Test | D4 : Dark Dreams Don't Die
09 oct. 2014

Les grands jeux ne meurent pas

Testé par sur
D4 : Dark Dreams Don't Die

Hidetaka Suehiro. Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais ce bonhomme et son studio (Access Games) sont à l'origine de quelques jeux cultes. Le dernier en date n'est autre que Deadly Premonition, dont l'intrigue et le background avaient été salués par Gamatomic. D4 : Dark Dreams Don't Die est donc le nouveau bébé du Suehiro, un nouvelle fois réalisateur et scénariste. Une bonne exclusivité pour la One ?

L'histoire

D4 : Dark Dreams Don't Die vous place dans la peau d'un héros pour le moins spécial. David Young est un ex-flic de la police judiciaire de Boston. Depuis la disparition de sa femme, ce dernier travaille à son compte et poursuit le meurtrier de sa bien aimée. Pour ce faire, il ne dispose que d'un indice, une lettre de l'alphabet qu'elle a prononcée au moment de partir : la lettre D. Si David Young est particulier, c'est parce que suite à ce drame (et à une balle restée dans sa tête), il a en partie perdu la mémoire et a acquis une faculté extraordinaire. En effet, il peut se projeter dans le passé en touchant des objets appelés "mementos".

D4 n'est pas tant surprenant par son pitch que par ce qui en découle. Visuellement d'abord, le jeu bénéficie d'une direction artistique étonnante qui rappelle les comics américains (ou les dernières productions de Telltale Games, si vous préférez). La différence, c'est que le parti pris graphique est peut-être plus justifié ici. Vu que D4 met l'illusion (et l'incohérence) au centre de son propos, l'aspect suggestif de l'animation permet aux développeurs d'intégrer des personnages et situations ubuesques de manière crédible.

Car si D4 est un jeu remarquable, c'est avant tout pour sa qualité d'écriture. Les personnages du jeu sont autant de personnalités fragmentées, chacune paraissant à la fois familière et dégénérée. En ce sens, chaque protagoniste donne l'impression de ne pas être à sa place dans une situation pourtant banale : un vol d'avion faisant le transit entre Boston et Washington. Cette impression, alliée à une mélancolie omniprésente – Young ne cesse d'avoir des visions de sa femme – n'est pas sans rappeler Twin Peaks, influence déjà présente dans Deadly Premonition. A ce sujet, un personnage secondaire semble y faire clairement référence, mais laissons la surprise aux fans.
"Voici l'histoire d'un homme au destin bien étrange."

Le principe

Un avion, des passagers peu banals et un passeur de drogue qui se volatilise mystérieusement.

En accord avec la volonté de créer un système formel, Suehiro a fait de David Young l'homme de la situation, celui à qui il incombe de reconstituer les pièces du puzzle en même temps que son propre passé. Pour enquêter, vous dirigez votre personnage de façon sommaire, plan par plan, un peu à l'instar des jeux d'aventure du début des années 90. Toutefois, D4 base son game design sur l'analyse, et il est donc logiquement possible de vous tourner pour scruter l'environnement. Chaque action, même quelconque, vous coûte de l'endurance qu'il faut recouvrir en mangeant ce que vous trouvez en chemin. L'exploration est d'autant plus importante que chaque objet observé vous renseigne sur le background du jeu, en plus de vous donner des crédits à dépenser dans des tenues ou repas.

Contrairement à des jeux comme The Walking Dead, D4 rappelle constamment au joueur son statut. S'il intègre des mini-jeux et des séquences d'actions contextuelles, le jeu vous oblige surtout à rester actif lors des dialogues ou phases de recherche. Même lorsque vous parler à des protagonistes, il n'est pas rare de voir la touche Y apparaître à l'écran : si vous appuyer assez longtemps sur le bouton adéquat, David remarquera des détails supplémentaires, et qui rapportent quelques crédits. Bien que l'assimilation de ces principes soit de prime abord complexe, vous vous prenez finalement au jeu, porté par l'ambiance du titre et une certaine boulimie du détails (qui n'a d'égal que celle du protagoniste).
Avant-gaarde !

Pour qui ?

Vous pouvez saisir des objets, interagir avec d'autres ou simplement les étudier.

D4 peut convaincre le plus grand monde, notamment grâce à son ambiance savoureuse qui n'a rien à envier à celles de ses principaux concurrents. Le jeu d'Access Games est aussi intéressant à analyser. Tout semble avoir été pensé dans une optique artistique, et il est clair que la cohérence de l'ensemble (forme, écriture, mise en scène, gameplay) fait de D4 une œuvre à part entière. Les amateurs d'intrigues policières et de surnaturel devraient aussi trouver leur bonheur (fans de Twin Peaks plus que bienvenus).
C'est de l'art

L'anecdote

Une jauge de vie diminue lorsque vous ratez des actions contextuelles.

D4 est compatible Kinect. Que ce soit à la manette ou avec la détection de mouvement, le jeu propose des interactions logiques. Toutefois, pensez à bien calibrer le capteur et à ajuster les réglages dans le menu du jeu... Il serait dommage d'abandonner dès le début de l'aventure pour une raison si futile. A noter, pour les réfractaires, que le jeu est parfaitement jouable à la manette.
L'exception
Les Plus
  • Fascinant
  • De vraies intentions artistiques
  • Des choix plus judicieux qu'il n'y parait de prime abord
  • Les musiques
  • Assez long
Les Moins
  • On veut la suite !
Résultat

L'annonce de D4 : Dark Dreams Don't Die avait laissé tout le monde de marbre. Certains pensaient même qu'il s'agissait d'une suite à D2, premier jeu à avoir été annoncé sur Dreamcast. Il n'en est rien, mais c'est bien à un jeu tout aussi étrange dont nous avons affaire. Bénéficiant d'une esthétique peu commune (on est proche de Jojo's Bizarre Adventure par moment), D4 est avant tout porté par ses thématiques et la cohérence qui les accompagne. Jeu sur la mélancolie, le souvenir, sa reconstitution, la fragmentation... D4 applique à son gameplay les mêmes fissures. La façon dont vous déplacez le héros en est le meilleur exemple : par à-coups. D'ailleurs, il est amusant de voir que le jeu est lui-même fragmenté, les deux premiers épisodes – pour une durée totale de sept heures – étant proposé pour une vingtaine d'euros. Autant être clair ; devant des partis pris si mémorables, on attend la suite avec beaucoup d'impatience.

Partagez ce test
Tribune libre