plus que jamais avoir fait leur temps.

Pourtant, le titre tente tant bien que mal d'apporter un peu de nouveauté, avec l'intégration de gadgets tels qu'une montre permettant de paralyser les ennemis, voire de les projeter à la manière de Spider-man, ou encore des cigarettes explosives "à la James Bond". Tout cela semble finalement bien peu en comparaison du level design ou de mécaniques que les fans se coltinent désormais depuis 18 ans, qu'il s'agisse du gameplay à base de combos (et de coups spéciaux avec les éléments du décors), mais aussi de la répartition des points de compétences toujours aussi conventionnelle.

Reste alors les habituelles activités annexes. Si ces dernières sont nombreuses, elles sont là aussi reprises, pour la plupart, des épisodes antérieurs. Pas de quoi s'offusquer outre mesure, mais pas sûr que cela incite les adeptes à passer plus de temps qu'il ne faut dans cette aventure. Vendu à moindre prix et étant initialement prévu comme DLC pour le prochain volet à sortir (Infinite Wealth, dont une démo est fournie avec le jeu), The Man Who Erased His Name ne dure qu'une quinzaine d'heures. Ce n'est franchement pas plus mal, mais nous ne sommes pas encore assez cyniques pour voir cela comme un argument de vente.
À l'Est, rien de nouveau

Pour qui ?

Les gadgets facilitent énormément les combats.

Le rédacteur de ce test étant lui-même un inconditionnel de la saga Like a Dragon, le fait que The Man Who Erased His Name lui paraisse relativement fade n'est probablement pas bon signe. Bien sûr, si vous faites partie des fans de la série n'ayant ressenti aucune lassitude ces dernières années, il y a des chances que ce standalone vous séduise. Si, au contraire, Yakuza 6 (ou même Judgment) avait déjà, selon vous, un goût de déjà-joué, on ne saurait que trop vous conseiller de passer votre chemin ; ou du moins d'attendre d'être véritablement "dans le mood". En l'état, Like a Dragon se met de plus en plus à ressembler à ces shōnen tirant sur la longueur, se caricaturant eux-mêmes et devenant bouffis par leurs propres archétypes et l'abondance d'épisodes hors-série. À noter que pour les possesseurs de Xbox, le titre est disponible dans le Game Pass. De quoi l'essayer à moindre coût pour éventuellement se faire un avis – et faire passer la pilule.
C'est la fête de trop

L'anecdote

Pour ceux qui n'ont pas joué à la saga, Gaiden est une bonne porte d'entrée.

Le système de progression de The Man Who Erased His Name a pour une fois l'avantage d'être assez rentre-dedans. Dès les premiers chapitres, il y a moyen d'amasser pas mal d'argent mais aussi des points Akame, récoltés lors de missions et servant à acheter divers objets et aptitudes. C'est certes moins surprenant et lucratif que de faire des placements immobiliers comme dans d'autres épisodes, mais cela permet de monter les statistiques de son protagoniste très rapidement.

Toutefois, tout cela met aussi au grand jour des aspects toujours plus désuets de la licence. On pense évidemment à ces mallettes disposées ici et là, et contenant généralement des objets à revendre en boutique. Ou encore, justement, à la découverte d'Akame, sorte de femme de l'ombre nous demandant notre aide pour ses "affaires"... alors que l'on cherche encore, en soi, à sauver notre camarade Hanawa. C'est aussi dans ces moments que The Man Who Erased His Name nous rappelle son statut d'ancien DLC, avec des grosses ficelles à la limite du gimmick de remplissage.
À bout de souffle

L'astuce

Le genre de passage qui nous font dire que, sauf changements, la série a peut-être fait son temps.

Pour ceux que ça intéresse, il va sans dire que The Man Who Erased His Name reste un Like a Dragon pure souche. Ainsi, les combines d'autrefois sont toujours valables. Pensez par exemple à faire le tour des boutiques et à acheter chaque article en un ou deux exemplaires, dès le début du jeu, ce qui vous évitera des allers-retours absurdes entre les quêtes secondaires. Investir dans les facilitateurs d'Akame est également un bon moyen de maximiser ses gains dès le début de l'aventure.
Combines mafieuses
Les Plus
  • Cinématiques toujours agréables
  • Peut-être une bonne porte d'entrée pour les néophytes
  • Un côté "apéritif" qui peut plaire
  • Un système de progression/compétences plutôt rapide et agréable
Les Moins
  • Un rendu qui commence à vieillir (surtout hors cinématiques)
  • Des combats qui peinent à se renouveler
  • Des situations (scénario, game design, activités, etc.) déjà vues et jouées
  • Une dissonance ludonarrative parfois salée
  • La désagréable sensation qu'on désacralise une œuvre
Résultat

The Man Who Erased His Name est malgré lui le symbole de la stagnation d'une licence devenue culte. Relativement joli mais ne parvenant plus à surprendre en raison de son moteur vieillissant, le titre s'essouffle aussi sur le plan conceptuel. Malgré son système de gadgets, il nous rappelle quelque peu les affres du temps : autrefois porte-étendard d'un certain réalisme et d'un contenu gargantuesque, Like a Dragon se mue petit à petit en une sorte d'exutoire routinier et toujours plus arcade. Rien de nouveau sous le soleil japonais diront certains, et c'est dans un sens vrai, mais cela interroge sur le fait que la saga – par le passé dans l'air du temps – n'évolue peut-être plus aussi vite que son genre... et que le médium. La formule continuera toujours de fonctionner auprès de certains, mais pour combien de temps ? Attention à ce que ce ne soit pas les joueurs qui aient envie d'oublier un nom jusqu'ici sacré.

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