Test | A Highland Song
31 janv. 2024

Laisse pas errer ta fille

Testé par sur
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A Highland Song
  • Éditeur Inkle
  • Développeur Inkle
  • Sortie initiale 5 déc. 2023
  • Genre Aventure

A Highland Song résonne comme la promesse d'une balade bucolique à travers les collines écossaises. Une promesse agrémentée de sonorités celtiques au gré de votre course tambour battant, cheveux au vent. Une promesse de panoramas une fois les points de vue atteints, l'horizon révélant de nouveaux sommets à gravir. Une promesse qui masque certaines réalités : le froid, la nuit, la torpeur sont également au rendez-vous, sans compter sur le fait que vous allez vous perdre, perdre foi en votre sens de l'orientation, perdre espoir d'arriver à temps au bout de votre voyage. Enfilez vos bottes de marche, prenez quelques barres de céréales, le voyage ne sera pas de tout repos.

L'histoire

La mer. Avez-vous déjà vu la mer ? Certainement pas notre héroïne, enfant de pays montagneux au cœur de l'Écosse, pour qui l'eau rime surtout avec les lochs et la pluie. Pourtant, dans cinq jours se déroule un festival qu'elle ne manquerait pour rien au monde. Même l'amour maternel protecteur ne suffira pas à l'en dissuader. Mais au diable les interdits, vous êtes une adolescente en pleine rébellion et comment refuser l'attrait du festoche celtique et son chouchen à volonté ? Au fil de votre épopée, les secrets de famille font surface avec des lettres de votre oncle lues au coin du feu. Pourquoi ne le voyez-vous jamais ? Pourquoi votre mère vous a-t-elle tant empêchée d'entreprendre ce voyage ? Des mystères d'autant plus épais que le tout est raconté dans un anglais non conventionnel, vous perdant parfois dans quelques phrasés alambiqués.

N'ayant jamais franchi ces montagnes, n'ayant jamais été aussi loin, parviendrez-vous à la fête en temps et en heure ? Ou errerez-vous indéfiniment dans les montagnes, comme lors de ce test, où la fête est passée depuis déjà six jours, sans savoir quel chemin emprunter, quelle direction choisir, par quel bout prendre cette histoire, jusqu'à en oublier votre nom et le sens de votre vie ?
Monts et mère veille

Le principe

Ces fragments de carte sont votre salut.

Le concept de A Highland Song repose sur le principe du jeu de l'oie : un long parcours semé de raccourcis. La topographie du jeu est constituée de tranches horizontales, que vous aurez rapidement fait de parcourir un peu bêtement de long en large. Pourtant, à de nombreux endroits, des passages permettent d'accéder au calque suivant : par un simple saut pour grimper une légère pente, par un pont dont l'existence n'est signifiée que par un petit piquet presque invisible, ou encore par des galeries souterraines qu'il vous faudra explorer en priant pour ressortir vivante. Si le principe séduit, la réalité n'est pas forcément agréable. Vous avez un objectif, certes, mais livré totalement à vous-même les errances sont nombreuses, avec le sentiment de devenir fou en repassant deux fois au même endroit. Ou le décor se ressemblait juste ?

En plus de vos essais hasardeux qui peuvent parfois vous renvoyer tout simplement en arrière, vous avez parfois la chance de tomber sur des indices cartographiques abandonnés ça et là. Une note griffonnée à demi effacée qui pointe un sentier ; un papier froissé qui indique une grotte possible entre deux buissons... Pour identifier ces passages privilégiés, il vous faudra grimper jusqu'à un point culminant et tenter, à l'aide de votre longue vue, de faire correspondre le croquis approximatif avec le découpage des montagnes. Parfois, l'évidence est là. Souvent, il ne vous restera pas assez de cheveux à vous arracher pour pointer le bon petit caillou derrière le bon petit sapin. Et même s'il semble possible d'arriver au bout du jeu sans ces indices, nombreux sont les endroits où les passages n'apparaissent pas tant qu'ils n'ont pas été identifiés (logique). Résultat : vous passez devant des chemins évidents et échouez dans une voie sans issue, sans autre possibilité que de repartir très très loin en arrière. La frustration atteint des sommets.
Le jeu de la mort et du hasard

Pour qui ?

Suivre une biche en rythme, c'est aussi le meilleur moyen de rater des indices.

Clairement, A Highland Song vous fait voyager. Le jeu mêle une ambiance onirique avec des décors joliment orchestrés. L'Écosse, à la fois lumineuse et humide, se confronte sous vos yeux, jusqu'à perturber votre attirance probable pour ce pays. Est-ce que vous avez vraiment envie de vous perdre dans les Highlands bourbeux ? D'atteindre des sommets certes magistraux mais sans jamais voir un horizon accueillant ? Sombrer dans des cavernes qui semblent vous mener au centre de la Terre, pour en ressortir éreinté et vous reposer dans un refuge spartiate mais abandonné ? Si tant est que ce refuge soit ouvert, d'ailleurs, car le coup de la bâtisse en haute montagne fermée à clé impossible à ouvrir malgré le pied de biche dans votre sac à dos, il fallait oser.
Un pont trop loin

L'anecdote

Deux clés, un pied de biche : non, je vais crever dans le froid.

Ce test a été écrit à quatre mains. Pour drip, le titre est en effet un essai doux et généreux mais quelque peu maladroit, reposant un peu trop sur des mécaniques redondantes : les sprints avec le cerf pour combler des plaines un peu vides, les ponts invisibles qu'il faut scruter au plus près, les cartes dessinées avec deux mains gauches pour perdre artificiellement les joueurs dans le décor... car en réalité, sans cette difficulté de repérage, A Highland Song serait davantage une simulation de marche en montagne qu'un réel jeu. Là, vous devez prendre des décisions, pousser un peu l'exploration quitte à vous retrouver dans un cul-de-sac ou, coup de chance, passer sur un autre versant de la colline. Le souci étant : vous ne savez pas où vous allez, et quand vous arrivez presque au bout pour finalement échouer, l'envie de recommencer n'est pas forcément là.

Pour Juliette, la souffrance l'a emporté sur le plaisir du jeu. Certes, A Highland Song lui a rappelé ses souvenirs de marche en Écosse, en solitaire dans les montagnes, mais elle avait à l'époque quand même un GPS sur elle. Dans le jeu, le manque d'indications, le lâché prise total sur les prises de décision, souvent mauvaises, ont eu raison de son esprit. Perdue à jamais dans les montagnes, elle y erre toujours, ne parvenant pas à atteindre la fête pour essayer de boire un fond de godet asséché ni rentrer chez elle pour pleurer la tête dans un oreiller le reste de sa vie.
127 heures, Scottish Edit
Les Plus
  • C'est joli
  • Le système des plans horizontaux, très malin
Les Moins
  • Les séances de danse : marrant une fois, redondant ensuite
  • Comment sortir de la montagne glacée sans carte ?
  • L'échec comme seule motivation
  • C'est joli l'anglais écossais mais au risque de ne pas tout saisir...
Résultat

A Highland Song illustre parfaitement la fine frontière qui relie l'amour à la haine. De loin, l'herbe est diablement verte : l'ambiance, la poésie, les décors (superbe mode photo au passage). Mais une fois dans le bourbier et les premiers émois poétiques passés, vous perdez foi en la vie. Pourquoi tant marcher pour aboutir à des culs-de-sac ? Le titre parie certes sur une forte rejouabilité, la première tentative de traversée semble résolument vouée à l'échec. Mais est-ce que la frustration générée par la perte de repères et une forte part de chance ou de hasard suffisent à motiver à recommencer encore et encore ? A Highland Song restera pour nous un rendez-vous manqué.

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